Salles de shoot en france : politiquement incorrect, médicalement important ?

Publié par Documentissime le 15/09/2010 | Lu 7384 fois | 0 réaction

Roselyne Bachelot, Ministre de la santé, avait envisagé et annoncé cet été la création de "centres d'injections supervisés" en France, autrement dit des salles de shoot. Ces salles sont réservées aux utilisateurs de drogues dures (crack, héroïne…) qui peuvent venir s'y shooter dans de bonnes conditions d'hygiène et sous surveillance médicale. Les toxicos n'échangent donc plus leurs seringues, et on limite ainsi la transmission des maladies infectieuses (comme le sida) qui touchent environ 60% des consommateurs de drogue. Retour sur une mesure testée et approuvée à l'étranger, mais politiquement incorrecte en France.

En France : le duel Bachelot / Matignon

L'Inserm avait rendu un rapport favorable aux "centres d'injections supervisés" fin juin. Suite à la publication de ce rapport, Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, avait, sur la pointe des pieds, annoncé la possibilité de créer des salles de shoot en France lors de la dernière conférence internationale sur le sida à Vienne le 19 juillet 2010. Matignon a dit non.

Le Premier ministre, François Fillon, a rejeté toute possibilité de création de salles de consommation de drogue en France.

"La priorité du gouvernement est de réduire la consommation des drogues en France, non de l'accompagner, voire de l'organiser", a indiqué l'hôtel Matignon. Il ajoutait que "la mise en place de ces centres de consommation de drogue n'est ni utile ni souhaitable en France."

Les salles de shoot : vraie ou fausse bonne idée ?

Une étude a été menée en 2004 par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) auprès des pays pionniers. Bilan : l’expérience est positive. Et l'usage de drogue dans les lieux publics est en baisse dans les quartiers disposant de ces salles.

L'Inserm a rendu en juin une expertise collective sur la réduction des risques chez les consommateurs de drogues. D'après ce rapport "les études démontrent clairement une diminution des abcès et autres maladies liées à l'injection, une diminution des comportements à risque de transmission du VIH/VHC [ndlr: hépatite C] (...) chez les usagers, avec une probable influence plus large sur la communauté des usagers." Et d’un point de vue économique, ces centres seraient coût-efficaces : "Deux analyses économiques menées sur les CIS de Vancouver et Sydney ont conclu au fait que l'ouverture des CIS -par leur effet sur les overdoses mortelles évitées et sur la transmission du VIH- peut contribuer à réduire la charge financière à venir pour la société. Ils constituent un investissement potentiellement rentable.".

Des économies pour la sécu : l’argument choc devant l’intérêt médical ?

En France, les associations réclament depuis longtemps la création de ce type de structures. Et après l’annonce de Roselyne Bachelot, plusieurs villes avaient fait part de leur intérêt pour ce projet.

Nos voisins européens : coup d’œil de l’autre coté de la frontière

Ces centres sont apparus en Suisse il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui le pays compte plus de 30 salles d'injections.

Ils sont expérimentés en Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Luxembourg, Norvège, et Pays-Bas. On compte 80 structures en Europe.

L'Allemagne compte désormais 21 salles, comme les Pays-Bas, l'Espagne trois, la Norvège et le Luxembourg disposent d'un centre chacun.

Détail : en France aussi elles sont expérimentées, à Paris, à l'initiative d'un député PS.