Licenciement d'un salarié malade et nécessité de son remplacement total et définitif

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 04/02/2011 | Lu 8091 fois | 0 réaction

La gestion de l'arrêt maladie est une branche des ressources humaines qui pose son lot de complications pour tous les services RH. L'absence prolongée ou l'absence répétée pour arrêt maladie est une problématique particulièrement épineuse qu'il faut apprendre à gérer et la tentation est grande de se séparer du salarié absent pour maladie en évoquant une perturbation du service. Toutefois, le licenciement d'une personne absente pour maladie répond à des conditions strictes qu'est venue rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation le 26 janvier dernier.

En octobre 2006, la directrice salariée d'un magasin de vêtements et de chaussures pour enfants est placée en arrêt de travail pour maladie. Six mois plus tard, la direction de la chaine de magasin décide de la licencier suite à la désorganisation de l'exploitation du fonds de commerce que l'absence provoquerait. En effet, bien que des solutions temporaires ont été mises en place en interne, il leur a fallu nommer une nouvelle vendeuse comme directrice qui fut remplacée temporairement par une autre vendeuse, puis recruter une autre salariée au poste de vendeuse à temps partiel d'abord temporairement puis définitiviement.

En justice, les juges du fond déboutent la partie demanderesse de sa contestation du licenciement. Ils relèvent, en effet, que "son absence depuis presque six mois de l'entreprise et l'ignorance de la date à laquelle la salariée devait reprendre son activité désorganisaient l'exploitation du fonds de commerce", dès lors le licenciement s'en trouvait parfaitement justifié.

L'ancienne directrice licenciée saisit alors la chambre sociale de la Cour de cassation. Les magistrats vont casser la décision rendu en appel et faire droit à la demande de l'ancienne directrice dans la mesure où "en se déterminant ainsi, sans vérifier si le recrutement de la salariée à temps partiel pour occuper le poste laissé vacant était de nature à caractériser un remplacement total et définitif de la salariée mutée en interne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

Pour que le licenciement d'un salarié dont l'absence pour maladie soit possible (la maladie en soi n'est pas et ne doit pas être une cause de licenciement), il faut invoquer deux éléments fondamentaux :

- la désorganisation du service. En l'occurence ici la désorganisation de l'exploitation du fonds de commerce. Au regard de la qualité de directrice du salarié absent, cela peut se défendre.

- La nécessité d'un remplacement total et définitif du salarié absent. En l'espèce, une solution interne a été trouvée. La personne recrutée en CDD d'abord, puis en CDi à temps partiel, ensuite, l'a été a priori afin de remplacer la salariée qui a pris le poste de direction. Toutefois, comme le fait remarquer la Cour de cassation dans l'affaire qui nous intéresse, les juges du fond n'ont pas recherché et précisé si concrètement le recrutement à temps partiel de la salariée a pour objet et pour effet de remplacer définitivement la personne qui a pris la place de la directrice licenciée. Sans cette recherche et cette constatation, il n'est pas possible de valider le licenciement de la directrice absente pour arrêt maladie même si cela provoquait la désorganisation du service. En effet, la personne recrutée ne l'est que pour un temps partiel, alors que la direction, objet du litige, relevait d'un temps plein.

Cass. Soc. 26 janvier 2011, n°09-67073, publié au bulletin