Modifications des conditions de travail ou du contrat de travail

Publié par Jean-pierre DA ROS le 24/07/2010 | Lu 7541 fois | 2 réactions

Selon les modifications apportées à vos attributions, tâches, fonctions, lieu de travail...ce sont ce qu'on appelle soit des modifications des conditions de travail, soit une modification du contrat de travail. Il faut savoir faire la différence afin de connaître ses droits en la matière...

Modification des attributions et des tâches

La modification des attributions et des tâches donne lieu à une jurisprudence qui tente d'être aussi précise que possible. Malheureusement, des incertitudes subsistent :

1/ Modification des fonctions et des tâches

La fonction est un élément de l'essence du contrat de travail, car le salarié est engagé pour occuper un emploi déterminé ou un poste d'une catégorie d'emploi déterminée (Cass. soc., 2 mai 2000, no 98-40.187 D, Semaine sociale Lamy, suppl. au no 992, p. 93, 31 juill. 2000). Toutefois, si l'altération des fonctions ou du volume des tâches affectant la nature de l'emploi constitue en général une modification du contrat (voir pour un VRP, auquel est retirée une partie de la collection qu'il représentait : Cass. soc., 5 déc. 2007, no 06-44.704), la variation des tâches à accomplir qui ne traduit qu'un simple aménagement des fonctions sans dénaturer l'emploi, est souvent un simple changement des conditions de travail. La Cour de cassation tente depuis quelques années de dégager un critère objectif.

Elle résout parfois la difficulté en tenant compte de l'initiative prise par l'employeur : s'il a proposé un avenant modificatif au salarié, c'est qu'il a nécessairement admis que les nouvelles tâches modifiaient le contrat(Cass. soc., 6 févr. 2008, no 06-42.285).

Mais ses applications pratiques ne sont pas aisées à classer.

2/ Principe : critère du rapport entre la tâche et la qualification dans le respect de la position hiérarchique.

Dans son dernier état, la Cour de cassation met en exergue le rapport entre la qualification du salarié et la tâche nouvellement dévolue, le tout dans le respect de la position hiérarchique de l'intéressé.

a) Relation tâche et qualification

Si la tâche nouvellement attribuée ne correspond pas à la qualification, la modification est en principe retenue (Cass. soc., 8 avr. 1998, no 95-43.442 ; Cass. soc., 8 janv. 1998, no 95-42.651, arrêt Flo Prestige, qui retient qu'un cuisinier chef de laboratoire affecté à un poste de cuisinier de brasserie, perd l'élément de recherche qui caractérisait ses anciennes fonctions, ce qui affecte sa qualification ; Cass. soc., 16 déc. 1998, no 96-41.845 qui souligne la modification des attributions ; Cass. soc., 2 févr. 1999, no 96-44.340 ; Cass. soc., 16 nov. 2004, no 02-45.775 à propos d'une vendeuse affectée dans un emploi administratif après avis d'inaptitude ; Cass. soc., 17 janv. 2006, no 04-40.965 à propos d'une dessinatrice-projeteuse qui se voit confier des tâches administratives de documentation technique ; Cass. soc., 27 févr. 2007, no 05-43.335 à propos du salarié d'une enseigne de bricolage affecté au rayon bois après plusieurs années au rayon sanitaire).

Le lien entre la tâche et la qualification est spécialement souligné par un arrêt à propos d'une ouvrière agricole occupée à la cueillette des citrons, qui a été affectée à l'engrainage des bananes. La Cour de cassation a décidé que cette nouvelle tâche correspondait à la qualification de la salariée et qu'il n'y avait donc pas modification du contrat (Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-45.673, Bull. civ. V, no 199). La même solution a été retenue à propos d'un fondé de pouvoir au sein du département de la direction des investissements, affecté à la direction gestion-départementale-vie des immeubles (Cass. soc., 10 oct. 2000, no 98-41.358, JSL 7 nov. 2000, no 67-2) ou encore pour le cadre d'une société de courtage d'assurances affecté à des fonctions commerciales après retrait de ses fonctions de fondé de pouvoir (Cass. soc., 26 oct. 2004, no 02-42.866 ; voir encore dans le même sens à propos d'une tâche différente relevant de la même qualification : Cass. soc., 24 avr. 2001, no 98-44.873, Bull. civ. V, no 128 ; Cass. soc., 8 mars 2006, no 05-41.028, no 684 F-D), ou pour l'attribution d'une tâche différente mais relevant de la définition contractuelle du poste prévue par la convention collective (Cass. soc., 25 mars 2009, no 07-45.266).

La qualification à prendre en considération n'est pas celle correspondant aux diplômes ou titres effectivement détenus par le salarié mais celle correspondant à l'emploi précédemment occupé ou à la qualification prévue par la convention collective. Elle doit par ailleurs s'apprécier au regard des fonctions réellement exercées par le salarié et non à partir des seules mentions du contrat de travail (Cass. soc., 17 janv. 2006, no 04-43.228 ; Cass. soc., 8 mars 2006, no 04-43.862, no 688 D). Ainsi constitue une modification la proposition qui a pour effet de transformer la qualification de chef de région en adjoint au chef de région (Cass. soc., 23 janv. 2001, no 99-40.129, Bull. civ. V, no 18). Si le risque de modification n'est pas à écarter lorsque les tâches se réduisent alors que la qualification n'est pas mise en cause (Cass. soc., 29 janv. 1997, no 94-40.025, Bull. civ. V, no 38 ; Cass. soc., 12 juill. 1999, no 97-41.532), la jurisprudence la plus récente retient que lorsque « les tâches confiées à la salariée, quoique différentes de celles antérieurement exercées, correspondaient à sa qualification conventionnelle », il n'y a pas de modification de son contrat (Cass. soc., 18 mai 2005, no 03-43.565, JSL 2005, no 174-36).

b) Maintien du niveau hiérarchique et incidence de la création d'un échelon intermédiaire

Le critère de la relation entre la tâche et la qualification est enrichi par celui du maintien du niveau hiérarchique : il ne faut pas que l'adjonction ou le retrait de tâches constitue en fait un déclassement (Cass. soc., 12 mai 1976, no 75-40.256 : journaliste politique devenu rédacteur sédentaire au niveau le plus bas de la classification ; Cass. soc., 25 nov. 1998, no 96-44.164 : retrait des responsabilités d'un cadre, bien que son coefficient ait été maintenu ; Cass. soc., 5 mai 2009, no 07-45.397 : chaudronnier chargé d'un atelier, replacé dans son ancien poste avec suppression de l'ensemble de ses responsabilités).

La Cour de cassation met l'accent sur ce point, en relevant que « le changement de poste du salarié ne modifiait pas son degré de subordination », et en ajoutant que son « niveau hiérarchique était conservé » (Cass. soc., 10 oct. 2000, no 98-41.358). Cet arrêt met en exergue deux aspects du maintien du niveau hiérarchique : l'aspect fonctionnel (les nouvelles fonctions sont du même niveau) et l'aspect organisationnel (le poste doit être au même degré dans la pyramide des emplois, par rapport à la hiérarchie). Ces précisions se confirment (Cass. soc., 10 avr. 2002, no 00-40.697 ; Cass. soc., 28 janv. 2005, no 03-40.639, Bull. civ. V, no 35, qui à propos d'un changement de secteur de développement caractérise la diminution du niveau de responsabilité).

Ce principe du maintien du niveau hiérarchique ne remet pas en cause la jurisprudence antérieure sur l'incidence de la création d'un échelon intermédiaire. Il a en effet été jugé que le seul changement de structures de l'entreprise, se traduisant par un rattachement hiérarchique nouveau, sans modification de l'emploi ni des attributions, ne pouvait constituer une modification du contrat (Cass. soc., 2 avr. 1984, no 82-40.923) ; un autre arrêt a décidé que la mise en place d'un échelon intermédiaire, justifié par l'expansion de l'entreprise, ne saurait être considérée comme un déclassement pour un cadre placé désormais sous la dépendance du titulaire de ce poste, dès lors que le cadre conserve sa qualification professionnelle, ses responsabilités antérieures et sa position hiérarchique au regard du personnel (Cass. soc., 5 oct. 1977, no 75-40.900, Cah. prud'h. 1978, p. 94 ; voir aussi : Cass. soc., 10 juin 1996, no 93-40.966, Bull. civ. V, no 278 ; Cass. soc., 5 mai 2009, no 07-44.898).

Selon un arrêt, la création d'un niveau intermédiaire n'est pas en soi une rétrogradation dès lors que l'ex-salarié conserve ses fonctions (en l'espèce, directeur artistique) et ses responsabilités, même s'il est appelé à les exercer sous la direction d'un nouveau supérieur (Cass. soc., 6 févr. 2008, no 06-45.863).

3/ Application du principe en cas de retrait de tâches ou de responsabilités

La Cour de cassation s'attache à la qualité des responsabilités pour apprécier le caractère de la modification : la réduction des responsabilités ne constitue pas une modification, dès lors que leur qualité est maintenue (Cass. soc., 20 févr. 1986, no 83-42.076, Bull. civ. V, no 31, p. 24) ou que l'intéressé a conservé l'essentiel de ses attributions, sa qualification et sa rémunération (Cass. soc., 27 janv. 2007, no 05-42.980).

Il a été jugé que le fait de demander au salarié, dans une circonstance exceptionnelle, de remplir une tâche d'un niveau inférieur à sa qualification ne constitue pas une modification pouvant justifier un refus ; ce refus rend le salarié passible d'une sanction disciplinaire (Cons. prud'h. Bourges, 5 août 1986, Jouanny c/ Sime Industrie Valeo, Cah. prud'h. 1987, p. 1). Toutefois, la portée de cette décision est relative : il convient de bien distinguer le « coup de main » occasionnel de l'exécution dans des conditions nouvelles (Cass. soc., 26 mai 1998, no 96-40.617).

Ainsi, constitue une modification du contrat de travail, le fait de retirer à un salarié certaines de ses responsabilités, son bureau personnel, ainsi que l'avantage en nature constitué par l'usage d'un véhicule de fonctions (Cass. soc., 12 juill. 1999, no 97-41.532) ou de lui retirer la responsabilité du remplacement régulier d'un membre du personnel de la direction ainsi que la prime y afférente (Cass. soc., 21 févr. 2007, no 04-47.682, no 274 P+B). Une solution du même ordre a été retenue par un arrêt à propos d'un emploi de cuisinier qui avait été proposé à la place d'un poste de chef de développement à la brasserie Flo (Cass. soc., 8 janv. 1998, no 95-42.651) et à propos d'un consultant-manager dont les nouvelles fonctions relevaient d'un niveau hiérarchique moins élevé de sorte qu'il se trouvait dépassé, voire commandé par des salariés dont il était auparavant l'égal (Cass. soc., 16 mai 2007, no 06-40.868).

De même, le fait de confiner systématiquement un salarié dans les attributions secondaires de son emploi constitue une modification du contrat de travail (Cass. soc., 19 juin 1980, no 78-41.415, Bull. civ. V, no 543). Caractérise également une modification le retrait de responsabilités tenant normalement à la fonction : ainsi en est-il du retrait des procurations bancaires à un directeur général (Cass. soc., 22 juill. 1986, no 83-45.418, Cah. prud'h. 1987, p. 25), du retrait des responsabilités dans les fonctions d'animation et de direction technique (Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-43.688 ; dans le même sens : Cass. soc., 29 juin 1994, no 91-40.202 ; Cass. soc., 16 déc. 1998, no 96-41.845) ou du retrait des fonctions de fondé de pouvoirs (Cass. soc., 26 oct. 2004, no 02-42.866).

Plus généralement, constitue une modification :

la réduction de l'emploi (d'un directeur adjoint à des tâches secondaires Cass. soc., 30 nov. 1983, no 81-41.737 ; Cass. soc., 29 janv. 1997, no 94-40.025, Bull. civ. V, no 38) ;

le retrait de procuration bancaire pour un directeur commercial (Cass. soc., 22 juill. 1986, no 83-45.418) ;

le déclassement (Cass. soc., 31 oct. 1996, no 93-46.365, Bull. civ. V, no 368). Equivaut à un déclassement professionnel le fait de modifier les attributions essentielles d'un cadre de responsabilité, en restreignant ses fonctions, tant sur le plan technique que sur le plan de la marche générale de l'entreprise (pouvoirs sur le personnel, rapports avec la clientèle), même si la rémunération est maintenue (Cass. soc., 17 mai 1979, no 77-41.784 ; Cass. soc., 22 mai 1979, no 78-40.052, Bull. civ. V, no 438 ; Cass. soc., 25 nov. 1998, no 96-44.164). Le fait d'imposer à un journaliste, occupant un poste de rédacteur politique, le transfert dans un poste de rédaction sédentaire, caractérise une modification du contrat, dans la mesure où la nature des fonctions et le niveau indiciaire sont différents, même si l'intéressé conserve ses avantages de classification et de salaire (Cass. soc., 12 mai 1976, no 75-40.256, Bull. civ. V, no 268). Mais il a été jugé qu'un changement de titre sans modification des fonctions, ni de position hiérarchique, ni de rémunération alors que le nouveau titre est plus conforme aux véritables attributions n'était pas un déclassement (Cass. soc., 27 nov. 1986, no 83-46.078). Est probablement assimilé au déclassement le retrait des responsabilités d'un conseiller en sécurité à la suite d'un échec à l'examen de conseiller des transports de matières dangereuses, et sa réaffectation comme agent de maîtrise (Cass. soc., 3 nov. 2005, no 03-47.628) ;

la rétrogradation disciplinaire, qui d'ailleurs, s'accompagne généralement d'une modification du salaire, et ne peut être imposée au salarié (Cass. soc., 15 juin 2000, no 98-43.400, Bull. civ. V, no 233, Semaine sociale Lamy, 3 juill. 2000, no 988, p. 10 ; Cass. soc., 16 déc. 2005, no 03-44.843, à propos d'une rétrogradation sous couvert de mise en œuvre d'une clause de mobilité).

4/ Application du principe en cas d'adjonction de tâches nouvelles

L'adjonction de tâches nouvelles en rapport avec la qualification n'est pas une modification du contrat (Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-45.673, Bull. civ. V, no 199 ; Cass. soc., 9 avr. 2002, no 99-45.155, à propos d'un coupeur de vêtements à qui il est demandé de prendre des mesures et de participer occasionnellement à la vente). Il en est également ainsi lorsque cette tâche consiste à initier un autre salarié (Cass. soc., 13 oct. 1982, no 80-41.231, Bull. civ. V, no 543).

En principe, le refus du salarié constitue une faute, car l'adjonction de tâches, sans dénaturation de la fonction, n'est qu'un changement des conditions de travail (Cass. soc., 10 oct. 2000, no 98-41.358, JSL 7 nov. 2000, no 67-2, précité). Il est même admis, parfois, qu'il s'agit de l'exécution pure et simple du contrat que le salarié ne peut refuser.

Un arrêt du 10 mai 1999 (Cass. soc., 10 mai 1999, no 97-41.497) est exemplaire, car il concerne un salarié protégé dont on sait qu'il ne peut se voir imposer ni modification du contrat, ni changement des conditions de travail (voir  no 1925  et Cass. soc., 6 avr. 1999, no 97-40.499, Bull. civ. V, no 159, JSL 18 mai 1999, no 36-5). Un solier-moquettiste avait refusé de nettoyer une bétonnière et prétendait qu'en lui demandant d'accomplir cette tâche, l'employeur avait modifié son contrat, ce qui équivalait à sa rupture. La Cour de cassation après avoir relevé que le nettoyage de la bétonnière entrait dans ses attributions, a retenu que l'employeur n'avait pas modifié le contrat de travail ni même changé les conditions de travail : il s'était borné à demander l'exécution du contrat et ne l'avait donc pas rompu. L'arrêt est intéressant à plus d'un titre et notamment parce qu'il considère que demander à un salarié d'exécuter des tâches non habituelles, mais entrant dans ses attributions, ne constitue ni une modification du contrat, ni un changement des conditions de travail : il s'agit simplement d'exiger du salarié qu'il exécute son contrat de travail. Ce rappel permet d'expliquer que le refus du salarié puisse s'analyser en une faute grave dans ce cas.

L'adjonction de nouvelles tâches matérielles qui modifient la nature des fonctions, constitue, en revanche, une modification du contrat de travail : adjonction au travail d'un chauffeur du chargement et de l'entretien courant du véhicule (Cass. soc., 25 mai 1982, no 79-41.995), l'adjonction de tâches administratives complémentaires de documentation technique à une dessinatrice-projeteuse (Cass. soc., 17 janv. 2006, no 04-40.965). Il semble que la modification du contrat puisse aussi résulter d'une aggravation des sujétions professionnelles du salarié, caractérisant un renforcement du lien de subordination juridique au sens de l'arrêt du 10 octobre 2000 précité. En effet, la Cour de cassation a laissé entendre que l'obligation faite à un ambulancier d'utiliser un téléphone mobile, s'accompagnant d'un accroissement des responsabilités, pouvait constituer une modification du contrat de travail (Cass. soc., 2 févr. 2000, no 98-40.176, JSL 4 avr. 2000, no 55-8).

Remarques

La modification, si elle est constituée, doit être acceptée par le salarié. Par ailleurs, l'employeur doit, le cas échéant, respecter les règles statutaires : ainsi l'inobservation des règles statutaires à la SNCF dans la décision de changement de fonction d'un agent est une modification qui, intervenue sans l'accord du salarié, justifie son rétablissement dans son poste ou un poste similaire.

5/ Application du principe au changement d'affectation : la modification de l'économie fonctionnelle du contrat

A un emploi donné peuvent correspondre des affectations différentes.

Un changement d'affectation dans l'emploi qui maintient au salarié sa qualification et sa rémunération ne caractérise en général pas une modification du contrat : « Qu'en statuant ainsi après avoir dit que la nouvelle affectation de T... n'entraînait ni rétrogradation ni diminution de son salaire et de ses avantages ― qu'il aurait rempli les mêmes fonctions que précédemment, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas eu de modification substantielle de son contrat de travail et que la seule précipitation avec laquelle l'employeur l'avait décidée ne suffisait pas à rendre la rupture imputable à celui-ci » (Cass. soc., 20 juill. 1982, no 80-41.890, Bull. civ. V, no 484 ; Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-45.673, Bull. civ. V, no 199 ; Cass. soc., 15 mai 2002, no 99-45.910, à propos du chef de service d'une CRCAM, nommé chargé de mission auprès de la direction financière).

6/ Tel n'est pas le cas d'un changement d'affectation

qui a pour effet de faire perdre au salarié sa place dans la hiérarchie de l'entreprise (Cass. soc., 3 nov. 2005, no 03-47.628) ;

qui, sans affecter la rémunération, met en cause « l'économie fonctionnelle du contrat de travail » (Cass. soc., 7 juin 2006, no 04-44.815). Sous cette dénomination originale, la Cour de cassation sanctionne la modification qui, sous couvert d'un aménagement des tâches, se traduit par un véritable changement de fonctions accompagné d'une perte d'avantages matériels (voiture et téléphone portable).

Le refus du salarié d'accomplir le travail relevant de son affectation constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 2 oct. 1985, no 83-44.561 ; Cass. soc., 15 mai 2002, précité) et peut même caractériser une faute grave (Cass. soc., 19 juin 1985, no 84-43.326).

En revanche, un salarié est fondé à refuser un changement d'affectation qui a pour effet de lui retirer l'ensemble de ses responsabilités.

Le changement d'affectation peut donner lieu au transfert du salarié dans une filiale ou dans une firme liée à l'employeur par des accords. Dans ce cas plusieurs solutions sont envisageables :

si le transfert du salarié s'inscrit dans le cadre de la mobilité au sein du groupe et résulte d'une clause du contrat de travail, l'hésitation était permise. Mais la Cour de cassation s'est prononcée : elle estime que la clause de mobilité par laquelle le salarié s'engage à accepter toute mutation dans une autre société, même si elle appartient au même groupe ou à la même unité économique et sociale, est nulle (Cass. soc., 23 sept. 2009, no 07-44.200, JSL 2009, no 265-3) ;

si le transfert du salarié intervient en l'absence de clause de mobilité, sa validité est subordonnée à l'accord du salarié car il s'agit d'une modification du contrat de travail. Un arrêt avait estimé que le changement d'affectation dans le cadre d'une UES ne constituait pas une telle modification (Cass. soc., 9 mai 2001, no 99-40.840, Bull. civ. V, no 154) ; mais la Cour de cassation a ensuite décidé que la mutation dans une filiale est une modification du contrat, même si les sociétés ont le même dirigeant (Cass. soc., 5 mai 2004, no 02-42.580, Bull. civ. V, no 120 ; voir déjà : Cass. soc., 28 mars 2000, no 97-44.410, JSL 2000, no 58-10). Cette appréciation est confirmée par une autre décision, certes rendue à propos d'un salarié protégé, qui décide que le transfert imposé à un tel salarié sans autorisation administrative, constitue un licenciement prononcé en violation du statut protecteur (Cass. soc., 27 oct. 2004, no 03-40.139) et par l'arrêt du 23 septembre 2009 précité. Encore faut-il réserver le cas du salarié provisoirement détaché ou mis à disposition ;

la mise à disposition du personnel n'est pas en soi une modification du contrat (Cass. soc., 1er avr. 2003, no 02-14.680, Bull. civ. V, no 128 ; Cass. soc., 5 mai 2004 précité). En l'espèce, la Croix-Rouge, qui gérait un établissement hospitalier dans une commune où existait un hôpital public, avait mis en œuvre avec celui-ci un projet d'établissement unique en instituant un syndicat interhospitalier regroupant les deux centres. Le personnel de la Croix-Rouge mis à la disposition de ce syndicat continuant à dépendre de son employeur initial quant à ses droits, ses rémunérations, la gestion des carrières et des emplois, la Cour de cassation en déduit que les contrats de travail n'ont pas été modifiés (voir aussi dans le même sens : Cass. soc., 15 mars 2005, no 03-41.371, Bull. civ. V, no 88).

Il résulte d'une jurisprudence que lorsque le transfert du salarié est possible, le refus exprimé par ce dernier peut justifier son licenciement (Cass. soc., 18 nov. 1998, no 95-43.132) et qu'en revanche, si le transfert le prive de la convention collective expressément prévue au contrat de travail, il y a modification de ce contrat (Cass. soc., 2 déc. 1998, no 96-45.187, JSL 16 févr. 1999, no 30-10). Mais avec la restriction apportée par l'arrêt du 23 septembre 2009, cette jurisprudence ne paraît plus être d'actualité ; toutefois, si le salarié donne son accord à la modification sans connaître l'étendue des conséquences auxquelles il s'expose dans l'autre entreprise, la validité de l'accord peut être mise en cause.

Jean-Pierre DA ROS

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