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Droit du travail

Droit de retrait danger grave et imminent
Conditions de travail (horaires, sécurité…)

Bonjour.
Un droit de retrait de danger grave et imminent a été déposé par un collègue cariste de mon entreprise.Notre patron le conteste parce que d'après lui:
-les faits que les balais d’essuie-glaces du charriot-moteur ainsi que le klaxon, ne fonctionnent pas et qu'il n'y ai plus de rétroviseurs, ne constituent pas un danger grave et imminent!
Qui a raison juridiquement le patron ou l'employé???
Merci d'avance pour vos réponses Cdt


Question posée le 14/03/2012

Par Chris

Département : Gard (30)


Mots clés de cette question :Droit de retrait
Date de la réponse : le 15/03/2012

Bonjour,

La loi no 82-1087 du 23 décembre 1982 a voulu marquer le rôle du salarié dans la démarche de prévention en octroyant à ce dernier le droit de se retirer d'une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (C. trav., art. L. 4131-1).

Compte tenu de sa nature et de sa finalité, l'exercice de ce droit de retrait n'est soumis à aucun formalisme (CE, 4 déc. 1987, no 74.679).

L'employeur ou son représentant ne peut alors lui demander de reprendre son activité tant que subsiste le danger et il doit prendre immédiatement les mesures nécessaires pour protéger ses salariés.

L'exercice du droit de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de sanction disciplinaire ni de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé (C. trav., art. L. 4131-3).

Dans ce cas, à mon avis, le droit de retrait peut être justifié. Le mauvais état de l'outil de travail motorisé étant facteur de risques avérés. C'est bien sûr les juges aux prud'hommes qui en cas de litige décideront. Je vous invite à vous rapprocher de la CARSAT (ex-CRAM, service prévention) pour vous en assurer.

L'accident du travail qui surviendrait à un salarié qui aurait usé préalablement de son droit de retrait serait par ailleurs considéré comme découlant d'une faute inexcusable de l'employeur (C. trav., art. L. 4131-4).

a) Nature du danger

La loi vise le danger imminent menaçant la vie ou la santé du salarié. Par imminence il faut entendre un danger susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché. Au-delà du risque d'accident et de maladie professionnelle, le danger concernant la santé englobe les effets des nuisances tenant aux conditions de travail (vapeurs nuisibles, bruits excessifs, poussières) dès lors que ces nuisances prennent un caractère aigu créant un danger imminent. Le danger peut émaner d'une machine, d'une ambiance de travail, d'un processus de fabrication.
La faculté donnée au salarié de se retirer de son poste de travail doit être entendue comme un recours exceptionnel lorsqu'en face d'une menace de danger grave et très proche il n'y a pas d'autre moyen d'agir pour échapper au danger. Par danger grave, il faut entendre « un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » (Cir. DRT no 93/15, 25 mars 1993, BO Trav. 93/10, p. 99).

Le danger doit apparaître comme se situant au-delà du risque qui s'attache à l'exercice normal d'un travail qui peut impliquer, en soi, certaines servitudes ou un certain risque.
Un travail reconnu dangereux en soi ne peut suffire à justifier un retrait (A. Bousiges, Dr. soc. 1991, p. 279 ; pour une application jurisprudentielle, concernant des convoyeurs de fond : CA Aix-en-Provence, 8 nov. 1995, JCP éd. E 1996, II, 859).

b) Le motif raisonnable

La loi n'exige pas que le caractère de gravité du danger et son imminence apparaissent comme réels et effectifs. Le salarié conserve une latitude d'appréciation et un certain droit à l'erreur dans la limite du raisonnable.
Ainsi, le Conseil d'Etat a-t-il considéré qu'une clause de règlement intérieur subordonnant le retrait à l'existence d'un danger effectif était contraire à la loi (CE, 9 oct. 1987, no 69.829).

Mais en présence d'une sanction disciplinaire prise par l'employeur sur le fondement d'un exercice injustifié ou abusif du droit de retrait, il appartiendra au conseil de prud'hommes statuant sur la légitimité de cette sanction, sur le terrain du droit disciplinaire, d'apprécier le caractère raisonnable ou non de la crainte invoquée par le salarié. Ils pourront ainsi tenir compte de l'âge du salarié, son état de santé, sa qualification ou encore son expérience professionnelle.

— Voir par exemple, Cass. soc., 17 oct. 1989, no 86-43.272 ; Cass. soc., 9 mai 2000, no 97-44.234, Bull. civ. V, no 175, p. 135 ; Cass. soc., 23 avr. 2003, no 00-44.806.
Dans le même esprit, on peut remarquer que le droit de se retirer ne doit pas nécessairement trouver sa cause dans un motif étranger à la personne du salarié. La Haute juridiction a admis en ce sens qu'un salarié dont l'état de santé ne permet aucun contact avec des animaux ou des substances chimiques peut donc exercer son droit sans être sanctionné (Cass. soc., 20 mars 1996, no 93-40.111).

c) Absence de risque pour les tiers

Dans chaque situation de travail, le salarié doit tenir compte de son environnement de travail. En ce sens, il ne saurait se retirer de son poste sans mesurer préalablement les conséquences qu'un tel retrait peut entraîner par rapport à la situation de ses collègues de travail ou des tiers. L'article L. 4132-1 du Code du travail précise ainsi explicitement que le droit de retrait doit être exercé de telle manière « qu'il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent ».

d) Devoir d'alerte

L'article L. 4131-1 du Code du travail précise que le salarié « alerte immédiatement l'employeur ou son représentant de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection ». Ainsi pèse sur le salarié qui entend exercer son droit de retrait un devoir d'alerte. La loi ne précise ni le moment ni la forme que doit revêtir cette alerte et le Conseil d'Etat, comme aujourd'hui la Cour de cassation, considèrent qu'une consignation écrite n'était pas compatible avec les exigences de sécurité (CE, 4 déc. 1987, no 74.679 ; CE, 12 juin 1987, no 75.276, Dr. soc. 1987, p. 654, note J. Savatier ; CE, 22 avr. 1988, no 85.342 ; CE, 29 déc. 1989, no 86.656 ; CE, 11 mai 1990, no 90.213 ; Cass. soc., 28 mai 2008, no 07-15.744).

e) Conséquences de l'exercice du droit de retrait

Lorsque le droit de retrait est utilisé légitimement, l'employeur ne peut amputer la rémunération correspondant au temps de retrait du poste de travail (C. trav., art. L. 4131-3). Le salarié aura le droit de percevoir sa rémunération tant que l'employeur n'aura pas pris les mesures nécessaires pour remédier au risque. De même, le salarié ne peut faire l'objet d'aucune sanction du fait d'avoir utilisé ce droit, et s'il est licencié, il pourra demander réparation de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation a par ailleurs décidé que compte tenu de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur, le licenciement d'un salarié ayant légitimement usé de son droit de retrait pouvait être considéré comme nul (Cass. soc., 28 janv. 2009, no 07-44.556) :
« Vu l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du Code du travail, ensemble l'article L. 1121-1 du même code interprété à la lumière de l'article 8 § 4 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 ;
Attendu d'une part qu'aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif légitime de penser qu'elle présentait une danger grave ou imminent pour chacun d'eux ; d'autre part que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection et de sécurité au travail, doit en assurer l'effectivité ; qu'il s'ensuit qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger ».
A l'inverse, dès lors que le retrait est jugé injustifié, l'employeur peut opérer une retenue sur salaire (Cass. soc., 23 avr. 2003, nos 00-44.806 à 01-44.809, à propos de conducteurs de bus qui se sentaient concernés et menacés par des agressions perpétrées à l'encontre de leurs collègues sur d'autres lignes). La retenue de salaire peut être effectuée, et ce même si le salarié reste à la disposition de l'employeur (Cass. crim., 25 nov. 2008, no 07-87.650).
Si, après enquête, l'employeur arrive à établir que le danger n'existe pas, le salarié est tenu de reprendre immédiatement son travail, sous peine d'être sanctionné, l'absence du salarié s'analysant comme une non-exécution des obligations contractuelles (Cass. soc., 11 juill. 1989, no 86-43.497, Bull. civ. V, p. 312 ; Cass. soc., 20 janv. 1993, no 91-42.028, Bull. civ. V, p. 15). La faute grave pourra même être retenue si le salarié n'a pas alerté l'employeur, n'avait pas de motif raisonnable de penser être en danger et a mis ses collègues de travail en danger par son retrait du poste (Cass. soc., 21 janv. 2009, no 07-41.935).

Cordialement,

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