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Les agressions sexuelles

Publié par Catherine PERELMUTTER le 29/11/2013 - Dans le thème :

Procédures en Justice

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Ce qui différencie un viol et plus généralement une agression sexuelle d'une relation fondée sur du désir et un amour partagés, c'est l'absence de consentement de l'un des deux partenaires.

La définition actuelle des agressions sexuelles implique une présomption de consentement des femmes à l'acte sexuel.

Pour combattre cette présomption de consentement, la victime doit rapporter la preuve de violences, contraintes, menaces ou surprise.

Qu'en est-il du droit positif et d'une possible évolution du droit ?

Origine des dispositions actuelles


Pendant longtemps (Droit romain, chez les germains et dans l'Ancien droit français), la loi entendait dicter certaines conduites jugées moralement souhaitables.


Les codes du 19ème siècle ont abandonné cette confusion entre vices, pêchés et actes socialement dangereux.


La dernière confusion était relative à l'homosexualité réprimée jusqu'à la loi du 23 décembre 1980.


Le Code pénal de 1810 Napoléon ne définissait pas le crime de viol mais le réprimait.


La Doctrine avait établi une définition : « c'était le fait de connaître charnellement une femme sans la participation de sa volonté ».


Pour la jurisprudence c'était le fait pour un homme d'avoir des relations illégitimes avec une femme contre la volonté de celle-ci, que le défaut de consentement résulte de la violence physique, morale, de tout moyen de contrainte ou de surprise employé par l'auteur de l'action.


A l'époque seule était prise en compte la pénétration vaginale par le pénis. Les autres pénétrations constituaient le crime d'attentat à la pudeur. Le viol ne pouvait être commis que par un homme sur une femme.


Le législateur en 1980, (ancien article 332 alinéa 1) a défini le viol comme étant « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte , ou surprise.


Il s'agissait d'une définition plus large que celle jusqu'alors établie, puisqu'elle ne distinguait plus selon les sexes de l'auteur du crime ou de la victime, ni selon la nature de l'acte.


LES DISPOSITIONS ACTUELLES 


Constitue une agression sexuelle « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-22 du code Pénal).


Il y a nécessité d'un contact entre l'auteur et la victime.


Ce sont des faits de nature sexuelle autre que la pénétration : attouchements, caresses du sexe, des fesses, cuisses, poitrine.


L'infraction est constituée quand l'acte sexuel a été accompli par la victime contrainte sur la personne même du coupable.


Ainsi une caresse du dos de la victime en passant la main sous le pull-over est une agression sexuelle.


«Tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle»

(article 222-23 du Code Pénal). 


Les deux infractions supposent la vie de la victime.


L'ELEMENT MATERIEL

-La pénétration

Le crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime (Cass Crim, 21 oct 1998 Bull crim N°274) , ce n'était pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agissait d'un coît imposé par une belle-mère à son beau-fils.


La fellation est un viol dès lors qu'il y a eu pénétration de la verge dans la bouche de la victime.


Mais pour être constitutive d'un viol, la fellation implique une pénétration par l'organe sexuel masculin de l'auteur et non par un objet le représentant.


Ainsi, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 21 février 2007, (Bull crim N°61, Dr pénal 2007) a jugé qu'encourt la censure l'arrêt qui renvoie devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés, un médecin qui, agissant dans un contexte sexuel et animé par la volonté d'accomplir un acte sexuel, a contraint trois jeunes patientes à introduire dans leur bouche puis à sucer un objet de forme phallique.

C'est critiquable car si l'orifice en cause n'était pas sexuel par nature, l'objet introduit l'était par destination.


De même, la fellation pratiquée sur la victime n'est pas un viol puisque la victime n'est pas le sujet d'une pénétration. Il y a seulement dans ce cas, agression sexuelle.


L'acte de pénétration vaginale ou anale, lui, peut être réalisé à l'aide d'objets quelconques.


-L'absence de consentement 


Le consentement à la relation sexuelle ou aux attouchements est présumé sauf à prouver la violence, contrainte, surprise ou menace, qui est laissée à l'appréciation souveraine des magistrats du fond.


-VIOLENCE

La violence désigne les pressions physiques exercées sur la victime pour obtenir d'elle le comportement sexuel que l'on souhaite. La violence physique est la plus facile à démontrer (certificat médical). Les violences morales sont souvent une forme de contrainte.


-CONTRAINTE

La contrainte physique est le fait d'exercer des pressions corporelles. Elle se confond avec la violence.


La contrainte morale consiste à menacer quelqu'un de lui faire du mal à lui ou à ses proches, voire de causer du tort à ses biens. Dans ce cas, elle recouvre la menace.


La Cour de Cassation a précisé que la contrainte doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime (Cass Crim 8 juin 1994 : Bull crim N°226, préc).

La question de savoir si la femme a opposé une résistance suffisante est du domaine des juges du fait.

La doctrine ancienne était très sévère puisqu'en 1780 , MUYARD de Vauglans disait que pour retenir une accusation de viol, il fallait :

-qu'il y ait une résistance constante et toujours égale de la part de la personne violée

-qu'il y ait une inégalité évidente de ses forces comparées avec celles du prétendu violeur

-qu'elle ait poussé des cris

-qu'il soit resté sur elle des traces de la violence qui lui aurait été faite.


Heureusement la jurisprudence contemporaine est beaucoup moins exigeante et déduit la violence physique quand il y a un trouble paralysant qui a physiquement empêché la victime de protester et de s'enfuir, la répugnance à de tels actes manifestée par la victime ou le refus de revoir l'agresseur après les faits. 

(Cass Crim 27 avril 1993 : Jurisdata N°1193-002016 , CA NIMES 9 déc 1983 JCP G 1985 II 20482).


En revanche, si une victime va au delà de ce que l'agresseur lui demande par peur( elle a même fait des choses,que je ne lui demandais pas), pour sauver sa vie, selon Madame Fabienne POUS ; Juge d'Instruction à Paris, la contrainte ne sera pas caractérisée.


-SURPRISE

La surprise consiste à obtenir des faveurs sexuelles en trompant la victime, ou quand la victime est endormie ( Cass crim 25 juin 1857 S1857, 1 711), en l'espèce un homme s'était glissé dans le lit d'une femme endormie qui crut avoir des relations sexuelles avec son mari . 

-MENACE

On est sur le terrain de l'agression.

Le consentement donné par une femme à un individu menaçant de l'abandonner en pleine campagne par un froid intense n'a aucune valeur, (Cass Crim 11 février 1992 Dr pénal 1992, comm 174).


L'ELEMENT MORAL.


Le viol ou l'agression sexuelle ne sont constitués que dans la mesure où l'auteur a été conscient d'imposer à la victime des rapports ou des attouchements non désirés par elle.


L'intention coupable peut ne pas exister si l'auteur de l'acte a agi en estimant, par exemple que la résistance de la victime n'avait aucun caractère sérieux ou n'excluait pas son consentement.


Le mobile et l'intention de jouissance sexuelle n'est pas exigé par la définition de l'infraction.


LE CAS PARTICULIER DES VIOLENCES SEXUELLES DANS LE COUPLE.


En 1953 dans un manuel de droit de Monsieur VOIN , on pouvait encore lire, qu'il n'y a pas d'infraction dans le cas du mari qui n'emploie la force que pour contraindre sa femme à des relations normales et ne causant aucune blessure.


Il faudra attendre un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation de 1992 (Crim 11 juin 1992 Bull Crim 1992 N°232) qui s'était saisie dans l'intérêt de la loi, pour que soit précisée que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu'à preuve du contraire ».


La cour européenne des droits de l'homme a validé la notion de viol entre époux se référant au caractère par essence avilissant du violpar raport à une conception civilisée du mariage (CEDH 22 11 1995, 27 11 1996).


Le législateur français a confirmé cette jurisprudence par la loi du 4 avril 2006 (article 222-22 alinéa 2 du Code pénal) , et a introduit la notion de présomption de consentement à l'acte sexuel dans le code pénal pour les personnes mariées jusqu'à preuve contraire.


C'est aussi une circonstance aggravante qui aggrave la peine 

(20 ans pour le viol).


REGIME JURIDIQUE DU VIOL ET DE L'AGRESSION SEXUELLE


Pour le viol, il existe quatre catégories de circonstances aggravantes :

- tenant aux victimes 

âge, vulnérabilité résultant d'un état préexistant aux faits de la victime, orientation sexuelle de la victime depuis la loi du 18 mars 2003


-tenant aux auteurs

qualité d'ascendant , autorité légale ou de fait exercée sur victime

pluralité d'auteurs...

-Circonstances aggravantes d'exécution

usage ou menace d'une arme

actes de torture et barbarie

ivresse ou sous l'empire de produits stupéfiants

contact entre la victime et l'auteur par un réseau de télécommunication (Internet, minitel...)

-Circonstances aggravantes de résultats corporels supplémentaires par rapport au viol

viol qui implique une mutilation ou une infirmité permanente

viol qui implique la mort de la victime


Un même fait ne peut être considéré comme une circonstance aggravante s'il a déjà été envisagé à titre d'élément constitutif de l'infraction.


Ainsi, une circonstance aggravante résultant de la particulière vulnérabilité de la victime ne pouvait pas être prise en compte car le viol n'avait pu être commis que parce que son auteur avait fait absorber une substance médicamenteuse qui a eu pour effet d'anéantir sa volonté (Crim 9 août 2006 Juris data N°2006-034969).


La peine est portée à :

-20 ans de réclusion criminelle en cas de viol ayant entraîné une mutilation, une infirmité permanente

-30 ans en cas de mort de la victime découlant des faits de viol

-réclusion criminelle à perpétuité quand le viol est précédé ou accompagné d'actes de torture et de barbarie , de même si le viol est suivi de meurtre.


Les circonstances aggravantes de l'agression sexuelle sont le mêmes que celles du viol à trois exceptions près :

1) La circonstance en cas de viol qui implique la mutilation ou l'infirmité permanente devient l'agression sexuelle qui a entraîné une blessure ou une lésion.


2 et 3) Ne sont pas prévues pour aggraver les agressions 

sexuelles, ni l'obtention de la mort de la victime ni l'usage 

d'actes de torture ou de barbarie.

Dans ce cas, il y a concours réel d'infractions entre une agression sexuelle simple et des violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner.


Les circonstances aggravantes ont pour effet de remonter les peines d'un degré dans l'échelon des peines correctionnelles.

L'agression sexuelle commise sur une victime ordinaire est un délit puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 Euros d'amende, celle sur une personne vulnérable de sept ans et de 100 000 Euros d'amende.


La prescription de l'action publique pour le viol est de dix ans et pour l'agression sexuelle de trois ans.


PROSPECTIVES 


Albert EINSTEIN disait, « qu'il est plus difficile de désagréger un préjugé qu'un atome ».


L'ensemble des comportements visés par la loi serait mieux énoncé par une formule selon laquelle l'agression sexuelle ou le viol est le fait d'obtenir de quelqu'un un comportement de nature sexuelle auquel il ne consent pas.


En effet, le refus exprimé par la victime, l'absence manifeste de consentement n'ont pas de conséquence juridique s'ils ne sont pas corroborés par des éléments matériels objectivant l'absence de consentement.


Dans le fond ce qui compte pour la justice, c'est la perception de l'auteur, or une relation sexuelle est une interaction entre deux personnes.


Il serait souhaitable pour les victimes, qu'on recherche effectivement l'existence ou non de leur consentement, qui peut résulter de propos, de gestes explicites, exprimant un accord.


Cette démonstration du non consentement par la victime aurait l'avantage d'être plus large que la démonstration de la contrainte , violence, menace ou surprise.


Certes, il existe une majorité de relations sexuelles consentis, et la présomption d'innocence implique que l'on présume le consentement de la femme.


Mais l'auteur pourrait démontrer comment il s'est assuré du consentement de la victime.


Et, d'ailleurs certains juges d'instructions posent déjà cette question à l'éventuel agresseur :

Comment vous -êtes vous assuré du consentement de Madame ?


Au Canada, le législateur a inscrit une définition du consentement dans son code pénal. Il consiste en l'accord du plaignant à l'activité sexuelle , qui à droit à son intégrité physique.

Au Canada, toute relation sexuelle n'est licite que si elle est consentie.


Le Code Pénal canadien a été changé en 1983 et 1992 pour y inclure notamment une définition du consentement :


-Pour ce qui concerne l'agression sexuelle, l'élément matériel est constitué par un attouchement de nature sexuelle et par l'absence de consentement de la victime. Cette absence de consentement analysé du point de vue de la victime résulte du refus exprimé, ou des circonstances(telles que la contrainte) rendant impossible l'expression d'un libre consentement.


-L'élément intentionnel réside dans l'intention de se livrer à un attouchement, tout en sachant que l'autre n'y consent pas ou en ne se souciant pas de recueillir son consentement ou en étant dans un état d'aveuglement volontaire à l'égard du consentement.


Pour sa défense, la personne mise en cause peut invoquer la croyance sincère mais erronée au consentement ; Le consentement de l'autre est ici considéré du point de vue de l'accusé. La preuve porte alors sur sa croyance que la plaignante avait communiqué son consentement à l'activité sexuelle en question ; cette défense n'est recevable que s'il a pris des mesures raisonnables pour s'assurer du consentement.


Si en France, on définissait le viol ou l'agression sexuelle comme un acte sexuel non consenti, cela permettrait d'une part sur le plan symbolique de prendre en compte ce non consentement stricto sensu, et d'autre part de faciliter la démonstration de l'absence de consentement de la partie civile , qui n'aurait pas besoin de prouver stricto sensu l'existence de la "menace, surprise, contrainte ou violence".


Une femme qui dit non à un acte sexuel, c'est une absence de consentement , et dans l'idéal, le non devrait suffire d'autant qu'on pourrait imaginer dans un avenir pas si lointain, que les hommes et les femmes se respectent et se parlent, et que quand une femme dit non, l'homme devrait l'entendre et apprendre à l'écouter .



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