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Erreur médicale : le CHU de Nancy suspend provisoirement la facture de 100 000 euros

Publié par Documentissime le 16/05/2010 | Lu 8402 fois | 0 réaction

Le CHU de Nancy a suspendu hier sa décision de demander le remboursement des frais d'hospitalisation d'une femme tombée dans le coma suite à une erreur médicale. L'hôpital avait en effet adressé une facture au fils de cette patiente décédée en 2008 après un coma long de six ans, du à un surdosage d'anticoagulants, administré par l'anesthésiste du CHU.

Six ans de coma à la suite d’une erreur médicale

En 2002, la mère de Denis Stoeckel, âgée de 72 ans, a été hospitalisée au CHU de Nancy afin de subir une dérivation ventriculaire. En raison d’un surdosage d’anticoagulants, elle s’est retrouvée dans le coma.

La patiente, restée six années dans cet état végétatif, a été hébergée dans le centre long séjour de l’établissement hospitalier.

En juin 2008, l’erreur médicale est reconnue et l'anesthésiste est condamné pénalement à six mois d'emprisonnement avec sursis et 1.500 euros d'amende.

Le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi n’a toujours pas été fixé par le tribunal administratif. Dans l’attente du jugement, le CHU a décidé de suspendre sa décision de facturer Denis Stoeckel à hauteur de 98.462,41 euros pour les frais d’hospitalisation de sa mère.

Pour le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, c'est à l'assurance de couvrir ces risques. S'il y a eu erreur médicale, l'assurance doit prendre en charge la totalité des dommages subis.

 

Le Directeur du CHU, Philippe Vigouroux a mis en avant que l’argument selon lequel ces sommes constituaient de l'argent public et qu'il ne pouvait ainsi en faire cadeau au fils de la défunte, la collectivité n’ayant pas à supporter le coût financier de l’hospitalisation de la patiente.

Cette affaire est l’occasion de revenir sur les règles fluctuantes applicables à la responsabilité médicale.

 

Erreur médicale et responsabilité

Un établissement hospitalier est tenu de mettre à la disposition de ses patients un personnel qualifié. Il se doit de vérifier attentivement la qualification professionnelle des praticiens auxquels il permet d’intervenir dans ses locaux et avec lesquels il est lié contractuellement.

Lorsque le médecin est salarié, la clinique ou l’hôpital qui l’emploie peut voir sa responsabilité contractuelle engagée par le patient qui s’estime victime d’une erreur ou d’un accident médical.

Depuis un arrêt de 2004, le médecin est désormais considéré comme un salarié classique. Dès lors, la victime peut agir contre la clinique sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Pour ce faire, elle devra prouver l’inexécution des obligations découlant du contrat médical en application de la loi Kouchner du 2 mars 2002.

En pratique, un établissement de santé est responsable des fautes commises tant par lui-même que par ses salariés sur le fondement de la responsabilité du fait du préposé.

Depuis le revirement de jurisprudence opéré par l’arrêt du 25 février 2000 de la Cour de cassation, le médecin qui a agit dans les limites de ses fonctions, ne peut pas subir le recours subrogatoire de l’établissement hospitalier (recours dont le motif est pour l’établissement de se faire rembourser une partie de l’indemnité versée à la victime).

De plus, le médecin qui a agit dans les limites de sa mission, confiée par le commettant (l’hôpital), ne peut pas voir sa responsabilité personnelle engagée. Il n’en reste pas moins qu’il demeure responsable pénalement de ses fautes personnelles (délit d’atteinte à la personne, violation du secret professionnel…).

Dès lors, la victime doit s’adresser au directeur de l’établissement hospitalier pour obtenir une indemnisation. Si la réponse est négative, il pourra saisir le tribunal administratif.

Pour retenir la responsabilité de l’établissement il suffit qu’une faute dans l’exécution de son contrat de santé soit prouvée par le demandeur. La responsabilité de l’administration est donc systématiquement engagée, à charge pour lui de se retourner contre son préposé si celui-ci a commis une faute détachable de ses fonctions.

Il appartient aux juridictions judiciaires et administratives ainsi qu’aux commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) de déterminer si une faute a été commise, faute dont la réparation incombe au médecin ou à l’établissement de santé ; ou si le préjudice subi est la conséquence d’un accident pouvant être indemnisé au titre de la solidarité nationale.

La prescription des actions civiles et administratives est de dix ans à compter de la consolidation du dommage. La conséquence de la fixation du point de départ du délai à la consolidation du dommage peut permettre à la victime, d’exercer quasi-indéfiniment son action en cas d’évolution ou d’aggravation de son état.

 

Erreur médicale et aléa thérapeutique

La Cour de cassation s’est prononcée le 18 septembre 2008 sur deux litiges relatifs à des actes médicaux.

Elle a considéré qu’en présence d’une lésion accidentelle (une perforation de l’intestin du patient intervenue lors d’une coloscopie), la cour d’appel a pu retenir la faute du médecin, après avoir relevé que cet acte à visée exploratoire n’impliquait pas une atteinte aux parois des organes examinés, et après avoir déduit, tant de l’absence de prédispositions chez le patient que des modalités de réalisation de la coloscopie, que la perforation dont celui-ci avait été victime était la conséquence d’un geste maladroit du praticien.

En présence d’une lésion accidentelle d’un nerf, lors d’une intervention chirurgicale sur un organe situé à proximité du nerf lésé, laquelle constituait un risque inhérent à l’intervention chirurgicale pratiquée sur le patient, la cour d’appel a pu retenir, après avoir relevé que la technique utilisée par le praticien était conforme aux données acquises par la science, que le dommage s’analysait en un aléa thérapeutique, des conséquences duquel le chirurgien n’est pas contractuellement responsable.

La faute (erreur médicale) est donc reconnue lorsque le médecin a commis une maladresse et que le patient ne présentait pas de prédispositions particulières. En revanche, un dommage résultant d’un risque inhérent à l’acte médical réalisé, en l’absence de faute de la part du professionnel, s’analyse comme un aléa thérapeutique.

 

La Cour de cassation a également précisé que toute erreur de diagnostic ne constituait pas nécessairement une faute pénale. Une telle erreur engage néanmoins la responsabilité du médecin, notamment lorsqu'elle procède d'une ignorance grave et dans le cas où elle résulte d'une négligence dans l'examen clinique conduit d'une manière rapide, superficielle et incomplète.

Une erreur médicale ne constitue pas une faute lorsqu'elle s'explique, par exemple, par la complexité des symptômes et la difficulté de leur constatation ou interprétation ; à condition que le médecin ait pris les précautions nécessaires et se soit suffisamment informé avant d'établir son diagnostic sur l'état de santé de son patient, compte tenu des possibilités actuelles de la science.

L’erreur est encadrée par des textes, notamment l'article 33 du code de déontologie. Il résulte de cette disposition que le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.

 

Le régime d’indemnisation depuis la loi du 4 mars 2002

La loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a réalisé une véritable réforme de la responsabilité médicale et notamment dans le cadre de l’indemnisation des victimes.

Tout d’abord, la victime peut être indemnisée par l’assureur du professionnel de santé dont la responsabilité (pour faute ou sans faute) a été engagée.

En effet, en cas de sinistre, l’assureur doit proposer une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis, dans la limite des plafonds de garantie.

L’indemnisation doit être évaluée pour chaque poste de préjudice selon le droit commun. Constituent des postes de préjudice de droit commun : le préjudice d’agrément, le pretium doloris, préjudice d’incapacité permanente partielle…

Lorsque le préjudice est supérieur au plafond de garantie, le surplus d’indemnisation sera pris en charge par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) qui est un établissement public à caractère administratif. L’indemnisation repose alors sur la solidarité nationale.


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