Pas d'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude pour un salarié accidenté dont le licenciement économique est déclaré nul

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 08/12/2010 | Lu 9214 fois | 0 réaction

Le salarié déclaré inapte à deux reprises par la médecine du travail et pour lequel aucune possibilité de reclassement existe subira une procédure de licenciement pour inaptitude. Si l'inaptitude fait suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié licencié aura notamment droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale de licenciement. Mais si le salarié subit un licenciement économique durant son arrêt maladie et que ce licenciement est déclaré nul, peut-il exiger cette indemnité spéciale de licenciement qu'il n'a pas eu ?

24 jours après avoir été embauché en tant que pilote professionnel d'avion agricole, un salarié est victime d'un accident du travail alors qu'il effectuait une mission d'épandage aérien. 2 ans plus tard, le salarié est licencié pour raisons économiques alors que son contrat est suspendu suite à l'arrêt maladie. Le salarié saisit le conseil des prud'hommes en nullité du licenciement.

Les juges du fond constatent la nullité du licenciement effectué en violation de l'article L. 1226-9 du code du travail selon lequel "au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie". Il est ordonné à l'employeur de verser à ce titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice.

Toutefois, le salarié ne comprend pas pourquoi les juges n'ont pas condamné l'employeur à verser l'indemnité spéciale de licenciement prévu à l'article L. 1226-14 du code du travail qu'il aurait du avoir s'il avait été licencié pour inaptitude. Il forme alors un pourvoi devant la chambre sociale de la Cour de cassation qui, le 30 novembre dernier, a rejeté ses moyens en rappelant que "lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit d'une part aux indemnités de rupture et d'autre part à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise".

Cette décision est logique.

Il était tout d'abord évident que le licenciement économique d'un salarié dont le contrat est suspendu suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle soit considéré comme nulle s'il n'est pas prouvé par l'employeur l'impossibilité absolue de maintenir le salarié dans son poste. La chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé dans une affaire où une salarié en congé maternité avait été licenciée pour raisons économiques que le licenciement était nul pour ces mêmes raisons (ex : cass. soc. 25 octobre 2006).

Le refus de la Cour de cassation d'octroyer une indemnité spéciale de licenciement au titre de l'article L. 1226-14 du Code du travail se comprend tout aussi aisément. Cette indemnité spéciale n'a vocation à s'appliquer que dans la mesure où un salarié a été reconnu inapte par la médecine du travail et où une procédure de licenciement pour inaptitude, suite à impossibilité de reclassement, a été respectée. En l'espèce, le salarié qui a vécu l'accident de travail et qui a subi l'arrêt maladie qui s'en suit n'a pas bénéficié de visites médicales lui reconnaissant officiellement une inaptitude. Son contrat était suspendu et il était toujours potentiellement juridiquement apte à reprendre un jour son poste.

Cass. soc. 30 novembre 2010, n°09-66210, publié au bulletin