La salariée enceinte ne doit pas être définitivement remplacée

Publié par Jean-pierre DA ROS le 22/09/2010 | Lu 6372 fois | 0 réaction

Le congé maternité ne doit pas servir à préparer le remplacement définitif de la salariée arrêtée. Ainsi l'employeur qui embauche sur le poste d'une femme enceinte et la licencie dès son retour dans l'entreprise viole la loi.

De la constatation médicale de l'état de grossesse à l'expiration d'un délai de 4 semaines à l'issue du congé maternité, la salariée est protégée contre le licenciement. Au-delà de cette période, le licenciement demeure nul s'il s'avère que l'employeur avait déjà procédé au remplacement définitif de la salariée pendant son absence, déclare la Cour.

Tout acte préparatoire au licenciement est interdit durant le congé maternité

L’interdiction de licencier une salariée durant son congé maternité ne vise pas uniquement la notification de la rupture. Elle s’étend plus largement, selon la Cour de cassation, statuant à la lumière du droit communautaire, à toute mesure préparatoire au licenciement. Cette précision inédite, issue d’un arrêt du 15 septembre, pourrait remettre en cause la pratique tolérée jusqu’à présent par les tribunaux, consistant à mener l’entretien préalable durant le congé, tout en repoussant la notification de la rupture à l’issue de la période protégée.

Protection légale

Le Code du travail institue un régime spécifique de protection des femmes enceintes contre le licenciement, en distinguant deux périodes (C. trav., art. L. 1225-4) :

– le congé maternité : aucun licenciement, quel qu’en soit le motif, ne peut être notifié ou prendre effet durant cette période de suspension du contrat de travail (protection absolue) ;

– la période précédant le début du congé ainsi que les quatre semaines suivant la fin de celui-ci : durant ces périodes, le licenciement ne peut être prononcé que sur la base d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat, sans lien avec la grossesse (protection relative).

Toute violation de ces règles entraîne la nullité du licenciement.

Modification de l’organigramme durant le congé maternité

L’affaire concerne une salariée en congé maternité du 15 août au 3 décembre 2005. Ayant repris ses fonctions le 2 janvier, après quatre semaines de congés payés, l’intéressée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement le 4 janvier, puis licenciée pour insuffisance professionnelle le 27 janvier.

De prime abord, on pouvait estimer que l’entreprise avait valablement suivi la procédure, la salariée n’étant plus protégée à aucun titre lors de l’entretien préalable. Le 27 janvier, son licenciement pouvait donc lui être notifié, sans que l’employeur ait à justifier d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat.

La salariée a pourtant invoqué la nullité de la rupture devant le conseil de prud’hommes, en faisant valoir que, durant son congé maternité, un salarié avait été engagé pour la remplacer, et ce à titre définitif, son nom à elle ayant d’ailleurs immédiatement disparu de l’organigramme de la société au profit de celui de son remplaçant. Pour la salariée, ce licenciement avait donc en réalité été préparé durant le congé, à une période où la loi interdit pourtant toute notification ou prise d’effet de la rupture.

La présence du nom du remplaçant dans l’organigramme devait-elle produire les mêmes effets qu’une rupture ? Non, avait estimé la cour d’appel d’Angers pour rejeter la demande. Mais la Cour de cassation est d’un tout autre avis.

Mesure préparatoire au licenciement prohibée

S’appuyant sur l’article 10 de la directive européenne n° 92/85 du 19 octobre 1992, « visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail », la Cour de cassation censure l’arrêt, en reprochant aux juges du fond de n’avoir pas vérifié « si l’engagement d’un salarié durant le congé maternité de l’intéressée n’avait pas eu pour objet de pourvoir à son remplacement définitif, de sorte qu’il caractérisait une mesure préparatoire au licenciement ».

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

– d’une part, toute mesure préparatoire au licenciement est interdite durant le congé maternité. On peut dès lors légitimement s’interroger sur le sort de la jurisprudence qui permettait jusqu’à présent à l’employeur, disposant de l’un des deux motifs de rupture autorisés par la loi, de mener l’entretien préalable au licenciement durant le congé maternité, à condition de notifier la rupture à l’issue de celui-ci (Cass. soc., 11 mai 1993, n° 89-45.857). Bien que l’arrêt concerne un licenciement pour insuffisance professionnelle, cette voie semble dorénavant irrémédiablement fermée à l’employeur, même s’il dispose d’un motif autorisé, l’entretien préalable étant la mesure préparatoire par excellence ;

– d’autre part, le remplacement à caractère définitif intervenant au cours du congé s’analyse en une mesure préparatoire prohibée, entraînant la nullité du licenciement prononcé ultérieurement, pour violation de la protection absolue.

Toute la difficulté pour la salariée sera de prouver, devant la cour d’appel de renvoi, que la personne a été engagée à titre définitif pour la remplacer, c’est-à-dire en CDI et uniquement pour occuper ses fonctions.

Cass. soc., 15 septembre 2010, n° 08-43.299 FS-PBR

www.wk-rh.fr/actualites/upload/cass-soc-08-43-299-15-septembre-2010.pdf