Service mandataire, attention à la requalification comme employeur !

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 04/11/2010 | Lu 10012 fois | 0 réaction

Les structures de l'aide à domicile interviennent soit en mode prestataire, dans ce cas l'intervenante est salariée de celles-ci, soit en mode mandataire, dans ce cas l'intervenante est salariée du particulier et la structure n'a mandat que de s'occuper du recrutement et de l'élaboration des documents sociaux se rapportant à cet emploi. En pratique, la frontière est souvent mince et une décision du 30 juin 2010 montre à quel point le couperet peut facilement tomber sur l'association qui manque de vigilance en la matière.

Je ne vais pas vous le cacher, j'ai quelques réticences au sujet du mode mandataire. Déformation professionnelle oblige, je connais toute la difficulté que peut poser ce mode tant pour le particulier employeur qui imagine rarement le moment où il souhaitera se séparer de son employé (procédure de licenciement avec ses formalités, sa justification et son indemnité mais aussi remplacement du salarié par un CDD) que pour la structure qui, si elle n'est pas vigilante, risque d'être considérée juridiquement comme étant l'employeur. Toutefois, lorsque les choses sont bien faites et que le particulier choisi ce mode en connaissance de cause, il est vrai que cela lui laisse plus de souplesse et de main mise sur les interventions tout en étant accompagné par des professionnels.

LES FAITS

Dans l'affaire qui nous intéresse, un particulier a fait appel à une association comme mandataire afin que celle-ci s'occupe du recrutement d'une aide ménagère, ainsi que de l'élaboration des documents sociaux liés à cet emploi, tandis que le particulier serait l'employeur de l'intervenante. L'état de santé du particulier se dégradant, ce dernier a fait appel à une infirmière tout en demandant à l'aide ménagère de faire moins d'heures par semaine. L'intervenante a notifié son refus de diminuer son contrat de travail et a demandé à ce que son salaire soit maintenu pendant les périodes d'hospitalisation du particulier employeur entre 2000 et 2002. L'intervenante saisit le conseil des prud'hommes en récupération de salaires perdus à cette époque.

Le conseil des prud'hommes, statuant en référés, fait droit à la demande de la salarié et condamne solidairement le particulier employeur et la structure mandataire à reverser les sommes dues. La Cour de cassation la décision des juges du fonds en ce qu'elle condamne solidairement le particulier et l'association.

Suite à cela, l'intervenante prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en envoyant un courrier tant à l'association qu'au particulier employeur sans préciser exactement à qui elle s'adresse. La salariée saisit les magistrats afin de voir reconnaitre la rupture aux tors de l'employeur.

LA QUESTION DE DROIT

Aux torts de qui la rupture devrait-elle être prononcée ? C'est à cette question que les juges ont du tenter de répondre afin de déterminer s'il revenait au particulier employeur ou à l'association d'assumer les conséquences financières de cette rupture.

Pour les premiers magistrats statuant sur cette affaire, c'est l'association qui était dans les faits l'employeur de la salarié et non pas le particulier bénficiant de ses services contrairement à ce que l'apparence pourrait laisser supposer. Evidemment, l'association a formé un pourvoi devant la Cour de cassation puisque, selon elle, elle n'intervenait que comme mandataire dans la gestion de ces interventions et ne s'occupait donc que du recrutement et de l'élaboration des documents sociaux.

LA REPONSE DES MAGISTRATS

La chambre sociale de la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond et condamne l'association au paiement des congés payés, salaires et indemnités dues à la salarié.

En effet, les juges ont à bon droit conclus au regard des éléments de l'espèce que l'association avait excédé son rôle de simple mandataire puisqu'ayant organisé les conditions de travail de l'intervenante. Pour en arriver à cette conclusion, les juges relèvent que :

- l'aide-ménagère qui travaillait selon des horaires variables intervenait en alternance avec plusieurs autres aides ménagères chez ce même particulier

- toutes ces aides ménagères intervenaient aussi pour d'autres particuliers également suivies par l'association

- l'intervenante prenait ses congés en même temps que l'époux de la personne aidée, ce qui conduisait cet époux à devoir aider lui même sa femme et à embaucher une autre personne pour les interventions.

A partir de l'ensemble de ces éléments, les juges ont déduits qu'il existait un lien de subordination entre l'intervenante et l'association. Ce n'est pas nouveau. Une précédente décision du 20 janvier 2000 avait déjà requalifié un service mandataire en qualité d'employeur. Mais à l'époque, les indices qui ont conduit à cette solution était bien moins subtiles que l'arrêt qui nous intéresse puisque le service mandataire versé directement le salaire aux salariés et fixait l'organisation du travail des salariés. La présente décision montre que même si l'on ne verse pas directement le salaire, d'autres éléments plus subtils peuvent conduire la structure a être requalifiée comme employeur, d'où la nécessité d'une vigilance accrue.

Ainsi, par exemple, il reviendra à l'employeur de faire attention à l'organisation des congés des salariés qui interviennent en mandataire et en prestataire. La tentation est en effet grande de fixer les congés de ces salariés globalement en oubliant que pour leur contrat qu'ils ont chez un particulier employeur en mode mandataire, il revient à ce particulier d'autoriser les congés.

Bien que non publiée au bulletin, cette décision ne doit pas être pris à la légère par les services mandataires surtout en cette période de vache maigre pour le secteur qui a déjà conduit nombre d'entre nous sur la paille.

Cass. soc. 30 juin 2010, n°09-42116