Tutelle ou curatelle et troubles de voisinage : sort du bail ?
Immobilier et logement
| Lu 11618 fois | 2 réactionsCURATELLE ET TUTELLE : PROTECTION DU LOGEMENT ET NUISANCES AUX TIERS
Le logement a toujours été considéré comme un point d’ancrage du majeur protégé dans la société, et à ce titre, comme justifiant une protection renforcée. La réforme de la tutelle consacre cette protection.
I. PROTECTION DU LOGEMENT, DES MEUBLES ET OBJETS PERSONNELS (C. civ. art. 426 et 459-2)
L'article 426 du Code civil réaffirme le principe de la protection du logement et des objets à caractère personnel de la personne vulnérable.
L'objectif poursuivi est de laisser à la disposition de la personne protégée son logement et les meubles dont il est garni, aussi longtemps qu'il est possible, c'est-à-dire tant que l'état de l'intéressé autorise son maintien ou son retour dans son domicile.
1. Personnes concernées
Le régime spécial édicté pour les actes relatifs au logement s'applique quel que soit le régime de protection mis en place (article 426 du Code civil).
2. Logement concerné : résidence principale et secondaire
Le nouvel article 426 du Code civil protège expressément non seulement la résidence principale du majeur protégé mais également sa résidence secondaire.
II. MISE A L’ECART DES REGLES PROTECTRICES DU LOGEMENT EN CAS D’ATTEINTE AUX TIERS
Rappelons que cette protection du logement ne joue qu'à l'égard de la personne chargée d'administrer les biens du majeur (MJPM, curateur, tuteur) et ne crée aucune insaisissabilité vis-à-vis des tiers.
De plus, le propriétaire d’un bien loué peut toujours résilier le contrat de bail en cas d’inexécution des obligations du majeur protégé locataire.
C’est ce que vient de rappeler la Cour d’appel de PARIS dans un arrêt du 8 décembre 2011 à propos de la résiliation du bail d’une personne sous curatelle renforcée.
1° Rappel des obligations du locataire
Conformément à l'article 7 b de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. Il en résulte que la méconnaissance de cette obligation doit être sanctionnée.
La personne protégée et son curateur, soutiennent que le logement d'une personne protégée doit être conservé aussi longtemps que cela est possible conformément à l'article 426 du code civil et qu'au surplus, depuis la décision rendue ,il n'existe aucune nouvelle plainte.
Le bailleur soutient que les faits sont caractérisés et justifient la résiliation du bail avec toutes ses conséquences et que l'article 426 du code civil est en l'espèce, inopérant.
2°Protection du logement inopérante au regard des droits des tiers
Le premier juge a justement constaté que les nombreuses attestations versées par le bailleur et même une pétition établissaient que la personne sous curatelle occasionnait de nombreux troubles de voisinage aux autres locataires et à la gardienne de l'immeuble tels que, à de nombreuses reprises, tant le jour que la nuit des hurlements et l'écoute de la musique très fort.
Il a également fait état de l'agressivité de ce dernier envers ses voisins (sonnettes arrachées, injures, frappe à toutes les portes).
Il a observé également que l'intervention de tiers tels que bailleur et la médiatrice de la ville de Paris n'avaient pas suffit à faire cesser les troubles et que dans ces conditions la législation relative au domicile de la personne protégée ne pouvait pas s'appliquer.
Cependant, les faits sus relatés qui sont avérés et circonstanciés ont été établis entre mai 2008 et octobre 2009 mais depuis l'audience devant le premier juge de novembre 2009 aucune autre plainte n'est versée par le bailleur.
En conséquence et pour ce motif uniquement, le jugement qui a résilié le bail et ordonné l’expulsion du locataire sous curatelle a été infirmé, car les troubles de voisinage n’avaient pas perduré.
A contrario, si ces nuisances avaient persisté, la Cour d’appel sous-entend qu’elle aurait confirmé la résiliation du bail et l’expulsion du locataire fauteur de trouble, fusse t’il sous curatelle renforcée.
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour