En marche vers une réforme de la garde à vue en France

Publié par Documentissime le 01/06/2010 | Lu 6587 fois | 0 réaction

La Cour de Cassation a saisi, hier lundi 31 mai 2010, le Conseil constitutionnel sur la question de la conformité de la garde à vue française aux droits et libertés garantis par la Constitution. Les Sages auront 3 mois pour se prononcer. Le sujet a été soumis au Conseil Constitutionnel par le biais d'une vingtaine de « questions prioritaires de constitutionalité »(QPC). Ce mécanisme est en vigueur depuis le 1er mars 2010. De son côté, la Garde des Sceaux se dit consciente qu'une réforme de la procédure pénale sur ce point est nécessaire.

Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il été saisi ?

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de Cassation, sur la question de la conformité de la garde à vue française aux droits et libertés garantis par la Constitution. Un certain nombre de questions prioritaires de constitutionalité a été posé, questions relatives à trois points :

- les droits reconnus en garde à vue ;

- la présence de l'avocat lors de la garde à vue;

- les conditions de la garde à vue.

 

En effet, le mécanisme de la garde à vue est contesté en France. Actuellement, l’avocat ne peut voir son client qu’au début de la garde à vue et pour une durée de 30 minutes. Il n’a pas accès à son dossier. Ces règles varient cependant selon les infractions, conformément à la loi Perben II du 9 mars 2004. Ce premier entretien peut être reporté à 48 heures (proxénétisme, vol en bande organisée,…) ou 72 heures (terrorisme, trafic de stupéfiants,…).

 

La contestation d’un magistrat

 

Dans un contexte d’immobilité de la réforme des gardes à vue, un magistrat a, semble-t-il, devancé le législateur. En effet, en avril, le vice-Procureur de Grenoble, Christophe Vivet, a autorisé une avocate à assister son client lors d’un interrogatoire, suite à la prolongation de sa garde à vue. Une première qui a été félicitée par les avocats, et a relancé le débat concernant la présence de l’avocat lors de la garde à vue (Lire notre article).

 

Vers une réforme de la garde à vue

 

Désormais, les contribuables peuvent directement invoquer leurs droits auprès du conseil constitutionnel, lequel a 3 mois pour se prononcer. Si les Sages décident que le dispositif de la garde à vue française est contraire à la Constitution, cela entraînera l’abrogation de la loi et l’annulation de toutes les procédures de garde à vue en cours. Cette décision peut donc être lourde de conséquences et est, à ce titre, très attendue.

 

Au vu du mouvement de contestation croissant relatif à la garde à vue, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, est consciente de la nécessité de réformer le système français. D’autant plus que les règles actuelles de la garde à vue française ne semblent pas être en conformité avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).

La France risque une condamnation dans la mesure où la Cour européenne des droits de l’Homme exige l'accès à un avocat dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police et la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) prône le principe du procès équitable (article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme).

 

La Garde des Sceaux a souligné la semaine dernière l’importance de la réforme de la procédure pénale sur la question de la garde à vue. Cette réforme, toujours en cours d’élaboration, prévoirait un nouvel entretien à la 12ème heure, avec accès aux procès-verbaux d'audition, puis une présence de l'avocat aux auditions à la 24ème heure.

 

 

Question prioritaire de Constitutionnalité : Les Sages peuvent être sollicités depuis le 1er mars 2010

 

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par tout justiciable dans le cadre d’une contestation de la loi grâce à l’article 61-1 de la Constitution et la loi du 10 décembre 2009 précisant les conditions d’application de cet article. Par le biais du mécanisme des questions prioritaires de constitutionnalité, en vigueur depuis le 1er mars, toute personne peut contester une disposition législative qu’il estime contraire et attentatoire à ses droits et libertés garantis par la Constitution.

Cette requête devra avoir un caractère sérieux et passera d’abord par le filtre des juges du fond et de la Cour de Cassation avant d’être soumise au Conseil Constitutionnel. Deux décrets du 16 février 2010, l'un relatif aux règles de procédure et l'autre à la continuité de l'aide juridictionnelle, en précisent le déroulement.