Procès ERIKA : Coupable mais pas responsable

Publié par Documentissime le 30/03/2010 | Lu 6334 fois | 0 réaction

La cour d'appel de Paris vient de confirmer la condamnation pénale de Total pour le naufrage du pétrolier Erika au large de la Bretagne, le 12 décembre 1999 et a porté de 192,5 à 200,6 millions d'euros les indemnités à verser aux victimes de cette catastrophe. L'Erika, pétrolier appartenant à une société maltaise, avait coulé au large du Finistère déversant ainsi du fuel sur près de 400 kilomètres de côtes. Le procès en première instance qui s'était déroulé devant le Tribunal correctionnel de Paris avait retenu, le 16 janvier 2008, la responsabilité pénale de l'affréteur Total en raison notamment d'une faute d'imprudence pour n'avoir pas tenu compte de l'état du pétrolier.

La Cour d’appel de Paris a rendu son verdict ce mardi 30 mars 2010 suite à l’appel interjeté par Total au regard de sa condamnation pour préjudice écologique.

 

Si la cour a confirmé la culpabilité de Total, elle considère néanmoins que Total n'est pas civilement responsable des dommages causés par ce naufrage et n’a donc pas à payer de dommages et intérêts, contrairement à ce qui avait été ordonné en première instance.

 

La majeure partie des 192,5 millions d'euros d'indemnités que le groupe Total devait payer conformément à la décision de 1ère instance ont déjà été versés, et ce versement est irrévocable. Néanmoins, le surplus ordonné par la Cour d’appel sera à la charge, non pas de Total mais de l'organisme de contrôle maritime italien RINA, auquel il est reproché d’avoir à l’Erika son certificat de navigabilité.

 

Face à ce revirement concernant la responsabilité financière de la catastrophe, RINA a indiqué qu’un pourvoi en cassation sera formé contre cette décision.

 

L’enquête dans le cadre du procès Erika a duré sept années et le 16 janvier 2008, Total avait finalement été condamné par le Tribunal correctionnel de Paris pour faute d’imprudence et préjudice écologique.

Cette notion de préjudice écologique représentait une avancée notable dans le domaine de la responsabilité environnementale et les associations de défense de l’environnement se félicitent que cette notion ait été reprise par la Cour d’appel dans son arrêt.

En effet, l’arrêt prévoit que toute atteinte à l'environnement sera considérée comme un dommage donnant droit à réparation, au même titre que les préjudices moral, matériel ou économique, reconnus jusqu’à présent comme des préjudices indemnisables.  

L’arrêt de la cour d’appel fonde également sa décision sur le principe de précaution, applicable en matière droit de l’environnement, principe destiné à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement, dont on connaît la probabilité.

La cour d’appel estime donc que le pétrolier n’a pas respecté le principe de précaution, a donc commis une faute d’imprudence en lien avec le dommage.

 

Si la faute de Total présente un lien de causalité avec le naufrage, alors pourquoi sa responsabilité financière n’est-elle pas en jeu ?

 

Le groupe a obtenu gain de cause sur un point : les conventions internationales écartent toute responsabilité de l'affréteur.

Cet argument, écarté par le Tribunal de première instance, est cependant retenu par la cour d’appel, ce qui explique que Total se trouve libéré de l’obligation de verser des dommages et intérêts.

Cependant, jugé non responsable mais coupable du délit de « pollution maritime, Total n’échappe pas à une amende de 375 000 euros ordonnée en 1ère instance et confirmée par la Cour d’appel, et doit verser une somme de 3 200 000 euros aux plaignants pour les frais de procédure.

 

Total n’est pas le seul condamné dans la mesure où la cour d’appel a confirmé l’amende infligée à RINA, d’un montant de 175 000 euros, ainsi que les amendes de 75 000 euros frappant Giuseppe Savarese, ex-propriétaire italien du navire, et Antonio Pollara, ancien gestionnaire italien de l'Erika.