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Dossier de synthèse

Les pactes d'actionnaires

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2. L'efficacité des pactes à l'épreuve de la pratique

Les pactes d'actionnaires sont avant tout caractérisés par une grande liberté dans leur rédaction.

Toute clause peut être insérée dans un pacte d'actionnaire : des clauses de sortie conjointe, des clauses portant sur les nominations des administrateurs au Conseil d'administration…

En dépit de la validité que reconnaît la Cour de cassation aux pactes d'actionnaires, les pactes sont susceptibles de conserver quelque chose de suspect.

Les juges sont d'autant plus attentifs aux clauses contenues dans les pactes d'actionnaires qu'en général elles prévoient des avantages particuliers pour une classe d'actionnaires.

Le pacte d'actionnaires se voit reconnaître ainsi une validité par la Cour de cassation mais il ne crée en pratique aucune contrainte effective au profit de son bénéficiaire qui ne peut se prévaloir que d'une obligation de faire à la charge du promettant.

Par exemple, la Cour de cassation ne cesse en effet de limiter les effets du pacte de préférence.

Tout d'abord, le pacte d'actionnaires n'est pas opposable aux tiers.

C'est l'article 1165 du Code civil qui s'applique aux relations entre les signataires du pacte et les tiers.

Cet article pose le principe de l'effet relatif des conventions et dispose que « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, elles ne nuisent point aux tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par l'article 1121 ».

Les clauses du pacte ne vont donc lier que les signataires quant à leurs effets et à leur existence. Les clauses du pacte ne sauraient imposer des obligations à un autre actionnaire ou à un tiers.

Ces conventions sont inopposables à la société elle-même. En effet, les mandataires sociaux non signataires du pacte ne peuvent se voir opposer les dispositions de cette convention extra statutaire.

La convention passée entre les associés n'est en aucun cas opposable à la société, mais en vertu du principe de liberté contractuelle elle va conserver sa valeur entre les associés et elle va s'imposer à eux.

Ainsi, en cas de divergence entre les statuts de la société et le pacte instituant des relations entre les associés ce sera la volonté réelle des associés exprimée par le pacte qui va prévaloir sur les statuts.

Ainsi, la Cour de cassation à l'occasion d'un arrêt du 17 mars 1982 a rappelé l'inopposabilité de la convention à la société mais elle a souligné en revanche son caractère contraignant vis-à-vis des signataires.

L'administration fiscale n'est pas non plus susceptible de se voir opposer les dispositions d'un pacte à l'occasion d'un contrôle fiscal, en effet le fisc ne prend pas en compte la convention qui prévoirait une répartition du résultat de la société qui serait différente de celle prévue par les statuts.

Ce pacte est par ailleurs inopposable aux autres actionnaires qui bien souvent ignorent jusqu'à l'existence même de celui ci.

L'inopposabilité est la conséquence même de l'absence de publicité du pacte, contrairement aux statuts qui font l'objet de toutes les mesures de publicité classique.

Se pose aussi la question de l'opposabilité de la convention aux nouveaux actionnaires, car souvent le pacte contient une clause de ratification, celle-ci consistant en ce que tout nouvel actionnaire devra ratifier le pacte dès son entrée au capital de la société.

Au final, la violation de la clause de ratification ne donnera lieu qu'à des dommages et intérêts dus par le cédant ayant violé la convention.

Cette convention demeure en effet inopposable au cessionnaire ne l'ayant pas ratifiée.

La violation du pacte par l'un des signataires entraîne nous le verrons la mise en œuvre de sa responsabilité civile, cependant l'effet relatif des conventions s'oppose a priori à ce qu'un tiers non signataire de la convention puisse être lui aussi sanctionné pour la violation d'un pacte dont il n'a pas connaissance et auquel il n'adhère pas.

En revanche, la solution est toute autre lorsque l'on fait intervenir le concept de mauvaise foi du tiers et de collusion frauduleuse avec le signataire du pacte.

Si le tiers avait une parfaite connaissance du pacte et des obligations auxquelles son cocontractant était tenu, de ce fait il y a collusion frauduleuse en ce qu'il aide le promettant à violer ses engagements.

Dans ce cas la jurisprudence estime qu'il faudra sanctionner aussi ce tiers qui peut être condamné à réparer le préjudice né de la violation du pacte.

Malgré tout, le principe de l'inopposabilité demeure malgré ce tempérament jurisprudentiel.

Ensuite, l'actionnaire qui ne respecte pas les obligations souscrites dans le pacte voit sa responsabilité contractuelle engagée.

En aucun cas l'acte passé en violation du pacte pourra être annulé.

La Cour de cassation a depuis longtemps et par une jurisprudence ferme et stable affirmé le principe selon lequel l'obligation qui liait le cédant aux autres signataires du pacte était une obligation de faire, laquelle se résoud en dommages et intérêts.

C'est l'apport de l'arrêt fondateur en la matière de la Cour de cassation du 7 mars 1989 connu sous le nom d'arrêt « Schwich et Baizeau ».

Il convient de rappeler brièvement les faits et la procédure afin de mieux comprendre la sanction instaurée par la Cour de cassation.

En l'espèce par un pacte, les actionnaires d'une société cotée vont convenir d'une clause de préemption au profit des autres signataires en cas de cession, mais les intéressés vont céder leurs titres à d'autres cessionnaires que les actionnaires liés par le pacte.

Les autres signataires demandèrent alors en justice l'exécution forcée de la convention et le transfert à leur profit des actions cédées en violation du pacte.

Par un arrêt confirmatif la Cour d'appel leur donna raison, mais à la suite d'un pourvoi des cédants, la Cour de cassation va casser l'arrêt déféré.

Pour elle la sanction de la violation d'un engagement de préférence ne peur consister qu'en l'allocation de dommages et intérêts et ne peut donner lie au transfert des titres cédés malgré le pacte de préférence. La cassation se fait au visa de l'article 1142 du Code civil qui dispose que « l'obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ».

Pour la Cour de cassation les obligations souscrites dans un pacte d'actionnaire ne font donc naître que des obligations de faire et non pas une obligation de donner pour le cas où l'obligation concerne un droit de préemption.

Cependant si la violation du pacte d'actionnaire se résoud par des dommages et intérêts, leur allocation est subordonnée à la preuve d'un préjudice pour les autres parties signataires.

Ainsi, aucune indemnisation ne peut être obtenue si le préjudice allégué ne peut être démontré, c'est ce qu'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2002.

Mais on peut imaginer que pacte prévoie lui-même les sanctions en cas de non respect des obligations auxquelles les parties vont s'engager, on pense évidemment à la clause pénale mais toutefois celle-ci est subordonnée au pouvoir modérateur du juge en cas de litige, mais on peut tout aussi bien imaginer l'insertion d'une clause résolutoire…

L'article 1143 du Code civil permet, en cas de violation d'une obligation de ne pas faire, que soit détruite la convention passée en fraude de cette obligation.

Il faut cependant que soit démontré qu'il y a une collusion frauduleuse avec le tiers, ce qui impose la double démonstration de la connaissance par le tiers du pacte d'une part, et d'autre part de la démonstration de la volonté de la partie bénéficiaire de se prévaloir de la clause.

Ceci rend encore plus difficile l'application de la sanction.

Mais la jurisprudence a aussi apporté quelques tempéraments.

En effet, il est acquis que la vente conclue en violation d'une promesse unilatérale de vente contenue dans un pacte puisse être annulée en cas de démonstration de la mauvaise fois du tiers, c'est-à-dire sa connaissance de la promesse.

C'est l'application de l'adage « fraus omnia corruptit » qui vient au secours du bénéficiaire de la promesse.

Sur le problème de l'évaluation du préjudice la question a été débattue en doctrine mais n'a jamais trouvé de réponse tranchée.

Quelques auteurs considèrent que la perte de dividende ou la perte d'une chance de devenir l'associé majoritaire par une augmentation de sa participation sont des préjudices réparables.

Le plus sur moyen en l'état actuel de la jurisprudence serait pour le rédacteur du pacte de prévoir lui-même ce qui constitue un préjudice pour les parties, ou une clause pénale.

Enfin, l'exécution forcée du pacte n'est a priori pas possible.

Il ne semble en effet pas interdit d'envisager une exécution en nature de certains engagements souscrits, telle une promesse unilatérale d'achat ou de vente de titres.

En effet, pour la Cour d'appel de Paris, lorsqu'un signataire d'un pacte d'actionnaires s'est engagé irrévocablement à céder ses titres dans les conditions globales d'une offre qui serait acceptée par la majorité des autres actionnaires, l'exécution de la promesse peut être ordonnée sous astreinte par le juge, dès lors que le débiteur de l'obligation de céder, est resté propriétaire des titres.

Dans ce cas, la Cour d'appel de Paris a relevé qu'aucune impossibilité matérielle, juridique ou encore morale ne faisait obstacle à cette exécution forcée en nature du pacte. C'est en effet l'enseignement qu'il faut tirer de cet arrêt du 21/12/2001 de la Cour d'appel de Paris « Banque de Vizille c/ MGP finance ».

Il était question en l'espèce de l'exécution forcée en nature du pacte d'actionnaires qui instaurait une clause de liquidité fréquente dans les opérations de LBO afin de garantir la liquidité du placement financier pour les investisseurs en capital dans les sociétés non cotées.

La Cour de Paris a réaffirmé que le fait qu'un pacte ne génère qu'une obligation de faire au sens de l'article 1142 du Code civil, n'est pas de nature à faire obstacle à son exécution forcée en nature lorsque comme en l'espèce aucune « impossibilité matérielle juridique ou morale ne s'y oppose ».

La Cour de cassation demeure pour l'instant hostile à la substitution forcée du bénéficiaire d'un pacte de préférence par exemple, ce que critique violement une partie de la doctrine et ce qui suscite des mouvements de résistance de la part de juridictions du fond.

Ainsi l'arrêt du 21 décembre 2001 doit voir sa portée limitée en effet l'arrêt rapporté ordonne l'exécution forcée d'un engagement irrévocable de cession de titres. Aussi dans bien des cas, l'exécution forcée des pactes est encore impossible. Ceci confère donc une efficacité restreinte à de tels engagements qui en quelque somme pour reprendre l'adage populaire ne sont que « des promesses qui n'engagent que ceux qui les formulent ».

L'obstacle de l'obligation de faire de l'article 1142 n'est cependant pas insurmontable pour les tribunaux qui admettent fréquemment comme pour l'espèce rapportée que la condamnation en nature soit possible.

C'est par exemple admis pour ce qui concerne les obligations de souscrire à une augmentation de capital.

L'inopposabilité des pactes extra statutaires est un frein à l'exécution forcée puisqu'en effet le tiers acquéreur de bonne foi des actions cédées au mépris des engagements du pacte restera propriétaire des actions.

Par conséquent l'exécution forcée des pactes d'actionnaires en nature demeure l'exception alors que paradoxalement c'est la sanction la plus communément utilisée afin de sanctionner une violation statutaire.

De plus il faut souligner que le Code de commerce prévoit expressément par exemple la nullité des actes passés en violation de clauses statutaires, (exemple de L 228- 23 pour la violation d'une clause d'agrément) ce qui est protecteur pour les dispositions statutaires.

L'idéal serait de pouvoir inclure dans les statuts les clauses insérées dans des pactes extra statutaires, ce qui est aujourd'hui possible avec la SAS. Car c'est en effet l'essor des SAS qui risque de donner un nouveau souffle et une meilleure effectivité aux pactes d'actionnaires.

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LES COMMENTAIRES
MARTINELE 13/03/2013 À 15:06:06

merci, excellent dossier,

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Modifié le 25/10/2011 à 14:07:12

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