Parlement : pour la levée du voile intégral

Publié par Documentissime le 15/09/2010 | Lu 6803 fois | 1 réaction

Hier, le Sénat a adopté le projet de loi de Michèle Alliot-Marie sur l'interdiction du port du voile intégral et d'une manière générale sur la défense de dissimuler son visage dans l'espace public. Ainsi, si le projet de loi a été définitivement adopté par le Parlement, il existe néanmoins encore des embûches sur la route de sa promulgation définitive. En effet, devançant les prévisibles réactions de l'opinion publique, le Parlement a saisi le Conseil constitutionnel, qui dispose d'un mois pour se prononcer. Sa décision est redoutée par le gouvernement. Sans censure de la part du conseil constitutionnel, la loi devrait être promulguée à la mi-octobre.

Un projet de loi approuvé à la quasi unanimité par les sénateurs

Le projet de loi sur l’interdiction du port du voile intégral, dont la teneur n’était pas au goût du Conseil d’Etat, avait été présenté le 19 mai 2010 sur la table du Conseil des ministres, pour être adopté le 13 juillet 2010 par l’Assemblée nationale.

Avec 246 voix pour l’interdiction du voile et une contre, le Sénat a approuvé le texte à la quasi-unanimité des votants.

Toutefois, au sein des votants, la famille politique de droite était davantage représentée, de nombreux parlementaires de gauche n'ayant pas souhaité prendre part au scrutin.

Le projet de loi a été adopté conforme par les sénateurs, c’est-à-dire sans y apporter d’amendement.

Le projet d’interdire de façon absolue le port du voile intégral avait fait polémique pendant plusieurs mois, suite à l’annonce devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin 2009 de Nicolas Sarkozy en ces termes : « la burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République ».

Toutefois, la menace de censure du Conseil constitutionnel plane encore sur l’adoption et l’application du projet de loi d’interdiction du voile. Le groupe UMP à l’origine du projet était conscient qu’il devait lever toute incertitude sur la constitutionnalité de la loi.

Jean-François Copé ainsi que le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, avaient donc annoncé qu’ils saisiraient le Conseil Constitutionnel, une fois la loi adoptée par le Parlement.

Chose promise, chose due, le Conseil constitutionnel a aujourd’hui un mois pour se prononcer sur la constitutionnalité du projet.

L’épée de Damoclès du Conseil Constitutionnel est donc aujourd’hui une réalité pour l’avenir de l’interdiction du voile dans les lieux publics français. Le seul moyen pour le gouvernement de contourner une inconstitutionnalité serait de faire adopter le projet de loi par référendum.

Le principe posé par le projet de loi

Le principe est très général : « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». On comprend par espace public : la voie publique, « les lieux ouverts au public » (commerces, transports, parcs, cafés...) et les lieux « affectés à un service public » (mairies, écoles, hôpitaux...).

Le législateur a cependant prévu un certain nombre d’exceptions. Au nombre de cinq, on compte parmi elles :

  • les tenues prescrites ou autorisées par des dispositions législatives ou réglementaires (port du casque en moto),
  • les tenues portées pour des « raisons de santé » (masque respiratoire) ou pour « motifs professionnels » (masque de soudure),
  • les tenues destinées aux « pratiques sportives » (escrime)
  • les tenues de « fêtes », « manifestations artistiques » et « manifestations traditionnelles » (notamment religieuses).

Quant aux sanctions encourues, elles visent tant les contrevenantes que les personnes contraignant des femmes à porter le voile intégral.

Pour les premières, une amende de 150 euros est prévue, sanction à laquelle peut s'ajouter ou se substituer un stage de citoyenneté. Les femmes ainsi sanctionnées participeront à des sessions collectives, continues ou discontinues, au cours desquelles éducateurs ou associations « leur enseigneront ou leur rappelleront les valeurs de la République ».

Pour les personnes contraignant des femmes à porter le voile intégral, le texte crée un nouveau délit, celui de dissimulation forcée du visage, puni d'un an d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Il vise notamment les maris ou concubins obligeant leur compagne à porter le voile intégral. La peine est doublée lorsque la personne contrainte est mineure.

Cela étant dit, le gouvernement a affirmé son intention de faire appliquer cette loi en douceur.

C’est pourquoi, l’interdiction et la verbalisation ne s’appliqueront qu’après un délai de six mois « de médiation et de pédagogie », à la suite de la promulgation de la loi. Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai, que les PV de constatation d’infraction pourront être dressés. L’interdiction devra donc être pleinement applicable au printemps 2011