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La principale de collège, le chinois, et le juge administratif

Publié par Jean-yves TRENNEC le 25/04/2018 - Dans le thème :

Vie étudiante et Scolarité

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La mondialisation, la montée en puissance de la Chine et de la Corée du Sud dans les échanges économiques, l’engouement pour les médecines alternatives, la culture du Manga, tout concourt en France à la promotion des langues orientales.

Cet attrait est particulièrement sensible chez les collégiens qui, au moment du choix d’une seconde langue en cinquième, marquent désormais leur préférence pour l’apprentissage du japonais ou du chinois plutôt que pour les langues traditionnelles enseignées : l’espagnol ou l’allemand.

Il reste que le choix de ces langues rares se heurte au conservatisme du système éducatif qui ne dispense l’enseignement de ses langues que dans de rares établissements privilégiés.

Il est pourtant aujourd’hui possible de surmonter l’obstacle culturel constitué par l’absence d’enseignement d’une langue dans un collège en inscrivant l’élève au Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) dans le cadre de la scolarité obligatoire.

Cette inscription reste toutefois soumise à une procédure administrative complexe qui peut dérouter les parents d’élèves et mérite donc quelques explications.

L’affaire soumise au tribunal administratif de Melun et qui a donné lieu à un jugement du 9 novembre 2017 est l’occasion de préciser les démarches et les conditions permettant de satisfaire le goût des élèves pour la culture et les langues orientales en leur faisant étudier une langue rare à titre de seconde langue obligatoire (1).

Le fils de la requérante avait exprimé sa volonté d’étudier le chinois ou le japonais dans un collège qui ne dispensait que l’espagnol et l’allemand. Ses parents ayant alors sollicité l’autorisation de lui faire suivre un enseignement à distance par l’intermédiaire du CNED, ils se sont heurtés au refus de la principale du collège.

A l’intention des parents on précisera que la composition du dossier d’inscription au CNED, dans le cadre de la scolarité obligatoire, doit comporter une autorisation et un avis préalables.

Le dossier d’inscription au CNED est régi par un arrêté en date du 27 juillet 2009 qui précise dans son article 5 que le dossier doit comporter une autorisation d’inscription du chef d’établissement scolaire de l’élève (2).

En outre, l’article R.426-2-1 du code de l’éducation exige que l’inscription au CNED soit subordonnée à l’avis favorable du directeur académique des services de l’Education nationale (3).

Dans un avis en date du 16 décembre 2013, le Conseil d’Etat a considéré que l’avis du directeur académique liait le directeur général du CNED dès lors qu’il rendait impossible la constitution du dossier. Il en a conclu que cet avis devait être assimilé à une décision faisant grief pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (4).

Ainsi, dans le cas d’un avis défavorable du directeur académique sur l’inscription d’un élève au CNED, il ne faut pas attendre de recevoir le refus d’inscription du CNED pour agir, mais il importe de contester directement, devant le tribunal administratif, l’avis défavorable de l’autorité académique.

Dans l’affaire ayant donné lieu au jugement commenté, ce n’est pas l’avis du directeur académique qui faisait problème mais le refus d’autorisation du chef d’établissement dans lequel était dispensé en présentiel, l’enseignement des secondes langues.

Celui-ci s’opposait à l’inscription au CNED dans le cadre de la scolarité obligatoire relative à l’enseignement de la seconde langue, au motif de son incapacité à maîtriser l’apprentissage du programme, la réalisation des devoirs et leur évaluation.

Le tribunal administratif, rejette ses arguments, en considérant qu’ils sont entachés d’une erreur d’appréciation manifeste des faits.

Pour apprécier la situation de l’élève et de sa famille, le tribunal constate tout d’abord que le chinois et le japonais ne figurent pas au nombre des secondes langues enseignées par l’établissement.

Il constate également que, si l’on prend en considération l’offre de langues dans la circonscription plus large du district, la même pénurie est constatée.

Implicitement, le tribunal signifie ici aux parents que, dans l’hypothèse où la langue choisie n’est pas enseignée dans l’établissement d’inscription mais dans un autre établissement se situant dans le district, l’enseignement en présentiel sera privilégié par rapport à l’enseignement à distance. Il conviendra alors de solliciter simplement une dérogation à la carte scolaire pour permettre à l’élève d’étudier la deuxième langue de son choix.

En l’absence d’offre concrète, dans les établissements scolaires de proximité, permettant de suivre en présentiel un cours de chinois ou de japonais, le tribunal considère qu’aucun obstacle ne s’opposait à l’inscription du fils de la requérante à un cours à distance comme ceux que propose le CNED.

On remarquera que, sans s’y attarder, le tribunal rejette les motifs avancés par la principale du collège qui invoquait son impuissance à assurer le contrôle de l’acquisition des connaissances linguistiques du collégien.

La non prise en considération de ces arguments tient en fait au statut du CNED.

Cet organisme est en effet un établissement public de l’Etat, habilité en tant que tel à assurer un service d’enseignement de qualité. Il assure lui-même le suivi des élèves et le contrôle de leur apprentissage. S’agissant d’un service public administratif d’enseignement, il n’appartient pas à un principal de collège de s’immiscer dans son fonctionnement ce qui reviendrait à instaurer une forme de rivalité de mauvais aloi entre deux institutions concourant à la même mission d’enseignement.

Les motifs invoqués par la principale du collège manquaient ainsi leur but, faute d’avoir pris en compte les caractéristiques propres du CNED.

La leçon pratique que l’on peut tirer de cette décision juridictionnelle consiste à encourager les parents dont les enfants se voient refuser l’apprentissage d’une seconde langue à contester la décision de l’autorité académique ou du principal dès lors que les motifs opposés se révèlent souvent futiles ou inopérants.

Les autorités académiques sont souvent réticentes à permettre le libre choix des langues et imposent par facilité celles qui sont déjà enseignées dans l’établissement.

Seulement, les secondes langues enseignées dans les collèges ne sont plus nécessairement en phase avec les évolutions rapides de notre société, elles ne correspondent plus aux désirs exprimés par les élèves dont les aspirations épousent aujourd’hui davantage des tendances culturelles nouvelles.

Le recours à l’enseignement dispensé par le CNED n’est certes pas la panacée, cette institution a cependant le mérite d’offrir une solution de rechange aux parents lorsque l’offre des établissements scolaires reste déficiente.

Jean-Yves TRENNEC

Notes :

1.    Jugement du tribunal administratif de Melun en date du 9 novembre 2017 https://goo.gl/KwGjJ2

2. Arrêté en date du 27 juillet 2009 (BO n°31 du 27 août 2009).

3. Article 7 du décret n°2012-16 du 5 janvier 2012.

4. CE, 16 déc 2013, req. n° 366791, publié au Recueil Lebon.


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