De la concurrence déloyale de l'auto-entrepreneur

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 13/09/2010 | Lu 8279 fois | 0 réaction

Déclaration et paiement simplifiés des cotisations et contributions sociales, dispense d'immatriculation au Registre des Commerces et des Sociétés (RCS) ou au Répertoire des métiers, aucune charge sociale ou impôt sur les revenus si rien est encaissé, comptabilité simplifiée, franchise sur la TVA permettant de ne pas la facturer sur les livraisons ou les prestations de service à destination du consommateur final et baisser d'autant ses prix de vente... on le voit, l'auto-entreprenariat comporte quelques alléchants aspects incitatifs qui laissent à penser que la position de l'auto-entrepreneur sur le marché pourrait être quelque peu favorisé.

Et certains ne sont pas loin de penser que le statut d'auto-entrepreneur est un statut, qui de fait, accorde un avantage concurrentiel évident à celui qui s'en prévaut. L'exonération de TVA permet, en effet, de facturer à moindre coût les produits et de placer alors son activité dans une position idéale face aux autres opérateurs présents sur le même marché et qui ne sont pas auto-entrepreneurs.

La loi accorde ainsi un avantage à l'auto-entrepreneur, mais est-ce pour autant une concurrence déloyale ?

Un amendement avait été déposé récemment à ce sujet. Estimant que les seuils de chiffre d'affaires n'étaient pas suffisants à s'assurer qu'un avantage concurrentiel n'était pas accordé avec le bénéfice du statut d'auto-entrepreneur, Jean Arthuis, sénateur, a souhaité en ce début d'année déposer un amendement dans le but de limiter à 3 ans le bénéfice de l'auto-entreprenariat comme activité principale. Finalement, l'amendement n'a pas été adopté, chose qu'a félicité Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat et des PME, car pour lui, il n'est pas concevable d'imaginer que le statut d'auto-entreprenariat soit montré du doigt comme étant une activité de concurrence déloyale, d'autant qu'il n'est pas forcément évident qu'en terme de charges sociales, ce statut soit toujours et en toutes circonstances un statut plus avantageux.

Mais attention, mesdames et messieurs les auto-entrepreneurs, que cet état de fait ne vous fasse pas reposer sur vos doux lauriers. En effet, le droit de la concurrence s'applique à tous les opérateurs économiques, vous y compris. Auto-entreprenariat ne signifie pas immunité concurrentielle. Une belle illustration vient d'être rendue récemment par le tribunal de commerce de Béziers statuant en référés justement à ce sujet.

Deux auto-entrepreneurs viennent d'être condamnés pour concurrence déloyale car ils pratiquaient la vente à perte sur un site comparateur de prix. En effet, en dehors des soldes, les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation sont interdites, dès lors qu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits. Dans l'attente d'être jugés sur le fond, les deux auto-entrepreneurs ont interdiction de poursuivre leurs agissements pendant une période de 3 mois avec une astreinte de 1500 euros par infraction constatée entre autres sanctions (sources : le site internet de l'agence pour la création d'entreprise, décision du Tribunal de Commerce de Béziers statuant en référés du 19 juillet 2010).