Refus de la modification du contrat de travail par le salarié

Publié par Jean-pierre DA ROS le 25/08/2010 | Lu 7439 fois | 0 réaction

Lorsque le salarié refuse la modification, l'employeur doit, soit renoncer à la modification envisagée, soit engager la procédure de licenciement

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Refus de la modification par le salarié

Lorsque le salarié refuse la modification, l'employeur doit, soit renoncer à la modification envisagée, soit engager la procédure de licenciement (Cass. soc., 5 mars 1997, no 94-42.188, Bull. civ. V, no 96 ; Cass. soc., 20 janv. 1998, no 95-41.575, Bull. civ. V, no 23 ; Cass. soc., 26 juin 2001, no 99-42.489, Bull. civ. V, no 23 ; Cass. soc., 13 juill. 2004, no 02-43.700). Il ne peut imposer la modification .

S'il renonce, le contrat de travail se poursuit aux conditions antérieures (Cass. soc., 5 oct. 1993, no 90-42.064, Cah. soc. barreau 1993, p. 265. A 59 ; Cass. soc., 29 juin 1999, no 97-42.248, Bull. civ. V, no 306 ; Cass. soc., 26 nov. 2002, no 00-44.517, qui décide que le contrat se poursuit aux conditions antérieures tant que le salarié n'a pas accepté la modification et si l'employeur, en l'état du refus du salarié, n'a pas mis en œuvre la procédure de licenciement). Le salarié ne peut être tenu d'exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur (Cass. soc., 26 juin 2001, no 99-42.489, Bull. civ. V, no 229 ; Cass. soc., 13 juill. 2004 précité). Si ce dernier maintient sa décision, la rupture du contrat est inévitable. Le refus de modification n'est pas abusif (Cass. soc., 15 juill. 1998, no 95-45.362). Si l'employeur impose une modification, il n'exécute pas ses obligations contractuelles et le refus du salarié qui prend acte de la rupture n'est pas une démission, mais un licenciement sans cause réelle et sérieuse car non motivé (Cass. soc., 26 sept. 2002, no 00-41.823, JSL 12 nov. 2002, no 111-3). A l'inverse, si le salarié refuse un changement des conditions de travail, il appartient à l'employeur de sanctionner l'abandon de poste par un licenciement (Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.566).

a) Contrat à durée déterminée

Le contrat à durée déterminée ne pouvant être rompu par anticipation que dans des cas limités par la loi.Il en résulte que la rupture consécutive au refus de modification du contrat par le salarié est imputable à l'employeur. Elle est acquise dès le moment où l'employeur, malgré le refus, a maintenu sa décision (Cass. soc., 22 mai 1996, no 94-43.287, Dr. soc. 1996, p. 981, obs. Couturier). Le salarié a droit en application de l'article L. 1243-4 du Code du travail (ancien art. L. 122-3-8, al. 3) au solde des salaires qui restent à courir (voir cependant : Cass. soc., 31 oct. 1996, no 93-46.365, Bull. civ. V, no 368, Dr. soc. 1997, p. 92, obs. Blaise, qui rejette un pourvoi contre un arrêt qui avait alloué au salarié une indemnité pour rupture abusive).

b) Refus d'une sanction disciplinaire

Lorsque la modification du contrat est disciplinaire, il est admis en jurisprudence que le salarié peut la refuser. La Cour de cassation a décidé « qu'en cas de refus du salarié (d'une rétrogradation en l'espèce), l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire prononcer une autre sanction au lieu et place de la sanction refusée » (Cass. soc., 16 juin 1998, no 95-45.033, Semaine sociale Lamy, no 893, p. 11, JSL 23 juill. 1998, no 18-5 ; voir aussi Cass. soc., 15 juin 2000, no 98-43.400 précité) y compris un licenciement (Cass. soc., 11 févr. 2009, no 06-45.897).

c) Licenciement pour cause personnelle

L'employeur qui persiste dans son projet de modification du contrat, en cas de refus du salarié, doit le licencier. Le licenciement doit intervenir dans les formes prescrites par la loi et dans le respect de la procédure. La lettre de licenciement doit indiquer les motifs de la rupture, et ce par référence à la jurisprudence dégagée en matière de modification pour motif économique ; elle ne doit pas se borner à invoquer la modification du contrat (Cass. soc., 6 juill. 1994, no 93-40.611). Elle doit indiquer les raisons de cette modification (Cass. soc., 7 oct. 1997, no 95-41.265 ; Cass. soc., 7 oct. 1997, no 95-42.196, JSL 4 nov. 1997, no 1-12) et faire état du refus de la modification.

Le seul refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 28 janv. 2005, no 03-40.639, Bull. civ. V, no 35).

Mais le licenciement consécutif à un refus de modification n'est pas abusif pour autant. Si le salarié est en droit de refuser la modification, le licenciement n'est pas, en soi, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; il appartient au juge de rechercher si le motif de la modification (qui doit, rappelons-le, être énoncé) constitue une cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 10 déc. 1996, no 94-40.300, Bull. civ. V, no 430 ; Cass. soc., 19 févr. 1997, no 95-41.207, Bull. civ. V, no 74 ; voir aussi dans le même sens, Cass. soc., 6 févr. 1990, no 87-45.322 ; Cass. soc., 8 nov. 1995, no 92-41.116). Il en résulte que la modification doit toujours être justifiée car le « licenciement à la suite du refus de la modification a pour cause le motif de cette modification » (Cass. soc., 16 déc. 1998, no 95-17.077). Si la modification n'est pas justifiée et que le salarié qui la refuse est licencié pour inaptitude physique, le licenciement n'est pas nul, mais il est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 26 nov. 2002, no 00-44.517).

En aucun cas l'employeur ne peut considérer que le refus de la modification constitue une démission, en l'absence de volonté claire et non équivoque de démissionner (Cass. soc., 5 oct. 1993, no 90-42.064,  Cah. soc. barreau 1993, p. 265. A 59) ; la rupture s'analyse toujours en un licenciement (Cass. soc., 4 janv. 1996, no 92-40.440 et no 92-40.441, Bull. civ. V, no 2). Un arrêt a même jugé que lorsque la démission et l'absence qui l'a précédée sont motivées par la modification du contrat, l'employeur porte la responsabilité de la rupture (Cass. soc., 10 avr. 1991, no 87-45.079, Bull. civ. V, no 178). Il en résulte que la modification imposée au salarié malgré son refus, constitue un licenciement (Cass. soc., 10 avr. 1991, précité ; Cass. soc., 22 mai 1996, no 94-43.287, Dr. soc. 1996, p. 981, obs. G. Couturier) car le salarié peut, dans ce cas, prendre acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 25 juin 2003, nos 01-42.335, 01-43.578, 01-42.679, Bull. civ. V, no 209). En outre, il est permis au salarié de demander dans ce cas la résiliation judiciaire du contrat de travail (Cass. soc., 20 mars 1990, no 87-43.563, Bull. civ. V, no 125) ; la résiliation judiciaire produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 janv. 1998, no 95-43.350, Bull. civ. V, no 21 ; Cass. soc., 17 mars 1998, no 96-41.884, JSL 3 juin 1998, no 15-20 ; voir sur ces points B. Boubli, chr. TPS 4/98, p. 4 et s.).

Il est à noter que le salarié étant toujours en droit de refuser la modification de son contrat, s'il refuse de travailler aux conditions modifiées qui lui sont imposées, il ne doit pas perdre le bénéfice de sa rémunération : l'employeur ne peut, par sa propre faute, se dispenser de l'exécution de son obligation. En pratique, c'est une indemnité compensatrice du salaire perdu qui lui est allouée (Cass. soc., 7 juill. 1999, no 97-43.232 ; Cass. soc., 29 juin 1999, no 97-42.248, Bull. civ. V, no 306, qui statuent tous les deux sur un contrat à temps plein transformé en contrat à temps partiel, sans l'accord du salarié, et reconnaissant à celui-ci le droit aux salaires correspondant au temps plein, le premier visant également les congés payés y afférents). En outre, si un licenciement est notifié, le préavis doit être exécuté aux conditions antérieures (Cass. ass. plén., 18 nov. 1994, no 90-44.754, Bull. civ. ass. plén. no 6 ; Cass. soc., 8 juin 1994, no 90-45.703, Bull. civ. V, no 193). Si ce préavis ne peut pas être exécuté, le salarié a droit à une indemnité compensatrice (Cass. soc., 20 mai 1992, no 89-40.974, Dr. soc. 1992, p. 708 ; Cass. soc., 17 déc. 1992, no 91-45.501 ; Cass. soc., 23 nov. 1994, no 91-43.582).

Lorsque les parties sont en désaccord sur l'imputabilité de la rupture, l'une soutenant que l'autre a démissionné, tandis que celle-ci soutient qu'elle a été licenciée, il a été jugé que le juge doit trancher le litige en décidant quelle est la partie qui a rompu (Cass. soc., 14 nov. 2000, no 98-42.849, Bull. civ. V, no 366). Cette solution qui permet de résoudre la difficulté soulevée par les divergences entre les parties sur l'existence ou non d'une modification du contrat n'est pas nécessairement condamnée par la jurisprudence relative à la « prise d'acte de la rupture » .

d) Licenciement économique

Les règles exposées à propos du licenciement pour cause personnelle sont ici transposables. Tout au plus convient-il de rappeler que l'employeur qui licencie un salarié pour motif économique à la suite de son refus de la modification, doit énoncer dans la lettre de licenciement la raison économique (difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation de l'entreprise) et sa conséquence sur le contrat, en l'espèce, la modification de celui-ci (Cass. soc., 30 avr. 1997, no 94-42.154, Bull. civ. V, no 150).

Le licenciement est d'ordre économique lorsque la modification est envisagée pour un motif non inhérent à la personne (Cass. soc., 14 mai 1997, no 94-43.712, Bull. civ. V, no 177). En outre, il n'est pas nécessaire que la modification du contrat s'accompagne d'une suppression d'emploi (Cass. soc., 17 oct. 1990, no 88-42.898, Bull. civ. V, no 479, D. 1990, I.R., p. 264 ; Cass. soc., 9 oct. 1991, no 89-45.295, Bull. civ. V, no 399). Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse si la modification n'est pas justifiée par un motif économique (Cass. soc., 19 févr. 1997, no 95-41.207, Bull. civ. V, no 74, D. 1997, I.R., p. 70 ; Cass. soc., 23 juin 1999, no 97-42.380, à propos d'une modification motivée par un souci d'uniformisation des pratiques de deux sociétés fusionnées ou par un souci de vérification, et n'ayant pas pour objet de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise). Mais il a une cause réelle et sérieuse si le motif économique énoncé dans la lettre de rupture est effectif (Cass. soc., 20 nov. 1991, no 89-45.576, Bull. civ. V, no 511 ; Cass. soc., 21 oct. 1992, no 89-44.667, Bull. civ. V, no 514).

La proposition faite à un salarié d'une modification de son contrat ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement (Cass. soc., 30 sept. 1997, no 94-43.898, Bull. civ. V, no 290).

Remarques

Le préavis devant s'exécuter aux conditions non modifiées dans la pratique, en cas de transfert du lieu de travail, il est opportun d'aviser le personnel suffisamment à l'avance du transfert projeté en lui fixant un délai avant la date où le transfert devient effectif ; en tout état de cause, ce délai sera d'au moins un mois conformément à l'article L. 1222-6 du Code du travail (ancien art. L. 321-1-2). Faute d'avoir mis les salariés en mesure d'exécuter leur préavis dans leur lieu initial de travail, l'employeur devra payer une indemnité compensatrice de préavis sans contrepartie de travail (Cass. soc., 25 nov. 1976, no 75-40.844, Bull. civ. V, no 626).

e) Licenciement sur le fondement de l'article L. 1222-8 du Code du travail

Lorsque le salarié refuse une modification du contrat de travail qui est la conséquence de l'application d'un accord de réduction du temps de travail, il peut être licencié. Le licenciement n'a pas un motif économique (C. trav., art. L. 1222-8 ; Cass. soc., 15 mars 2006, no 05-42.946) ; il obéit à un régime propre. La lettre de licenciement doit faire référence à l'accord collectif (Cass. soc., 15 mars 2006, no 04-40.504) et le juge apprécie le caractère réel et sérieux du licenciement au seul regard des dispositions de l'accord collectif de réduction de la durée du travail (Cass. soc., 15 mars 2006, no 04-41.935).

Sur les indemnités du licenciement économique

Taux, montant et modalités de calcul de l'indemnité légale

Le décret no 2008-715 du 18 juillet 2008 a supprimé la distinction entre l'indemnisation du licenciement pour motif économique et celle du licenciement pour motif personnel, instaurant un montant unique égal à celui antérieurement applicable au licenciement économique. Ces règles sont entrées en vigueur le 20 juillet 2008.

Remarques

Les articles R. 1234-2 et R. 1234-3 dans leur version antérieure prévoyaient le doublement de l'indemnité en cas de licenciement économique.

Quel que soit le motif de licenciement, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à :

de 1 à 10 ans d'ancienneté : 1/5e de mois de salaire par année d'ancienneté ;

au-delà de 10 ans d'ancienneté : 1/5e de mois de salaire par année d'ancienneté auxquels s'ajoutent 2/15e de mois par année au-delà de 10 ans (C. trav., art. R. 1234-2 ; D. no 2008-715, 18 juill. 2008, JO 19 juill.).

L'employeur est bien entendu tenu d'appliquer les règles plus favorables prévues par la convention collective ou le contrat de travail.

Le taux applicable est celui en vigueur à la date de notification du licenciement (Cass. soc., 10 mai 2005, no 03-47.488 ; Cass. soc., 11 janv. 2006, no 03-44.461, Bull. civ. V, no 9, espèce où le décret no 2002-785 du 3 mai 2002 qui avait porté doublement de l'indemnité légale en cas de licenciement économique est intervenu en cours de préavis).

Dans la logique de la jurisprudence la plus récente, par date de notification, il y a lieu d'entendre la date d'envoi de la lettre de licenciement .

a) Notion d'années de service

Il y a lieu de retenir non seulement les années entières de service mais également les fractions d'années incomplètes (Cass. soc., 8 janv. 1987, no 84-43.345, Bull. civ. V, no 9 ; Cass. soc., 16 mars 1994, no 88-40.915, Bull. civ. V, p. 66).

La Cour de cassation a jugé que les périodes de suspension n'avaient pas à être retenues dans le calcul de l'indemnité légale (Cass. soc., 28 juin 1973, no 72-40.179). Toutefois, les périodes de suspension légalement assimilées à un temps de travail effectif pour la détermination de l'ancienneté doivent être prises en compte.

Pour l'appréciation du nombre d'années de services, la Cour de cassation considérait, sur le fondement du principe posé par l'article L. 1234-5 du Code du travail, qu'il y avait lieu de se placer à la fin du préavis, même s'il y a eu dispense d'exécution (Cass. soc., 30 mars 2005, no 03-42.667, Bull. civ. V, no 106).

b) Base de calcul

L'indemnité légale de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne doit être prise en compte que prorata temporis (C. trav., art. R. 1234-4).

La période de référence inclut le salaire afférent à la période de préavis que celui-ci soit travaillé ou non (Cass. soc., 5 oct. 1983, no 81-40.510).

C'est donc l'ensemble des éléments de rémunération, qu'elle soit fixe ou variable, l'ensemble des primes et complément de salaire qu'il y a lieu de prendre en compte pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement.

Il convient toutefois de déduire les gratifications bénévoles attribuées à l'occasion d'un événement particulier, dont le montant et les bénéficiaires sont déterminés de manière discrétionnaire par l'employeur (Cass. soc., 14 oct. 2009, no 07-45.587 FP-P+B+R).

Remarques

Un doute pouvait subsister sur ce point dans la mesure où, selon l'article R. 1234-4 du Code du travail, lorsque l'indemnité est calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire « toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion ». Ce doute est levé.

Doivent être également exclues les primes correspondant à des remboursements de frais, car elles n'ont pas le caractère de salaire.

En revanche, doit être comprise dans la base de calcul, une gratification constante, fixe et générale ayant, par conséquent, un caractère obligatoire.

De même, lorsque l'employeur est condamné au versement d'un rappel de salaire, il y a lieu d'intégrer dans la base de calcul de l'indemnité la part de rappel correspondant à la période de référence (Cass. soc., 30 avr. 2003, no 00-44.789).

En outre, les indemnités de congés payés versées par des caisses de congés payés doivent être incluses également dans le salaire servant de base de calcul de l'indemnité, aucune distinction n'étant prévue dans les textes selon la personne qui verse ces sommes (Rép. min. no 50902, 2 déc. 1991, JOANQ 17 févr. 1992, p. 805).