Sur la convention de garantie necessaire dans les operations de transmission d'entreprise

Publié par Anthony BEM le 11/09/2010 | Lu 7269 fois | 0 réaction

Contrairement à l'acheteur d'un fonds de commerce, l'acheteur de parts sociales prend en effet à sa charge tous les passifs de la société dont le contrôle est transféré car les nouveaux passifs comme les défauts d'actifs restent chez la cible même en cas de cession de contrôle. Les moyens légaux de protection de l'acheteur du contrôle s'avèrent généralement insuffisants car lorsqu'ils permettent plus facilement une annulation de la cession qu'une indemnisation. Or l'annulation, surtout si elle intervient plusieurs années après la cession emporte d'importants inconvénients pratiques qui en font une sanction inadaptée. Lorsqu'ils autorisent une indemnisation, celle-ci est souvent subordonnée à la démonstration d'une faute du cédant ce qui alourdit la charge de la preuve du cessionnaire. C'est en raison de ce sort apparemment peu enviable de l'acheteur de droits sociaux que l'accent est généralement mis dans les opérations de transmission d'entreprise sur sa protection au moyen de conventions de garantie.

Introduction

Pour se protéger d’un éventuel « vice caché », l’acquéreur de parts sociales ou de titres de sociétés doit demander une garantie de passif jouant sur plusieurs années, voire une clause de contre-garantie par une banque.

Cette prise en charge est plus économique que juridique.

En droit, la valeur de la participation du titulaire sera affectée par les nouveaux passifs ou les défauts d'actifs apparus chez la société cible.

La garantie d’actif ou de passif est un engagement demandé par les acquéreurs de la société. Il permet de faire supporter au cédant le passif supplémentaire et/ou l’insuffisance d’actif, liés à des événements antérieurs à l’opération et qui pourraient apparaître après la cession. Le contrat garantit la valeur des éléments comptables qui ont permis de valoriser la société dans le processus de négociation. La durée des garanties est fréquemment comprise entre trois et cinq ans.

En général l’engagement prévoit trois éléments majeurs :

- une description détaillée, qui engage la responsabilité du cédant, de l’actif, du passif, des capitaux propres, des engagements hors bilan ;

- un engagement du cédant sur une gestion normale de son entreprise entre la date de clôture de l’exercice et la date de cession ;

- les modalités d’indemnisation en cas de préjudice.

Il est important de stipuler qui sont les bénéficiaires. Le bénéfice se fait soit au profit de la société cédée (sous forme d’indemnité), soit au profit de l’acquéreur (sous forme d’indemnité ou d’une réduction du prix de cession). Généralement, il y a un plafond à ses garanties qui équivaut à un pourcentage de 10 % à 30 % du montant total de la cession.

La convention de garantie figurera le plus souvent sur un seul support. Il s'agira classiquement de l'acte de cession dans lequel la convention de garantie sera intégrée ; on sera alors en présence d'une clause de garantie. La garantie peut aussi être intégrée sur un support distinct de l'acte de cession. Tel est notamment le cas lorsque les garants ne sont pas les cédants. Cette situation originale peut se rencontrer dans le cadre d'une convention de garantie consentie à l'occasion de l'émission de droits sociaux. La convention de garantie pourra notamment figurer sur un protocole établi entre d'une part les associés anciens, cédants et non-cédants, et d'autre part les nouveaux.

I - OBJET DE LA GARANTIE

Le garant peut n'accepter de ne garantir que des événements dont il avait connaissance du risque de survenance.

La garantie peut également porter sur des agrégats tels que le chiffre d'affaires ou la marge nette.

Les parties peuvent enfin se protéger contre des comportements sans écho comptable direct :

  • la non-concurrence : la Cour de cassation a ainsi posé que “la garantie d'éviction du fait personnel du vendeur n'entraîne pour celui-ci, s'agissant de la cession des actions d'une société, l'interdiction de se rétablir, que si ce rétablissement est de nature à empêcher les acquéreurs de ces actions de poursuivre l'activité économique et de réaliser l'objet social” (Cass. com., 21 janv. 1997).
  • l'absence de cessation de paiement de la société : la Cour de cassation a indiqué à cet égard “que le juge qui doit apprécier à l'occasion d'une action en résolution de la cession de parts sociales n'est pas tenu par la date de cessation des paiements fixée par le tribunal qui ouvre ultérieurement le redressement judiciaire de la société dont les parts ont été cédées” ; la solution évite que le cessionnaire ne fixe dans sa déclaration de cessation des paiements une date antérieure à la cession aux seules fins de bénéficier de la garantie (Cass. com. 19 juin 2001).
  • le respect des réglementations en vigueur (CA Paris, 5 mars 2004) ;
  • la non-défectuosité des produits commercialisés par la société 
  • le respect des normes d'hygiène et d'environnement ;
  • la bonne tenue des registres sociaux ;
  • le maintien de certains contrats conclus par la société cible
  • les caractéristiques de certains contrats (par exemple absence de contrats de travail ou de direction prévoyant des avantages différés...) ;
  • l'adéquation des polices d'assurance ;
  • la reportabilité fiscale de déficits...

II - LA MISE EN OEUVRE DE LA GARANTIE

Les cédants ont tout intérêt à exiger une obligation d’information sur tout événement pouvant conduire à la mise en jeu de la garantie et à la faire stipuler dans le contrat.

Ce qui permet au cédant le cas échéant, de s’impliquer dans la résolution d’un litige avec un tiers au mieux de ses intérêts.

La mise en jeu de la garantie peut être ainsi conditionnée à un certain formalisme :
- un délai maximal pour prévenir le cédant de l’apparition d’un passif supplémentaire ;
- l’obligation de transmettre de la documentation concernant le passif ;
- la possibilité de participer aux procédures fiscales et juridiques directement avec l’avocat du cédant.

La sanction de l'inexécution d'une obligation liée à la mise en œuvre de la garantie relève des stipulations contractuelles. En l'absence de prévision explicite ou implicite, la sanction doit consister en des dommages et intérêts en application de l'article 1147 du Code civil.

Certains tribunaux vont parfois au-delà en sanctionnant par l'irrecevabilité ou la déchéance les appels en garantie effectués en violation de règles conventionnelles d'information (CA Paris, 24 oct. 2000, 3e ch. A), de notification (CA Paris 3e ch. B, 17 mai 2002 – Cass. com., 9 mai 2001) ou bien encore d'établissement de comptes sociaux de référence (CA Paris, 12 déc. 2003).

En outre, les garants doivent aussi participer aux opérations comptables nécessaires à la mise œuvre de la garantie (CA Paris, 12 déc. 2003).

Le montant de la garantie correspond à la différence entre la situation de base reflétée dans les comptes de référence et une situation constatée postérieurement à la cession.

La détermination du montant de l'obligation de règlement peut relever d'un tiers. Ceci sera particulièrement opportun dès lors que la garantie recourra au mécanisme de la réduction de prix et que d'éventuelles discussions menaceraient la cession de nullité pour indétermination du prix en application de l'article 1591 du Code civil.

Une clause d'indexation permettra de prendre en compte l'écoulement du temps entre la date de réclamation et la date de règlement.

Des corrections sont envisageables eu égard au traitement fiscal de la garantie. Certaines clauses permettent ainsi de majorer le montant de l'obligation de règlement en augmentant la somme due par le garant à hauteur des impositions frappant l'indemnité de garantie chez son bénéficiaire.

Des correctifs particuliers sont en outre nécessaires pour évaluer les événements extra-comptables (recours à un expert, montant forfaitaire...).

L'inexécution par le garant de son obligation de garantie sera de nature à engager sa responsabilité contractuelle au cas où il manquerait à exécuter ses engagements au titre de la garantie. La Cour de cassation a ainsi admis que le garant qui avait refusé de s'exécuter pouvait être condamné à réparer tous les préjudices qui étaient la conséquence directe et nécessaire de la liquidation judiciaire qui s'en était ensuivie (Cass. com., 20 nov. 2001).

Le contrat pourra recourir classiquement au mécanisme de la clause pénale pour sanctionner l'inexécution de ses obligations par le garant. Le montant dû au titre de cette clause pénale sera distinct de celui dû au titre de la convention de garantie. Ce dernier ne constitue pas une clause pénale dans la mesure où il ne sanctionne pas l'inexécution mais rééquilibre objectivement la discordance entre une situation attendue et une situation constatée après la cession.

En l'absence de clause de garantie, la condition résolutoire pourra être invoquée par l'une ou l'autre des parties en application de l'article 1184 du Code civil. Elle supposera néanmoins l'intervention du juge.

Les parties pourront prévoir une clause résolutoire en cas d'inexécution de ses obligations par le garant. La formule permettra au garanti de remettre en cause le transfert de propriété des titres.

L'article L. 411-4 du Code de l'organisation judiciaire énonce que : “Les tribunaux de commerce connaissent : 1° des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ; 2° des contestations relatives aux sociétés commerciales ; 3° de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes...”. En raison de la commercialité reconnue par la jurisprudence aux cessions de contrôle, les litiges relatifs aux conventions de garantie afférentes à des cessions de contrôle doivent être soumis aux tribunaux de commerce en application du 3° de cet article.

Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire ou action.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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