Le devoir de mise en garde des etablissements de credit envers les cautions

Publié par Anthony BEM le 11/09/2010 | Lu 7962 fois | 0 réaction

À court d'arguments sur le terrain de la validité, de l'étendue, de la preuve ou encore de l'extinction du cautionnement, les cautions reprochent fréquemment aux créanciers d'avoir manqué à une obligation de mise en garde ou de renseignement sur l'évolution de la situation du débiteur garanti, afin d'obtenir, par compensation avec une créance de dommages et intérêts, un allégement ou même une décharge totale de leur obligation.

J'ai déjà rédigé un article sur ce blog concernant les moyens de défense des cautions appellées en paiement de leur engagement: http://legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/moyens-defense-caution-poursuivie-paiement-1210.htm

Par un arrêt du 19 novembre 2009 (N°: 07-21382), la première chambre civile de la Cour de cassation a précisé l'étendue et confirmé le principe de l'obligation de mise en garde d'un établissement de crédit envers la caution.

Ainsi, la jurisprudence distingue le devoir de mise en garde et le devoir d'éclairer ou de conseiller du banquier.

Le devoir de mise en garde, ayant pour objet les risques de l'opération ou la disproportion de l'engagement, ne s'exercerait qu'envers les seuls débiteurs profanes, qu'ils soient débiteurs principaux ou cautions.

Sont considérés comme débiteurs ou cautions "avertis" non seulement, et sauf circonstances exceptionnelles, les dirigeants de sociétés, mais toutes autres personnes, notamment les associés "impliqués" dans l'opération garantie.

Le devoir d'éclairer ou de conseiller bénéficierait à tous les débiteurs, profanes ou avertis

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 19 novembre 2009, la cour d'appel  avait, d'une part, condamné M. X. à payer à la société A. une certaine somme au titre du solde d'un prêt que cette dernière lui avait consenti. La cour avait, d'autre part, débouté l'emprunteur de sa demande de dommages intérêts pour manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde, en retenant que M. X. ne justifiait pas de ses revenus et charges lors de l'octroi du prêt, ne démontrait pas que le prêt ainsi accordé dépassait ses capacités de remboursement et n'établissait pas de la part de l'organisme de crédit un manquement à son devoir de conseil.

La Cour de cassation décide qu'en se déterminant ainsi, « sans préciser si M. X. était un emprunteur non averti et, dans l'affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel il était tenu à son égard lors de la conclusion du contrat, l'établissement de crédit justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt », la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

La cour a cassé et annulé l'arrêt d’appel, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de dommages intérêts pour manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde.

Cet arrêt rappelle une nouvelle fois la possibilité pour les cautions de mettre en jeu la responsabilité des dispensateurs de crédits que sont les banques et les établissements de crédits.

En effet, il s’avère en pratique que trop souvent les banquiers prêtent sans tenir compte de l’état d’ignorance ou de l’insolvabilité dans laquelle se trouve les clients-caution.

Il est donc légitime que les professionnels du crédit tirent les conséquences de leur manquement à leur obligation de bonne foi qui soutend toute relation contractuelle comme le rappelle les dispositions de l’article  1134 alinéa 1er du code civil.

Très récemment, le 22 juin 2010, la cour de cassation a sanctionné le banquier dispensateur de crédit ayant exigé le cautionnement d'un dirigeant social afin de garantir le remboursement de la dette en jugeant que:

"selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement ; qu'il en résulte que cette sanction, qui n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice, ne s'apprécie pas à la mesure de la disproportion ; qu'ayant retenu que l'engagement de la caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la cour d'appel a, à bon droit, rejeté la demande de la caisse" (Cass. Com., 22 juin 2010, n° 09-67.814)

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
14 rue du Pont Neuf - 75001 Paris
Tel / Fax : 01.40.26.25.01 – Email : abem@cabinetbem.com