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Les organismes de protection de l'environnement victimes d'un effet collatéral du grenelle ?

Publié par Stéphane COUCHOUX le 23/09/2011 - Dans le thème :

Entreprise et association

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Le Ministère de l'écologie, du développement du durable, des transports et du logement (MEDDTL) a pris, lors du débat sur le Grenelle de l'environnement, l'engagement de définir les critères de représentativité des acteurs environnementaux1. A cette occasion, il a été souligné l'intérêt et l'importance de la mise en place de nouvelles formes de gouvernance2 dans lesquelles le regard des acteurs environnementaux doit pouvoir autant peser que celui des autres acteurs institutionnels dans tous les débats relatifs à l'environnement. Pour autant, l'institutionnalisation d'un tel dispositif novateur de co-construction des décisions publiques suppose, comme le souligne l'article 249 de la loi Grenelle 23, que « les parties prenantes » soient choisies selon des critères de représentativité connus de tous.

Le décret du 12 juillet 20114 et les trois arrêtés5 d'application pris ce même jour viennent mettre en oeuvre cette disposition en précisant d'une part, le processus d'agrément des associations environnementales et d'autre part les critères de représentativité au sein des instances consultatives nationales. Représentativité et agrément sont présentés comme deux points distincts ; l'agrément n'étant pas subordonné à la reconnaissance préalable de la représentativité et la représentativité n'étant pas une condition à la reconnaissance de fait de l'intérêt à agir des associations devant les tribunaux sur toutes questions environnementales.

L'agrément, d'une part, permet d'être partie prenante et de se constituer partie civile dans un procès en cas d'infraction aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à la protection de la nature et de l'environnement. A ce titre, le décret du 12 juillet 20116 modifie sensiblement les conditions à l'obtention de l'agrément. En effet, au regard de l'article R.141-2 du Code de l'environnement, l'association doit :

  • être déclarée depuis au moins trois ans ;
  • oeuvrer à titre principal pour la protection de l'environnement ;
  • justifier d'un nombre suffisant, eu égard au cadre territorial de son activité, de membres, personnes physiques, cotisant soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'associations fédérées ;
  • justifier de l'exercice d'une « activité » non lucrative et d'une gestion désintéressée ;
  • justifier d'un fonctionnement conforme à ses statuts, présentant des garanties permettant l'information de ses membres et leur participation effective à sa gestion ;
  • justifier de garanties de régularité en matière de financière et comptable.

Au regard de l'ensemble de ces critères, on s'étonnera sur deux points. En premier lieu, il semble important de souligner que les fondations de protection de l'environnement ne soient pas expressément visées par cette procédure à l'instar du dispositif concernant la représentativité. En second lieu, on relèvera que la référence à la notion « d'activité lucrative » est beaucoup plus restrictive que la notion d'organisme sans but lucratif. En pratique, cette notion risque en effet de s'entendre au sens purement fiscal et d'aboutir ainsi, à l'exclusion des organismes exerçant des activités lucratives et concurrentielles. De facto, les associations oeuvrant dans la recherche ou l'expertise environnementale seront exclues de la procédure d'agrément dès lors qu'elles pratiquent des activités lucratives.

Pour autant, lorsque l'ensemble de ces conditions sont parfaitement remplies, et que le dossier de demande d'agrément au titre de la protection de l'environnement se compose de l'ensemble des pièces énumérées au sein des deux arrêtés du 12 juillet 20117, l'agrément pourra être délivré pour une durée de cinq ans renouvelable. Le dit agrément prendra en compte le champ géographique au sein duquel l'association exerce effectivement son activité statutaire, sans que cette activité recouvre nécessairement le cadre territorial pour lequel l'association a sollicité son agrément8.

La représentativité, quant à elle, permet aux associations agréées, organismes et fondations reconnues d'utilité publique de prendre part au débat sur l'environnement se déroulant dans le cadre des instances consultatives (nationales, régionales et départementales) ayant vocation à examiner les politiques d'environnement et de développement durable9. Ainsi pour pouvoir exercer une telle influence, l'organisme devra remplir certains critères10 :

  • représenter un nombre suffisant de membres pour les associations, 2000 membres domiciliés dans au moins six régions dont aucune ne peut regrouper plus de la moitié du nombre total des membres et pour les fondations reconnues d'utilité publique, un nombre de donateurs supérieur à 5000 et l'exercice d'une activité effective sur plus de la moitié des régions 11 ;
  • justifier d'une expérience et de savoirs reconnus ;
  • disposer de statuts, de financements ainsi que de conditions d'organisation et de fonctionnement qui ne limitent pas leur indépendance : en pratique, il ne faudra pas que l'entité dépende à plus de 50% d'un même financeur (comme l'Etat).

Toutefois, le décret relatif aux nouvelles règles de représentation n'a pas pour effet d'interrompre les mandats en cours des représentants des associations agréées, organismes et fondations reconnues d'utilité publique, siégeant dans ces instances.

Les conditions de représentativité vont-elles sonner le glas des associations locales, qui bien qu'expertes sur de réelles problématiques de terrain qu'elles appréhendent parfaitement, se verront écartées des débats publics dans les instances consultatives nationales ? De nombreux porte-paroles d'associations ou de fondations agissant dans le domaine environnemental, ont fortement critiqué l'ensemble de ces dispositions notamment au travers de la signature d'une pétition contestataire adressée à Nathalie KoscuiskoMorizet. En revanche, les partisans de la « réforme » mettent en exergue le fait qu'elle met fin aux associations « faux nez » (ex : associations de type de promotion du développement durable dans le monde de l'entreprise) tout en favorisant la mise en place d'une vraie démocratie écologique.

1Rapport du Groupe de Travail n°5 du Grenelle « CONSTRUIRE UNE DEMOCRATIE ECOLOGIQUE : INSTITUTIONS ET GOUVERNANCE »

2La « gouvernance à cinq » associant des représentants des collectivités territoriales, des entreprises, des organisations syndicales de salariés, des associations de protection de l'environnement, l'Etat, traduit une nouvelle manière de penser le processus décisionnel où l'autorité publique investie d'une légitimité démocratique ou administrative ne décide plus sans concertation

3Article 249 de loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant « engagement national pour l'environnement »

4Décret n°2011-832 du 12 juillet 2011 relatif à la réforme de l'agrément au titre de la protection de l'environnement à la désignation des associations agréées, organismes et fondations reconnues d'utilité publique au sein de certaines instances

5Arrêté du 12 juillet 2011 relatif à la composition du dossier de demande d'agrément au titre de la protection de l'environnement, du dossier de renouvellement de l'agrément et à la liste des documents à fournir annuellement

Arrêté du 12 juillet 2011 fixant la composition du dossier de demande de participation au débat sur l'environnement dans le cadre d'instances consultatives

Arrêté du 12 juillet fixant les modalités d'application au niveau national de la condition prévue au 1°de l'article R.141-21 du code de l'environnement concernant les associations et fondations souhaitant participer au débat sur l'environnement dans le cadre de certaines instances

6Article 1er II du décret

7Le premier arrêté précise la composition du dossier de demande d'agrément au titre de la protection de l'environnement, du dossier de renouvellement de l'agrément et à la liste des documents à fournir annuellement. Le second arrêté fixe la composition du dossier de demande de participation au débat sur l'environnement dans le cadre d'instances consultatives : statuts, règlement intérieur, indication du cadre national, régional, départemental pour lequel l'agrément est sollicité, note présentant l'activité de l'association ainsi que son champ géographique d'intervention

8Article R.141-3 du Code de l'environnement

9Décret n°2011-833 du 12 juillet 2011 fixant la liste des instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques d'environnement et de développement durable

10Article R.141-21 du Code de l'environnement

11Arrêté du 12 juillet fixant les modalités d'application au niveau national de la condition prévue au 1°de l'article R.141-21 du code de l'environnement concernant les associations et fondations souhaitant participer au débat sur l'environnement dans le cadre de certaines instances


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