Oui, on peut enchainer les baux dérogatoires (mais pas n'importe comment)...

Publié par Michaël NEUMAN le 20/07/2012 - Dans le thème :

Immobilier et logement

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(Actualisation au 15 juillet 2014 : suite à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi « Pinel », cet article est actualisé ici)

On dit souvent que lorsque l'on s'aime, c'est pour la vie... Pourtant, dans notre société, magnifiée par l'état du Droit, les engagements perpétuels ne sont pas vraiment prisés...

Ainsi, dans un bail commercial, la relation bailleur-preneur est nécessairement limitée à neuf ans, faisant ainsi de la relation locative une sorte de mariage à durée déterminée, renouvelable si l'envie (voire la passion) est toujours là...

Mais, nombreux sont ceux plus enclins à verser dans le court terme. Pour eux, la loi a prévu une dérogation qui fait échapper le bail portant sur des locaux commerciaux non seulement à la durée novennale, mais également aux autres dispositions protectrices du statut des baux commerciaux (droit au renouvellement, plafonnement du loyer, etc...).

Ce bail, dit dérogatoire, est régi par l'article 145-5 du Code de commerce qui dispose, depuis la loi LME du 4 août 2008 :

"Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans."

Dans un bail commercial, on peut donc se "marier" pour une ou plusieurs courtes périodes, mais sans que la durée totale de ces unions ne dépasse deux ans. L'idée s'est donc rapidement diffusée dans le public que les baux dérogatoires étaient limitées à cette durée.

Une telle limite, qui n'est pas toujours souhaitée, ni par le preneur (I), ni par le bailleur (II), est en réalité fragilisée tant par la loi elle-même, que par la jurisprudence, qui a ouvert la porte à une sorte de bail indéfini, hors statut (III). Encore faut-il bien s'y prendre pour que cela fonctionne (IV), sans quoi les conséquences peuvent être particulièrement préjudiciables à la partie serait restée en mode "speed dating" (V).


I. La problématique du (doux) preneur

Mais à quoi pense donc le preneur, lorsqu'il contracte à court terme, alors que les dispositions relatives aux baux commerciaux lui délivrent des droits considérables et une pérennité de son activité sur un même lieu ?

En réalité, le preneur peut tout simplement avoir peur de s'engager pour la période minimale de 3 ans, à laquelle le statut des baux commerciaux l'astreint avant tout congé. Puis, se rendre compte que, finalement, son entreprise peut encore tenir, mais sans grande certitude... Une telle façon de concevoir les choses le poussera donc à accepter la précarité de son occupation, comme un moindre mal, et une prorogation éventuelle de cette situation en fonction des aléas de son commerce.

Egalement, le preneur peut vouloir s'essayer à différents types de commerces, sans certitude de poursuivre dans telle ou telle voie. On voit ainsi des entreprises qui passent de la téléphonie à un vidéo-club ou encore à la vente de fleurs, tout en restant dans les mêmes locaux !

Cela implique de privilégier la conclusion d'un bail de courte durée pour que le preneur puisse se désengager et conclure ensuite un nouveau contrat avec une nouvelle destination des lieux. Mais attention, la Cour de Cassation a récemment jugé que la seule modification de destination du commerce ne justifiait pas que des baux dérogatoires successifs puissent être conclus sans précaution.


II. La problématique du bailleur (sentimental)

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