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Infection nosocomiale : Le CHU de Nancy devant le Tribunal pour non assistance à personne en péril

Publié par Julie TROUPEL le 10/11/2010 | Lu 7833 fois | 0 réaction

Aujourd'hui, le CHU de Nancy doit être jugé par le Tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en péril. Sa responsabilité, en qualité de personne morale, pourrait être engagée pour des faits remontant il y a plus de dix ans ! En 1999, une patiente trentenaire de l'hôpital était décédée des suites d'une infection nosocomiale, contractée au sein de l'établissement de santé, alors qu'elle venait se faire opérer d'une tumeur bénigne. Depuis cette date, sa famille n'a eu de cesse de demander réparation à la justice. Plus de 10 ans après les faits, pour la première fois, un Tribunal correctionnel va se prononcer aujourd'hui, sur la responsabilité pénale du CHU mis en examen.

Avant d’arriver devant le Tribunal …

En juillet 1999, Josiane Leclerc, jeune femme de 38 ans et mère de 3 enfants se rend à l’hôpital de Nancy pour se faire opérer d’une tumeur bénigne. Au cours de l’opération, elle contracte malheureusement une infection nosocomiale et décède par la suite.

Dans un premier temps, sa famille saisit les juridictions administratives afin d’obtenir une indemnisation. En 2001, le Tribunal administratif de Nancy met en exergue au moyen d’une expertise, des dysfonctionnements au sein du service public de santé.

La famille de Josiane Leclerc dépose alors plainte au bureau du Procureur de la République, pour homicide involontaire. Ce dernier décide de classer l’affaire sans suite.

Pour contrer le classement sans suite du parquet, la famille s’adresse directement au juge d’instruction, en déposant plainte avec constitution de partie civile.

Au cours de l’instruction, malgré les deux rapports d’expertise constatant « des retards dans le diagnostic et dans la prise en charge des absences de transmissions de consignes » explique Maître Kroell, conseil de la partie civile, le juge d’instruction finit par rendre une ordonnance de non lieu en faveur du chirurgien, en 2005.

La famille plus que désireuse de faire entendre ses droits, fait alors appel de l’ordonnance du magistrat instructeur devant la chambre d’instruction de Nancy, qui requalifie les faits d’homicide involontaire en non-assistance à personne en péril.

La Chambre d’instruction prononce un non lieu en faveur des médecins, mais met en examen le CHU de Nancy, en tant que personne morale et ordonne son renvoi devant le Tribunal correctionnel de Nancy.

« Cette affaire va enfin pouvoir être examinée par un tribunal », se félicite l’avocat de la famille de la défunte.

En effet, aujourd’hui même, l’hôpital de Nancy est jugé devant le Tribunal correctionnel de Nancy pour non assistance à personne en péril

Infections nosocomiales et législation

Une infection nosocomiale est une infection contractée dans un établissement de soins. On estime que toute infection qui se révèle dans les 30 jours suivant une intervention chirurgicale est a priori nosocomiale, sauf preuve contraire.

Depuis la loi du 4 mars 2002, un régime spécial relatif à la responsabilité civile médicale a été mis en place.

L’article L 1142-1 et suivants du Code de la santé publique dispose que les hôpitaux sont responsables de plein droit des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère, qui se rapproche de la force majeure.

Dans notre cas d’espèce, il faut considérer que l’acte médical litigieux ayant provoqué l’infection nosocomiale de Josiane Leclerc, a été effectué avant le 5 septembre 2001, ainsi le régime prévu par la loi du 4 mars 2002 n’est pas applicable.

La jurisprudence met toutefois à la charge tant des médecins que des établissements de santé, une obligation de sécurité de résultat. (Cass.1ère civ. 29 juin 1999).

C’est pourquoi, en pratique, la victime d’une infection nosocomiale peut engager sans peine la responsabilité civile des médecins et hôpitaux.

Récemment la Cour de Cassation a estimé par exemple que : « lorsque la preuve d'une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d'établir qu'il n'est pas à l'origine de cette infection ». (Cour de cassation civ.1ère 17 juin 2000 n°  09-67011)

Par ailleurs, pour la jurisprudence, la responsabilité peut éventuellement être partagée entre l’établissement de santé et le médecin. (Cass. 1re civ. 1er juillet 2010, n°09-69.151)

Toutefois, en l’espèce, compte tenu du décès de Josiane Leclerc, c’est devant les juridictions pénales que sa famille, victime par ricochet, a porté l’affaire.

Ainsi, indépendamment de sa responsabilité civile, le CHU ou ses professionnels peuvent voir engager leur responsabilité pénale, pour homicide involontaire ou non assistance à personne en péril.

Dans cette affaire, les médecins de Josiane Leclerc ne seront pas poursuivis, en revanche, le Tribunal correctionnel de Nancy, devra estimer ou non si la non assistance à personne en péril, à l’encontre du CHU, est caractérisée.

La non assistance à personne en péril

Conformément à l’article 223-6 du Code pénal, la non-assistance à personne en péril peut être définie comme tel : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».

De plus, lorsque l’auteur de l’infraction de non assistance à personne en péril est une personne morale, l’amende est égale au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction. (Article 131-8 Code pénal)

L’hôpital de Nancy a ainsi de fortes chances de débourser une somme conséquente pour ne pas avoir engagé tous les moyens suffisants pour sauver sa patiente il y a dix ans…


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