roit de visite bafoué : la France condamnée à 5 000 euros pour Déni de Justice

Publié par Documentissime le 19/05/2010 | Lu 7209 fois | 2 réactions

Le 18 mai 2010, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné l'Etat français pour « déni de justice » en faveur d'une mère divorcée, Michelle Olivieri, qui n'a pas pu voir ses enfants pendant près de 17 ans, alors même qu'elle était titulaire d'un droit de visite en vertu de son jugement de divorce. Comment, dans un pays qui se veut être « le pays des droits de l'Homme », une femme peut-elle voir ses droits, en tant que mère, mais aussi en tant que justiciable, bafoués de cette façon ?

En 1993, lors du prononcé de son divorce, Michelle Olivieri obtient le droit de visite de ses trois filles et son fils. En France, en cas de divorce, et en présence d’enfants, lorsque leur résidence habituelle est fixée chez l’un des parents, l’autre parent bénéficie d’un droit de visite, lequel est un droit fondamental. Seul un Juge aux Affaires Familiales (JAF) peut refuser ce droit de visite, pour des raisons motivées. En tant que droit fondamental, le respect du droit de visite doit être assuré par l’Etat français, garant des libertés et droits fondamentaux de ces citoyens.

 

Pourtant, le cas de Michelle Olivieri est tout autre. En effet, l’année même où le divorce d’avec son ex-mari est prononcé, il enlève leurs quatre enfants à la sortie de l’école et empêche Michelle Olivieri de les voir. Commence alors, pour cette mère, un combat judiciaire qui vient enfin de lui être reconnu comme préjudiciable.

 

En droit français, il est prévu que le parent dont l’habitation constitue la résidence habituelle des enfants ne peut pas refuser le droit de visite accordé à l’autre parent, sauf motif grave. Dans le cas contraire, il s’expose à une condamnation pour « non présentation d’enfant ». En effet, l’article L. 227-5 du Code pénal dispose que « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ». Il est ici question d’une infraction volontaire à la suite de laquelle le parent victime peut déposer plainte auprès d’un commissariat de police.

 

Après avoir intenté plusieurs procédures pour non-présentation d’enfants à l’encontre de son ex-mari, la situation n’a pas changé. Michelle Olivieri a donc saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui lui a donné raison le 28 février 2006, estimant que la justice française a commis une « faute lourde constituée par son incapacité à protéger son droit à une vie familiale ».

 

La justice française ne réagissant toujours pas, Michelle Olivieri a intenté une action contre l’Etat français pour faute lourde. Le Tribunal de Grande Instance de Toulon ayant rejeté sa demande, Michelle Olivieri a alors interjeté appel devant la Cour d’appel d’Aix en Provence.

 

Michelle Olivieri a aujourd’hui 61 ans. Elle reproche à la justice de ne pas avoir fait en sorte que soit respecté le droit de visite qui lui avait été accordé lors du jugement de son divorce, prononcé en 1993.

Selon elle, la justice n’a donc pas fait le nécessaire pour qu’elle revoie ses enfants alors qu’elle en avait le droit, et ce malgré les trente plaintes déposées contre son ex-mari et restées sans effet. Pour son avocate, Maître Christine Ravaz, « la justice a failli à sa mission de préserver le lien entre les parents et l’enfant ».

 

L’Etat français condamné pour déni de justice

 

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ».

Il s’agit là de droits fondamentaux. Or, Michelle Olivieri a lutté pendant de nombreuses années pour qu’on lui permette enfin de revoir ses enfants, en vain, alors même qu’un droit de visite jouait en sa faveur. C’est ici la notion de délai raisonnable qui est en cause. La lenteur de la justice est une problématique incontestable en France et cette affaire ne fait que confirmer l’impuissance des institutions face à ce constat.

 

Dans cette affaire, l’Etat français a plaidé la prescription de l’action engagée, mais il n’a pas obtenu gain de cause et s’est vu condamné à 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par la plaignante. Une maigre consolation, pour une mère privée de ses enfants pendant si longtemps et une peine bien clémente qui semble ignorer les dysfonctionnements des institutions judiciaires françaises…