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Droit du travail

Contester une mutation

Nous sommes 20 à avoir reçu une demande de mutation que nous allons refuser. Peut-on contester les raisons de la mutation évoquées sur le courrier reçu en recommandé qui parlent de raisons économiques => réduire les couts d'exploitation, alors que le résultat d'exploitation est bénéficiaire.
Nous allons donc être licenciés économiquement.
Et, comment contester ?
Merci pour votre réponse


Question posée le 22/01/2011

Par Décue

Date de la réponse : le 23/01/2011

Vous pouvez toujours contester les raisons économiques si vous avez des chiffres à exposer (par le CE par exemple). Les difficultés économiques soulevées par votre employeur doivent être réelles. Les difficultés économiques relèvent de la catégorie des causes conjoncturelles de licenciement pour motif économique.

La jurisprudence ne donne pas une définition des difficultés économiques. Tout en précisant comme je vous l'ai écrit que les difficultés économiques invoquées doivent être réelles (Cass. soc, 12'nov. 1997, no'95-42.148) et constituer la raison véritable du licenciement (Cass. soc., 7'janv. 1998, no'95-43.134), elle prend en compte, en général, les difficultés commerciales, financières, ou les résultats comptables et s'en tient à une casuistique.

Ainsi ont été considérés comme des difficultés économiques':

la mise en redressement judiciaire (Cass. soc., 25'avr. 1990, no'87-43.314, Bull. civ.'V, no'191)';

l'état virtuel de cessation de paiement (Cass. soc., 20'nov. 1991, no'89-45.576, Bull. civ.'V, no'511)';

les pertes financières (Cass. soc., 12'déc. 1991, no'90-45.847, Bull. civ.'V, no'581'; Cass. soc., 12'janv. 1994, no'92-41.687'; Cass. soc., 6'juill. 1994, no'93-40.497)';
les graves difficultés de trésorerie (Cass. soc., 10'juill. 1991, no'89-44.792'; Cass. soc., 26'janv. 1994, no'92-40.252)';

la baisse d'activité de l'entreprise (Cass. soc., 7'nov. 1990, no'89-45.671'; Cass. soc., 29'mai 1991, no'88-41.911'; Cass. soc., 2'juill. 1992, no'91-40.294'; Cass. soc., 3'mai 1994, no'92-44.421'; Cass. soc., 11'juill. 1994, no'93-40.506)';

la baisse de rentabilité de l'entreprise malgré les mesures prises dans le cadre d'une restructuration (Cass. soc., 3'mai 2001, no'99-41.558)';

la baisse du chiffre d'affaires d'un cabinet d'avocats entraînant une détérioration des résultats (Cass. soc., 6'avr. 2004, no'01-46.898)';

les importantes difficultés financières imposant des mesures drastiques pour assurer la pérennité de l'entreprise ( Cass. soc., 25'nov. 2009, no'08-42.755).

Encore faut-il que les difficultés rencontrées soient suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression de poste ou la modification du contrat de travail (Cass. soc., 9'mars 1994, no'92-41.562'; Cass. soc., 3'mai 1994, no'92-45.174'; Cass. soc., 26'oct. 2004, no'02-42.996).

Tel n'est pas le cas, dans une entreprise par ailleurs saine si ce n'est florissante, de difficultés passagères (Cass. soc., 26'juin 1991, no'89-44.033'; Cass. soc., 8'déc. 2004, no'02-46.293'D), d'un simple ralentissement des affaires (Cass. soc., 22'févr. 1994, no'92-41.891), d'une baisse minime du chiffre d'affaires (Cass. soc., 29'avr. 1998, no'96-40.537, Semaine sociale Lamy no'886, p.'10) ou du seul souci de réaliser des économies (Cass. soc., 22'oct. 1991, no'90-41.680'; Cass. soc., 26'janv. 1994, no'91-45.825) voire de faire des bénéfices plus importants (Cass. soc., 26'nov. 1996, no'93-44.811, Bull. civ.'V, no'406). La seule baisse du résultat au cours de l'année précédant le licenciement est jugée insuffisante pour caractériser des difficultés économiques (Cass. soc., 8'nov. 2006, no'05-40.894).

A été ainsi jugé abusif un licenciement fondé sur le seul motif du montant trop élevé de la rémunération d'un salarié alors que la situation de l'entreprise lui permet de faire face à cette charge (Cass. soc., 24'avr. 1990, no'88-43.703, no'88-43.374, Bull. civ.'V, no'182 et no'183'; Cass. soc., 26'mars 1992, no'91-41.274'; Cass. soc., 16'mars 1994, no'92-43.094, Bull. civ.'V, no'95'; Cass. soc., 11'juin 1997, no'94-45.175).

Même solution lorsque le chiffre d'affaires est en nette progression et que le licenciement avait pour objet de privilégier le niveau de rentabilité de l'entreprise au détriment de la stabilité de l'emploi (Cass. soc., 1er'déc. 1999, no'98-42.746, JSL, no'48-6).

Solution analogue lorsque le chiffre d'affaires était en progression et que la société n'avait connu aucune perte (Cass. soc., 19'juill. 2000, no'98-43.679).
Selon un arrêt, ''ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre de 1992 à 1993, ni la baisse des bénéfices réalisés pendant la même période ne suffisent à caractériser les difficultés économiques'', pour un licenciement prononcé le 30'avril 1994 (Cass. soc., 6'juill. 1999, no'97-41.036, JSL, no'42-5).

Un autre arrêt va encore plus loin en ce qu'il paraît sanctionner les choix de gestion de l'employeur. Il décide que l'évolution des résultats déficitaires étant conforme aux prévisions, mais, l'amélioration des résultats étant constante, il en résultait ''la volonté de l'employeur d'entreprendre une activité durablement déficitaire'', de sorte qu'en raison de l'amélioration des résultats, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 26'mars 2003, no'01-42.333, Semaine sociale Lamy, 28'juill. 2003, no'1133, suppl., p.'98).

Par ailleurs, ces difficultés ne doivent pas résulter d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l'employeur (Cass. soc., 9'oct. 1991, no'89-41.705, Bull. civ.'V, no'402'; Cass. soc., 13'janv. 1993, no'91-45.894, Bull. civ.'V, no'9), d'une situation artificiellement créée (Cass. soc., 12'janv. 1994, no'92-43.191), d'une insuffisance de préparation d'un projet de restructuration (Cass. soc., 7'juill. 1998, no'95-43.281, Bull. civ.'V, no'369, JSL, no'22-3) ou de l'exigence formulée par le principal actionnaire de la société (Cass. soc., 6'nov. 2001, no'99-44.324), voire d'une faute grave de gestion entraînant un refus d'autorisation administrative de fonctionnement (Cass. soc., 26'janv. 1994, no'92-43.616, Bull. civ.'V, no'26).

Toutefois, si les difficultés sont caractérisées, les erreurs de l'employeur dans l'appréciation des risques inhérents à tout choix de gestion ne caractérisent pas, à elles seules, une légèreté blâmable (Cass. soc., 14'déc. 2005, no'03-44.380, Bull. civ.'V, no'365).

Les difficultés économiques, pour être retenues comme un motif originel pertinent, doivent justifier sa conséquence': la suppression d'emplois ou la modification du contrat (Cass. soc., 12'mai 1998, no'95-40.100, JSL no'16-33'; Cass. soc., 26'oct. 2004, no'02-42.996) ou encore le recours ''à des mesures de restructuration'' (Cass. soc., 6'oct. 2004, no'02-44.150).

Vous pouvez contester la décision devant les prud'hommes.

Le sentiment d'imprécision, voire d'incertitude qui se dégage de la jurisprudence s'explique par le fait que les difficultés économiques sont constatées par le juge du fond qui dispose d'un pouvoir d'appréciation pour décider si elles sont suffisamment sérieuses pour justifier la suppression d'emploi ou la modification du contrat. La Cour de cassation exerce un contrôle de motivation et vérifie si les constatations faites sont de nature à entraîner la conséquence retenue.

Cordialement,

Réaction de Décue

à 18:44:47 le 24-01-2011

Bonjour et merci pour votre réponse,
Dans le cas où la demande de mutation ne serait pas fondée, qu'est-il possible de faire ? (pas de CE), et dans le cas d'un licenciement abusif, quelle est l'indemnité prévue ?

Date de la réponse : le 24/01/2011

Bonsoir,

La proposition de mutation est sans doute pour satisfaire à l'obligation de reclassement en cas de licenciement économique. Ce n'est donc pas sur la mutation qu'il faut s'attarder car c'est légal si le licenciement économique est fondé mais sur c'est sur ce dernier qu'il faudra se pencher selon les critères que je vous ai donné dans ma réponse précédente.
Si vous n'avez pas de CE et que vous n'arrivez pas à vous procurer les justificatifs: si vous mettez votre employeur aux prud'hommes, le conseil pourra mandater des conseillers rapporteurs ou demander ces pièces justificatives à votre employeur.

Si le licenciement est reconnu abusif:

En application de l'article L.'1235-11 du Code du travail lorsque, en cas de nullité de licenciement économique, le salarié ne demande pas sa réintégration ou lorsque celle-ci est impossible, ''le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois''.

Mais attention:

Si la mutation proposée est un reclassement pour éviter le licenciement économique, vous ne serez pas licencié si vous l'acceptez. Si vous la refusez, vous serez peut-être considéré comme démissionnaire ou comme fautif pour abandon de poste, selon la forme de votre refus. Attention aussi à une clause éventuelle de mobilité dans votre contrat de travail (et voir votre convention collective).

L'article L.1233-4 du Code du travail prévoit que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut intervenir dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

La loi (C. trav., art. L.'1233-4) vise, en pratique, le reclassement interne. La jurisprudence admet en effet que le reclassement interne s'entend non seulement de celui qui est possible dans l'entreprise, mais aussi de celui qui peut l'être dans le groupe dont ''les activités, l'organisation ou le lieu de travail'' permettent ''la permutation de tout ou partie du personnel''.

Le salarié bénéficie également d'un droit au reclassement externe. Le reclassement externe a longtemps été le ''parent pauvre'' du droit du licenciement économique. Il tend désormais à se développer de plusieurs manières. Au plan individuel, la loi institue des mécanismes de reclassement externe à travers le congé de reclassement (C. trav., art. L.'1233-71) et la convention de reclassement personnalisé (C. trav., art. L.'1233-65).

Selon la jurisprudence, l'obligation de reclassement est un élément justificatif du licenciement économique': si l'employeur ne satisfait pas à son obligation, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, s'agissant du reclassement externe, la sanction est encore en débat.
Enfin, il faut rappeler que, conformément à l'article L.'1233-4, le reclassement est associé à l'obligation faite à l'employeur de mettre en 'uvre les efforts de formation et d'adaptation du salarié.


Cordialement,

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