Le fichier national des empreintes genetiques (fnaeg) et la loi

Publié par Sabine HADDAD le 29/11/2010 | Lu 9283 fois | 0 réaction

Parmi les nombreux autres fichiers qui emprisonnent des données sur l'identité de la personne, le fichier National des Empreintes Génétique ou FNAEG créé en 1998 avait pour vocation initiale de centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques et de viser les pédophiles et de recenser l'ADN (L'acide désoxyribonucléique=molécule dans les cellules ) des condamnés définitifs pour des infractions sexuelles. Ce fichier a été étendu en 2001 et 2003 à de nombreux autres crimes et délits définis à l'article 706-55 du CPP , si bien que la police relève systématiquement l'ADN de toutes les personnes en garde à vue, alors qu'en réalité une personne non condamnée à titre définitif est présumée innocente. Le prélèvement se fera par frottement de l'intérieur de la joue avec une languette de bois. Les articles 706-54 al 1 et suivants du code de procédure pénale l'envisagent. Le refus de s'y soumettre ,même s'il n'est pas fréquent ( environ 10%) reste sanctionné par l'article 706-56 CPP à'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. La question qui se pose est de savoir si ce type de prélèvement est abusif et porte une réelle atteinte à la personne.Le conseil constitutionnel est intervenu sur cette question le 16 septembre 2010...

I- Le paradoxe légal en opposition au fichage ADN avant la saisine du conseil constitutionnel

ll appert pourtant que ce type de prélèvement en tant que tel constitue une atteinte à la vie privée,aux droits de l'homme.

Il doit être de ce fait très encadré et tout abus de pouvoir, ou discrimination devrait être sanctionné.

A) Une liberté constitutionnelle

La liberté individuelle est une garantie constitutionnelle, que doit respecter le  juge  gardien desdites libertés ( article 66 de la constitution)

B) Une protection Internationale

article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.


2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

C) Une protection dans le droit national

1°- Les  textes

article 9 du code civil : droit au respect de la vie privée

Chacun a droit au respect de sa vie privée.Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

La protection de la vie privée englobe en effet à la fois la vie personnelle ,famliale, sentimentale, conjugale, le domicile.

Ce droit  est reconnu a toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes et à venir "toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée 1ère Civ, 23 octobre 1990, Bull. n° 222

Article 16-1  du code civil: droit au respect du corps humain inviolable
 

Chacun a droit au respect de son corps.

Le corps humain est inviolable.

Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.

Article 16-3 du code civil: la necessité du consentement

Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui.

Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir.

Rappel: les articles 226-1 et suivants du code pénal sanctionnent la violation de la vie privée

2°- Le controle du fichier par un magistrat, qui doit veiller au respect de  la liberté individuelle et sanctionner les abus.

Ces abus passent par le refus justifié pour motifs légitimes de s'y soumettre, mais aussi par le défichage de la personne.C'est ce que nous examinerons prochainement.

Le juge des libertés et de la détention veillera.

D) Un délit continu très mal perçu justifiant le "harcèlement" du procureur de la république.

Refuser de donner son ADN est un « délit continu » si bien qu'une personne , nouvellement convoquée qui refuse le prélèvement, peut se voir poursuivie pour chaque refus  et sera susceptible d'une condamnation du délit en récidive.

II Les empreintes  génétiques et la jurisprudence des hautes juridictions

A) La cour Européenne des droits de l’Homme : CEHD  4 décembre 2008, S et MARPER/Royaume Uni

a statué sur une requête  d’effacement des données personnelles (empreintes digitales, échantillons et profils ADN) de deux citoyens britanniques, conservées dans les banques des données de la police.

La conservation illimitée des données de personnes non condamnées est reconnue comme une violation du droit à la protection de la vie privée.

Cet arrêt est essentiel, car il  vient fixer  des limites à la « simple conservation » des données privées.

Des  durées "raisonnables" devront être envisagées.

Le FNAEG permet de conserver les informations pour une durée de  40 ans pour les personnes condamnés et 25 ans pour les personnes mises en cause

B)     Le Conseil Constitutionnel : décision du 16 septembre 2010 (2010-25 QPC)

Saisi le 17 juin 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12071 du 11 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans sa décision sur l’examen  des dispositions  ayant institué le FNAEG : article 706-55 du CPP et articles  706-54 et706-56 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, le conseil constitutionnel les a jugés, conformes à la Constitution).

Les dispositions ne portent pas atteinte au principe de la « rigueur nécessaire » de l’article  9 de la déclaration des droits de l’Homme, sous deux réserves concernant l’ application des dispositions.

1)  La liste des infractions doit être strictement limitée à certains crimes et délits définis par l’article 706-55 du code de procédure pénale (crimes sexuels ou crimes de sang principalement), les simples contraventions ou les délits non spécifiés dans cet article ne pouvant conduire à un prélèvement.

L’expression « crime ou délit » employée par le législateur ( article 706-54 CPP  sur le (prélèvement aux fins de rapprochement avec les données du fichier)  doit être comprise comme renvoyant à une liste limitative d’infractions figurant dans l’article suivant du code de procédure pénale, également soumis au contrôle du Conseil (cons. 19).

2)  La  durée de conservation des empreintes doit être fixée par décret : pouvant aujourd’hui aller jusqu’à 40 ans pour un condamné et 25 ans pour un suspect, cette durée devrait désormais être proportionnée à la nature et à la gravité des infractions et s’adapter aux spécificités de la délinquance des mineurs.

Il appartient donc au pouvoir réglementaire, de préciser notamment la durée de conservation des informations enregistrées, de « proportionner » cette durée, « compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de la délinquance des mineurs » (co

Je m'interrogerai maintenant , sur les possibilités de refuser le prélèvement ADN, ou postérieurement de demander son effacement du fichier.


Le refus de s'y soumettre, même s'il n'est pas fréquent ( environ 10%) reste sanctionné par l'article 706-56 CPP à'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
En réalité, les tribunaux prononceront des peines bien moindre de l'ordre de 500 euros d'amende !

 

III- Les situations rendant possibles le prélèvement

L'article 706-54 al 1 du code de procédure pénale permet de reccueillir les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables de l'une des infractions mentionnéesà l'article 706-55 du CPP ( cité à la fin de l'article)

L'article 706-54  al 2 envisage

la possibilité de prise des empreintes génétiques ou d'un raaprochement avec des empreintes inscrites au fichier concernant les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 sur décision d'un officier de police judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction ; il est fait mention de cette décision au dossier de la procédure....

Le fichier  contient aussi les empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition ... ainsi que les empreintes génétiques correspondant ou susceptibles de correspondre aux personnes décédées ou recherchées."

L’article R 53-21 du code de procédure pénale, envisage le fait que le prélèvement ADN des personnes condamnées doit être effectué dans un délai d’un an après l’exécution de leur condamnation.

Forte de ces textes: l'inscription supposera:

1) une personne déclarée coupable d'une infraction visée à l'article 706-55 CPP et dans ce cas, le prélèvement devra se faire dans l'année après exécution de la condamnation, s'il n'a pas été opéré jusque là.

2) une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable le fait qu'elle ait commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 avec un rapprochement des empreintes avec le fichier.

3) une procédure de recherche des causes de mort ou de disparition.

IV-  A contrario, les refus pour motifs légitimes, justificatifs d'une relaxe

A) Le refus justifié en cas de dépassement du délai de un an, à compter de l'exécution d'une peine.

L’article R 53-21 du code de procédure pénale, envisage le fait que le prélèvement ADN des personnes condamnées doit être effectué dans un délai d’un an après l’exécution de leur condamnation.

C'est ce qu'a rappelé Crim 10 juin 2009, pourvoi N° 08-87615

en rejetant le pourvoi.

-- Le délai d’un an court à compter de l’exécution de la peine et non de la condamnation.

(en cas  de sursis, la date de la condamnation et la date de l’exécution se confondent.)

en cas d'amende, de TIG ou de peine de prison ferme sans arrestation à la barre, la date de l’exécution de la peine peut être postérieure à la date où la condamnation est devenue définitive)

Dans le cas d’espèce  la réquisition était hors délai. 

B) Le refus justifié si la demande de prélèvement vise une infraction non envisagée par la loi dans le fichier FNAEG article 706-55 du CPP

Ce texte a été rappelé in extenso en fin d'article.

--exemple les infractions liées aux stupéfiants,

-- Le délit de destruction d'OGM ( maïs transgénique) sur lequel la jurisprudence a pas mal statué réprimé par l'article 7 de la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 (Code rural, article L. 671-15),iinfraction non  insérée dans l'article 706-55 du CPP .

Dans ce cadre, le Tribunal Correctionnel de Bordeaux le 28 octobre 2010 a relaxé un prévenu H.Georges poursuivi pour refus de prélèvement ADN  qui a fait suite à sa condamnation pour avoir participé  à l'action anti-OGM. en 2009 et avait ensuite refusé de payer une amende de 300 euros dans le cadre d’une procédure de « plaider coupable ».

Les deux  motifs visent ;
- le fait  destruction de maïs transgénique est réprimée par une incrimination spécifique,

-  l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Dans le même sens,Crim 22 juin 2010, pourvoi N° 10-80957

La Cour d'Appel de Caen 11 janvier 2010 a confirmé un jugement  de première instance sur la base de l'article 1er de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et relaxé les deux militants locaux et faucheurs volontaires d'OGM du sud Manche.

C) Le refus justifié en l'absence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la commission de l’infraction qualifiée crime ou délit.

Ce point sera soumis à appréciation des tribunaux.

Crim 2 septembre 2009, N° de pourvoi: 08-87616

L’article 706-54  al 2 du Code de procédure pénale impose, pour la conservation dans le fichier de l’empreinte génétique de personnes suspectées des crimes ou délits énumérés à l’article 706-55, qu’existent à l’encontre de celles-ci « des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la commission de l’infraction ».

Conclusion: Dans ces situations, toutes personnes poursuivies pourront contester les faits.

Toutes personnes déjà fichées pourraient demander leur désinscription du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques au procureur de la république, puis, en cas de refus au juge des libertés et de la détention (avec appel possible devant le président de la chambre de l'instruction).

Le ministère de la justice a mis en ligne sur son site www.justice.gouv.fr, rubrique « Services-Formulaires- Pour les particuliers », des formulaires de demande d’effacement d’un signalement au FNAEG.

Ces recours sont essentiels quand on sait que les données FNAEG seront conservées, donc tout abus de pouvoir y compris doit être surveillé.

40 ans pour les personnes définitivement condamnées, les personnes décédées, les personnes disparues et les traces,

25 ans pour les personnes mises en cause, sauf irresponsabilité pénale

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Sabine HADDAD

Avocate au barreau de Paris

PJ Liste des infractions visées

Article 706-55 Modifié pa la Loi N°2005-1550 du 12 décembre 2005
 

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes :

1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 du présent code ainsi que le délit prévu par l'article 222-32 du code pénal ;

2° Les crimes contre l'humanité et les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-34 à 222-40, 224-1 à 224-8, 225-4-1 à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225-12-1 à 225-12-3, 225-12-5 à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal ;

3° Les crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d'atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal

4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l'association de malfaiteurs prévus par les articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4, 442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal ;

5° Les délits prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du code de la défense ;

6° Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à 324-6 du code pénal.

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