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Droit du travail

Rupture cdd déguisée
Licenciement et rupture conventionnelle

Bonjour,
Je suis en CDD, échéance 30/09/2019. Mon employeur m'a proposé une rupture anticipée à l'amiable au 31/12/18car le client pour que je travaille en prestation a des difficultés financières.
Je leur ai demandé 6 mois d'indemnité sur les 9 que j'aurais du recevoir sur la période (sans compter la prime de précarité). Ils ne veulent en céder que 3.
Ils m'ont proposé aujourd'hui une autre solution : ne pas rompre le CDD mais le "déchirer" (littéralement) pour en signer un nouveau à échéance 31/12/18 et me proposer une indemnité transactionnelle correspondant à 6 mois net de charges net d'impôt sur le revenu.
Argument : "vous allez toucher la même somme qu'après impôts, car l'indemnité transactionnelle n'est pas assujettie à l'IR et en plus vous n'aurez pas de carence sur l'ARE".
Ma question est donc simple : est-ce que cela est vrai, et surtout, est-ce que tout ce montage est légal et ne constitue-t-il pas une fraude ?
En vous remerciant.


Question posée le 28/11/2018

Par Alex

Département : Paris (75)


Mots clés de cette question :contrat à durée déterminéedélai spécifique d'indemnisation Pôle Emploirupture anticipéetransaction

Par Henri PESCHAUD (Avocat)

Date de la réponse : le 29/11/2018

Bonjour,

Je crois comprendre que, techniquement, ce que vous propose votre employeur c'est de vous payer une indemnité transactionnelle de 6 mois nette de charges et d'impôt sur le revenu, au lieu d'une indemnité de rupture anticipée de 9 mois indemnité de fin de contrat comprise pour votre contrat à durée déterminée venant à échéance le 30 septembre 2019.

Cette indemnité transactionnelle diffère de l'indemnité de rupture anticipée de CDD qui vous serait versée, soit spontanément par l'entreprise, soit à la suite d'une condamnation aux prud'hommes.

Cette indemnité de rupture anticipée est en effet juridiquement considérée comme un salaire, elle est donc chargée en charges sociales et imposable.

Au contraire, l'indemnité de rupture transactionnelle n'est ni imposable ni cotisable.

Mais une condition essentielle de validité de la transaction, est un accord conclu sur un pied d'égalité entre salarié et employeur pour mettre fin à un litige né ou à naître, et pour cette raison ne peut être valablement conclue tant que le salarié est sous la subordination de son employeur, soit pendant l'exécution du contrat de travail, la subordination étant incompatible avec le respect du principe d'égalité.

D'où la "solution" qui vous est proposée - non de "déchirer" ??? - de remplacer votre CDD actuel dont le terme est au 30 septembre 2019 par un autre à échéance du 31 décembre 2018 que vous auriez signé également.

Si je comprends bien, le fait de vous faire signer un CDD d'une durée plus courte que le précédent constituerait un "différend" auquel la transaction envisagée vous permettrait de mettre un terme moyennant d'un côté pour l'employeur le versement des six mois de salaire non imposable ni cotisable, de l'autre côté pour vous salarié de renoncer définitivement à toute action en justice.

L'échéance de ce nouveau CDD étant au 31 décembre 2018, la transaction pourrait être valablement conclue à compter du 1er janvier 2019.

Alors, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Il suffisait de rompre au 31 décembre 2018 votre CDD actuel à échéance du 30 septembre 2019 pour une prétendue faute grave imaginaire, et la condition essentielle de la transaction (l'absence de lien de subordination) était réunie.

Mais l'inconvénient de cette solution trop simple semble-t-il pour votre employeur est qu'elle vous laisserait maître soit de conclure après le 31 décembre 2018 la transaction proposée contre 6 mois de salaire sans indemnité de précarité, en renonçant définitivement à poursuivre votre employeur aux prud'hommes, soit au de poursuivre votre employeur aux prud'hommes pour demander (et obtenir si la faute grave ne peut être prouvée par l'employeur) la somme de 9 mois de salaires + l'indemnité de précarité, sans déduction des allocations de chômage perçues par le salarié pendant la période couverte par le contrat rompu prématurément.

En bref, ce que l'on vous propose n'est pas une fraude, c'est un "montage", et vous pouvez l'envisager en toute connaissance de cause, car cela vous épargnerait plusieurs années de contentieux pour obtenir le cas échéant une somme supérieure (mais comptez avec "l'aléa judiciaire" et l'imagination patronale pour vous trouver une faute grave) à celle que l'on vous propose au terme de la transaction, mais dont le versement sera immédiat.

Par contre, là où l’employeur me semble approximatif, c’est qu’il me semble contestable que le « délai de carence » de Pôle Emploi ne soit pas affecté par la transaction qu’il vous propose.

Un différé d'indemnisation légal dit « spécifique » est précisément déclenché lorsqu'un salarié, à la suite de la rupture de son contrat de travail, reçoit des indemnités supra-légales suite à une transaction avec son employeur. Dans ce cas, le différé se calcule de la manière suivante : (indemnité reçue par le salarié grâce à une transaction ... indemnité légale) / 90.

Point important, depuis 2014, le délai d'indemnisation spécifique ne peut pas dépasser 180 jours.

Si vous concluez une transaction dans les conditions proposées par votre employeur, il faut vérifier que Pôle Emploi ne vous impose pas un tel délai de carence, au motif que l’indemnité de 6 mois que vous auriez perçue serait « supra légale ». Ce problème est clairement réglé en faveur du salarié en cas de rupture anticipée d'un CDD non suivie d'une transaction (cf. plus haut).

Pour le vérifier, vous pouvez à ce propos consulter la fiche technique de l’UNEDIC par le lien ci-après :

https://www.unedic.org/sites/default/files/2017-12/Fiche%20Diffe%CC%81re%CC%81_spe%CC%81cifique-janvier_2018.pdf

Bien cordialement,

Photo PESCHAUD Henri
Henri PESCHAUD (Avocat)
7bis rue Decrès (entrée par le 7)
PARIS 75014
Cabinet : Peschaud
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