Le droit de visite des grands-parents

Publié par Yaelle GLIOTT NAOURI le 05/01/2011 - Dans le thème :

Procédures en Justice

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Droits de l'enfant, des parents ou des grands-parents ? Certains grands-parents saisissent la justice pour solliciter un droit de visite sur un petit enfant qu'ils ne voient plus. Cette démarche surprend ou exaspère les parents qui considèrent qu'ils ont le droit de ne plus fréquenter leurs propres ascendants et d'imposer cette décision à leurs enfants. La demande des grands-parents entre parfois en concurrence avec le droit de visite accordé au parent séparé qui n'a pas la résidence de l'enfant ou provoque une brèche dans une égalité recherchée en cas de garde alternée.

Que dit la loi ?

L’article  371-4 du Code Civil dispose que « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. »

Quelle est la procédure ?

En pratique, une assignation est rédigée par l’avocat des grands-parents et délivrée par voie d’huissier aux parents titulaires de l’autorité parentale.

Une audience devant le Juge aux Affaires Familiales, non publique, aura lieu, permettant au représentant du Ministère Public (Procureur) de rendre son avis et aux avocats de plaider.

Les parents sont représentés obligatoirement par un avocat.

La vie privée des grands-parents est exposée dans les conclusions écrites et en audience. Les circonstances de la rupture avec les parents sont examinées en détail, avec des attestations et parfois des pièces contenues dans un dossier pénal antérieur. Il peut s’agir de condamnations relatives à des faits commis sur leurs enfants, ou mettant en cause leurs bonnes mœurs.

La procédure peut prendre plusieurs mois.

Les enfants ont-ils leur mot à dire ?

Lorsque les enfants concernés sont « capables de discernement », ils peuvent être entendus par l’intermédiaire d’un avocat. Ce sera notamment le cas pour les adolescents.

Cependant, en pratique, la majorité des demandes concernent de jeunes enfants : leur opinion peut être recueillie par un enquêteur social désigné par le juge.

Leur avis compte puisque des juges peuvent motiver leur décision en partie sur celui-ci. Ainsi, une cour d’appel a récemment retenu dans le cas de fillettes refusant clairement de voir leur grand-mère  que « le trouble des enfants à l'idée de rencontrer leur grand-mère est tel qu'il n'est pas dans leur intérêt d'y être contraintes ».

De même, il a pu être retenu également les déclarations d’un enfant qui  a indiqué au juge ne pas vouloir aller chez sa grand-mère à cause de son excessive curiosité sur les faits et gestes de la mère. : « peu compatible avec le respect de la place de la mère ».

Quelles sont les demandes les plus courantes ?

En pratique, les grands-parents sollicitent un droit de visite portant sur un week-end ou une journée par mois, outre une semaine ou deux pendant les vacances d’été, voir quelques jours répartis pendant les vacances scolaires.

Les modalités de transport peuvent être également examinées en cas d’éloignement important.

La demande peut-elle être rejetée par le juge ? Que dit la jurisprudence ?

Il ressort de la jurisprudence, que les juges écartent les demandes des grands-parents lorsque des « motifs graves » allant plus loin qu’une simple discorde sont prouvés.

Par exemple, il y a motifs graves lorsque « le climat de mesquinerie, d'agressivité et les comportements irresponsables de la grand-mère ne sont nullement propices au bon épanouissement psychologique des enfants ».

 La durée et la qualité des relations lorsqu’elles ont existées entre petits-enfants et grands-parents est un élément important. Une Cour d’appel a pu ainsi accorder un droit de visite sur un enfant de six ans en retenant que  « les relations difficiles entre les parties et leur conflit étaient relativement récents, la grand-mère paternelle ayant entretenu des relations régulières avec l'enfant pendant ses trois premières années ».

Le cas particulier des orphelins

Le cas des enfants orphelins fait également l’objet d’une appréciation particulière : des juges ont pu décider que  « les enfants, âgés de quatre et six ans, ayant perdu leur mère en 2006, le maintien des liens avec la branche maternelle est indispensable à leur équilibre et à leur développement harmonieux. Ce maintien doit prendre une forme élargie et renforcée ».

Toutefois, lorsque le conflit familial causé par la disparition d’un des parents est trop vif, il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant d’y être plongé. C’est le principe général de l’existence ou non de « motifs graves » qui est appliqué. Des juges ont pu décider récemment que le droit de visite des grands-parents maternels sur leur petit-fils de trois ans ne serait pas accordé dès lors qu'ils persistent à tenir ouvertement le père pour responsable du décès de leur fille.

Le cas particulier des enfants placés par un juge des enfants.

Merci de consulter l'article consacré à cette question sur ce site. 

Une demande en justice est-elle  indispensable ?

La logique veut qu'une demande en justice n’est formée qu’après l’échec des tentatives amiables par téléphone et courrier.

Il est possible de donner plus de chance à sa démarche en proposant une médiation par un tiers, soit une association, soit un avocat. 

Une demande de médiation salvatrice peut être sollicitée ou ordonnée d’office par le juge, avant de prise d’une décision finale. Dans ce cas, un médiateur spécialisé  en droit de la famille va intervenir et en cas d’accord entre les différentes parties, va proposer un accord qui pourra être homologué par le Juge dans un jugement, lui donnant force exécutoire.

Note de l'auteur : merci de me contacter par mail ou par téléphone pour toute demande d'intervention ou de consultation personnelle. Je ne peux pas vous répondre dans la rubrique "réactions". Bien cordialement Me Yaëlle GLIOTT NAOURI