L'achat a deux d'un bien immobilier : les inconvenients de l'indivision

Publié par Anthony BEM le 11/09/2010 | Lu 8582 fois | 1 réaction

L'indivision est souvent assimilée à succession, or aujourd'hui le principal mode d'acquisition immobilière se place dans le cadre du régime légal de l'indivision. En effet, à côté des couples mariés, pacsés ou unis sous forme d'une SCI, les couples de concubins sont légions. Or, la première préoccupation de tout couple est de trouver un toit. Cependant, force est de constater que ni les notaires ni les banquiers prêteurs n'alertent leur clients sur les inconvénients de ce régime et les risques de conflits inhérent à ce mode d'acquisition.

Il y a indivision lorsqu’au moins deux personnes (les indivisaires) achètent ensemble un bien sur lequel elles auront les mêmes droits.

Une seule chose, le bien indivis, est l'objet de droits identiques exercés par plusieurs personnes, les indivisaires.

Appliquée à la propriété, l'indivision est donc un mode d'appropriation collective des biens.

Chaque indivisaire est propriétaire de l'ensemble du bien indivis, mais il ne l'est que "pour sa part et portion". Le droit de chaque indivisaire porte sur l'ensemble du bien indivis, et non sur une portion déterminée de la chose.

Dans le cadre d’un PACS, tout bien acheté est présumé indivis. À défaut de précision contraire dans le PACS, la loi présume une indivision égalitaire (50 % pour chaque partenaire).

La loi prévoit la possibilité de faire échec, dans la convention de PACS, à la règle de l’indivision par moitié en ce qui concerne les meubles meublants. Pour les autres biens, dont les immeubles, il faut que la mention d’un achat non indivis par moitié figure dans l’acte d’acquisition.

Chaque indivisaire est un propriétaire à part entière et dispose des droits liés à ce titre. "Chaque propriétaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires".

En contrepartie, chaque membre doit participer aux dépenses courantes ou exceptionnelles.

Si l’un des indivisaires use seul du bien, il doit verser une indemnité aux autres.

De même, les fruits et revenus de l’indivision (loyers,…) profitent à chaque indivisaire qui peut demander sa part des bénéfices sans attendre la fin de l’indivision.

L’inconvénient majeur de l’indivision est sa lourdeur de gestion.

En effet, toutes les décisions concernant le bien doivent être prises à l’unanimité.

Si les indivisaires n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente, l’un d’entre eux peut demander le partage judiciaire qui se fera proportionnellement aux fonds versés par chacun.

Autre inconvénient : la solidarité entre les indivisaires.

Si un d'entre eux ne paie pas les charges et les frais qui lui incombent, les créanciers peuvent se retourner contre n’importe lequel des autres indivisaires.

Après avoir posé un principe général prohibant la saisie de la quote-part indivise du débiteur à l'alinéa 2, l'article 815-17 du Code civil dispose, à l'alinéa 3, que les créanciers personnels d'un indivisaire “ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui”.

Et le même article de poursuivre : “Les coindivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur”.

Ce texte prévoit donc, d'abord et principalement, la possibilité pour les créanciers personnels d'un indivisaire d'intenter l'action en partage. Mais il admet aussi l'intervention du créancier au partage provoqué par le débiteur ainsi qu'un arrêt du cours de l'action en partage par les coindivisaires.

En outre, l’inconvénient majeur de l’acquisition indivise d’un bien est le caractère précaire de l'indivision qui se manifeste par le droit de tout indivisaire, reconnu à l'article 815 du Code civil, de demander le partage à tout moment.

La demande de partage du bien indivis par l’un obligera l’autre indivisaire soit à vendre le bien amiablement ou judiciairement (aux enchères), soit à racheter les parts de son co-indivisaire sortant.

Or, la sortie de l'indivision, qu'elle soit amiable ou judiciaire, est souvent synonyme de perte financière...

Ce droit de demander le partage est absolu, impératif et imprescriptible.

Le droit de demander le partage peut être qualifié d'absolu au sens qu'il est indépendant de toute volonté contraire qui prétendrait s'y opposer. Il s'impose, tout d'abord, aux coindivisaires, qui ne peuvent empêcher l'un d'entre eux de sortir de l'indivision, et cela quelle qu'en soit la raison.

Même si cette demande n'est motivée que par la seule intention de nuire aux coindivisaires, ces derniers ne peuvent s'y opposer : l'abus de droit est expressément écarté en la matière (CA Nancy, 16 nov. 1961).

Le droit de chaque indivisaire de demander le partage s'impose, ensuite, au juge lui-même. Dès lors qu'il est saisi d'une demande en partage par un indivisaire, le juge ne peut qu'ordonner le partage demandé.

Le droit de demander le partage est impératif au sens où l'on ne peut y déroger, sauf au moyen des conventions auxquelles l'article 815 in fine du Code civil fait référence.

Cela signifie que seul un acte juridique satisfaisant aux prescriptions des articles 1873-2 et suivants du Code civil pourra faire obstacle au droit de tout indivisaire de demander le partage.

Or cette convention ne pouvant excéder cinq ans, à l'expiration de ce délai, voire avant s'il y a de justes motifs, soit, si la convention a été conclue pour une durée indéterminée, à tout moment, l’un des coindivisaires pourra demander le partage du bien indivis.

Enfin, quel que soit le laps de temps écoulé depuis le début de l'indivision, tout indivisaire conserve toujours la possibilité de demander le partage.

En conclusion, l’acquisition en indivision d’un bien, outre qu’elle doit être organisée au travers d’une convention d’indivision ,suppose que son régime soit bien connu au préalable des futures coindivisaires au risque, à défaut, de devoir faire face à de longues et coûteuses procédures judiciaires le jour où l’un des coindivisaires décidera de partir et de recouvrer son du.

Je suis à votre disposition pour toute information complémentaire ou action.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
14 rue du Pont Neuf - 75001 Paris
Tel / Fax : 01.40.26.25.01 – Email : abem@cabinetbem.com