38 euros pour un mendiant ou la politique de la main tendue anti-mendicité
Consommation et Concurrence
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Présentation :De plus en plus ,les sollicitations, dans les villes émanent d'enfants sur les chaussées, de personnes handicapées ou âgées, de femmes enceintes ou de mère portant un bébé dans leurs bras tendant la main, révèlent les maux de nos sociétés, mises à mal dans l'aide de leurs pauvres, voire parfois poussées à les cacher...
Après la prise d'un précédent arrêté contre les "comportements agressifs", la mairie de Marseille a pris le 17 octobre 2011 un arrêté contre l'encontre les comportements portant atteinte à l'ordre public", et les actes de mendicité dans toute le centre-ville. Ainsi, la sollicitation et la quête", la tranquillité et la commodité de passage sont interdits. De la même façon, la consommation d'alcool sur la voie publique est proscrite.
Une contravention de première classe de 38 euros par infraction relevée pourra être constatée: la classe !...On pourrait appeler cela la politique de la main tendue...
Cet arrêté est intéressant en ce qu'il vise un domaine très large et vient dans la lignée des arrêtés que l'on voit fleurir dans nos villes depuis 1993...
Reste à voir s'il sera censuré.
Faire payer les pauvres, alors que le problème est en amont, une façon de les isoler un peu plus dans nos villes...même s'il a pour visée la délinquance des roms...
I- Seule l'exploitation de la mendicité est réprimée par la loi..
De 1810 au 1 er mars 1994, le vagabondage de clochards, qui n'avaient ni domicile certain, ( nos SDF ),ni moyens de subsistance, ni métier habituel, ET la mendicité, la quête ou l'aumône, en vue d'un don charitable étaient des délits réprimés par les articles 277 à 281 ancien du code pénal.
Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal au début des années 1990, l'exercice de la mendicité ne constitue plus un délit.
Elle est tolérée en tant que telle sauf caractère menaçant ou violent, réprimés sous l'angle du délit spécifique d'extorsion par violence, menace de violences ou contrainte d'une remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque, prévu et réprimé par l'article 312-1 du code pénal. 7 ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende sont encourus.
Les actes de «mendicité agressive» correspondent dans notre code pénal au délit de demande de fonds sous contrainte. Ils peuvent être réalisés de façon individuelle ou collective.
La loi nº 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure art. 64 I 1º Journal Officiel du 19 mars 2003 a introduit dans le chapitre V du titre II du livre II du code pénal une section 2 ter intitulée " 'De l'exploitation de la mendicité" qui ne réprime désormais que cette dernière.
A) Le code Pénal
1°- La définition du délit
Article 225-12-5 du code pénal
L'exploitation de la mendicité est le fait par quiconque de quelque manière que ce soit :
1º D'organiser la mendicité d'autrui en vue d'en tirer profit ;
2º De tirer profit de la mendicité d'autrui, d'en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la mendicité ;
3º D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité, ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle mendie ou continue de le faire ;
4º D'embaucher, d'entraîner ou de détourner à des fins d'enrichissement personnel une personne en vue de la livrer à l'exercice d'un service moyennant un don sur la voie publique.
Est assimilé à l'exploitation de la mendicité le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en exerçant une influence de fait, permanente ou non, sur une ou plusieurs personnes se livrant à la mendicité ou en étant en relation habituelle avec cette ou ces dernières
2°- La répression du délit
Article 225-12-5 du code pénal
L'exploitation de la mendicité est punie de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 Euros
Article 225-12-6 du code pénal
L'exploitation de la mendicité est punie de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 Euros lorsqu'elle est commise :
1º A l'égard d'un mineur ;
2º A l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
3º A l'égard de plusieurs personnes ;
4º A l'égard d'une personne qui a été incitée à se livrer à la mendicité soit hors du territoire de la République, soit à son arrivée sur le territoire de la République ;
5º Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne qui mendie ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
6º Avec l'emploi de la contrainte, de violences ou de manoeuvres dolosives sur la personne se livrant à la mendicité, sur sa famille ou sur une personne étant en relation habituelle avec elle ;
7º Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, sans qu'elles constituent une bande organisée.
Article 225-12-7 du code pénal
L'exploitation de la mendicité d'autrui est punie de dix ans d'emprisonnement et de 1 500 000 Euros d'amende lorsqu'elle est commise en bande organisée.
B) Le Code du Travail
Article L 4741-8 du code du travail (ancien article L 261-3)
Le fait d'employer des mineurs à la mendicité habituelle, soit ouvertement, soit sous l'apparence d'une profession, est puni des peines prévues aux articles 225-12-6 et 227-29 du code pénal, lequel prévoit en particulier :
Les peines complémentaires suivantes :
1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille,
2° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
3° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
4° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la République ;
5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
6° L'interdiction, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ;
7° L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale
C) Le code général des collectivités territoriales et les pouvoirs de police du Maire
L'ordre public, le trouble à la sécurité ou à la tranquillité des personnes, sont des notions susceptibles de justifier la prise d'arrêtés préfectoraux d'interdiction, de règlements de police municipaux
En outre, l'apparition d'une forme d'industrie de la mendicité, n'hésitant pas à recruter des infirmes et des handicapés venus de l'est de l'Europe a incité certaines municipalités à durcir leur position.
Parallèlement, la mendicité dans «les trains, les cours ou bâtiments des gares et stations et, en général, dans toutes les dépendances du chemin de fer» reste prohibée.
Ce sont tous ces points que j'aborderai.
La mendicité sur la voie publique fait partie des pouvoirs de police du maire.
1°- nature des pouvoirs de police du maire
L'autorité administrative doit veiller au domaine public et au respect du principe d'égalité entre les utilisateurs du domaine public ; Elle peut ainsi édicter des mesures restrictives, au regard de la gêne occasionnée par ces sollicitations aux riverains, piétons, automobilistes, troublés, dont certains n'hésitent pas à déposer plaintes, surtout dans des villes touristiques, durant la période estivale pour protéger l'image touristique et faire respecter la tranquillité publique.
Les maires des communes disposent en vertu de l'article 2112-2 code général des collectivités territoriales de la possibilité de contrôler l'exercice de la mendicité dans leur commune en utilisant leurs pouvoirs de police administrative pour assurer ordre, sûreté, sécurité et salubrité publique.
Il s'agit de veiller à :
1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques ...
2° Réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;
3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ;
2°- Répression des règlements de police
La violation de ces mesures de police est réprimée par l'article R. 610-5 du code pénal,
« La violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe. »
C'est-à-dire par une amende dont le montant s'élève à 38 euros aux termes de l'article L 131-13-1°) du code pénal.
D) La mendicité dans les gares : Un pouvoir de police d'établissement du préfet fixé par la Loi.
La police des établissements de la SNCF demeure régie par la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ; article 24-1 et par le décret n° 730 du 22 mars 1942 modifié, portant règlement d'administration publique sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrés d'intérêt général et d'intérêt local ( (JO 23 août 1942).La mendicité est prohibée en vertu de l'article 85, même si la violation de cette interdiction, n'est pas assortie de sanction pénale.
L'ordre public et le pouvoir de police dans les gares SNCF est de la compétence du préfet ; Article 6 du décret du 22 mars 1942 modifié
II L'arrêté anti-mendicité: compromis entre liberté de circuler et protection de l'ordre public
A) Le réveil des villes dans la prévention et la sanction administrative
On reparle de ce problème depuis les années 1990, du fait de la prise d'arrêtés.
Publiés pour la plupart entre 1993 et 1996, ces arrêtés anti-vagabondage avaient provoqué un véritable tollé et ne sont pas de la meilleure image politiquement parlant. Ainsi, l'arrêté municipal anti-mendicité, pris par Nice à l'été 1996, a été jugé légal par le tribunal administratif, comme adapté aux circonstances de temps et de lieu.
Quelle est la dernière actualité ?
La ville de Marseille vient de viser dans son arrêté du 17 octobre 2011 les "sollicitation et quête", la "tranquillité et commodité de passage".
Cet arrêté est important car il est à la fois étendu et permanent sur tout le centre.
A Paris, l'arrêté interdisant la mendicité sur les Champs Elysées est effectif jusqu'au 6 janvier 2012 de 10 heures du matin à 22 heures entre la place Charles de Gaulle et le rond-point des Champs Elysées. « Cet arrêté concerne la mendicité et les formes qui y sont assimilées comme les fausses pétitions,
Le non-respect de cet arrêté est aussi puni d'une amende de première classe d'un montant de 38 euros et permettra à la police d'effectuer des contrôles d'identité et de prendre des mesures administratives.
À La Madeleine, dans le Nord, deux arrêtés municipaux d'août 2011 anti-mendicité ont été affichés à la mairie en français, avec deux versions traduites en roumain et en bulgare imprimées pour être distribuées à la population.
Le maire avait argué de ce qu'un "climat de tension" était créé par un camp de roms près de sa commune. Il avait aussi pris en parallèle un arrêté portant interdiction de fouiller les containers à poubelles, traduit aussi dans les deux langues.
Citons, l'arrêté N° 10-595 du maire de Nogent sur Marne du 9 septembre 2010 en vigueur le 15 septembre 2010 interdit la mendicité sur une partie importante du domaine communal, du lundi au samedi de 8 heures à 17 heures sur une période allant du 15 septembre 2010 au 30 avril 2010.
De nombreuses communes ont coutume de prendre un arrêté anti mendicité, anti vagabondage, de ce type à une certaine période principalement estivale : ex Chartres, Chalon, Boulogne, Périgueux, Metz, Quimper, Argenteuil, etc
L'arrêté du maire de Lourdes à effet du 8 juin au 30 octobre 2009 avait interdit « l'occupation abusive et prolongée des rues, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l'égard des passants, lorsqu'elle est de nature à entraver la libre circulation des personnes », et notamment à mobilité réduite, « ou bien de porter atteinte à la tranquillité et au bon ordre public, de même que la station assise ou allongée lorsqu'elle constitue une entrave à la circulation » et « le regroupement des chiens non tenus en laisse, même accompagnés de leurs maîtres a été interdit. »
Ou bien encore l'arrêté anti-mendicité pris par le maire de Nogent/Marne le 28 octobre 2009, révélé dans la presse quelques jours avant le réveillon de Noël !
B) La nécessite d'un bon compromis entre interdiction de troubler l'ordre public et la liberté d'aller et venir
Si les interdictions générales et absolues peuvent être jugées illégales, sauf circonstances exceptionnelles, la légalité des arrêtés municipaux d'interdiction de la mendicité est soumise aux mêmes conditions que les autres mesures de police administrative.
Le Tribunal administratif et le cas échéant la cour administrative d'appel vérifiera(ont) que la mesure n'était pas disproportionnée au regard du risque encouru.
C'est la notion de trouble à l'ordre public.
La mesure devra se concilier avec les autres principes et libertés publiques...
Le caractère très général et imprécis de l'arrêté municipal qui, en interdisant à toute personne de s'asseoir ou se coucher sur les trottoirs et les espaces publics, ne permet pas de distinguer les personnes qui portent atteinte à l'ordre public en se livrant notamment à une quête sauvage agressive et celles qui ne causent aucun trouble. Ces restrictions très générales de l'arrêté municipal pourraient paraître disproportionnées par rapport à l'objet de tranquillité publique poursuivi".
Il conviendra de rechercher s'il y a un risque, dans l'éventualité des troubles que pourra occasionner la mendicité ,de rechercher si ces attitudes présentent un degré de gravité tel que leur interdiction sur l'ensemble de lieux énumérés s'avèrera nécessaire ; sachant que proscrire de façon générale tous comportements constituerait une atteinte au droit d'aller et venir d'autrui.
Ainsi, l'arrêté d'un maire qui n'interdit les actes de mendicité que durant la période estivale, du mardi au dimanche, de 9 heures à 20 heures, et dans une zone limitée au centre-ville et aux abords de deux grandes surfaces, est une mesure d'interdiction légalement justifiée par les nécessités de l'ordre public.
CAA Bordeaux, 26 avril 1999, Commune de Tarbes, req n°97BX01773. a annulé un arrêté « dès lors que les troubles que pourraient occasionner les activités ou les attitudes des personnes errantes, ne sont ni graves ni certains et qu'il n'est pas indiqué les circonstances précises susceptibles de caractériser de tels comportements »
Voir aussi CAA Douai, 13 novembre 2008 n°08DA00756 LDH c/ Commune de Boulogne
Conseil d'Etat, 5ème et 7ème sous-sections réunies,9 juillet 2003, N°229618,
"un arrêté municipal interdisant la mendicité sur la voie publique à certaines heures et en certains lieux de la commune est ou non une mesure légalement justifiée par les nécessités de l'ordre public, une cour administrative d'appel se livre à une qualification juridique des faits »
La ligue des droits de l'homme, les diverses associations ne manquent pas de réagir fréquemment contre des abus à la liberté d'aller et venir, dans une société qui cache ses pauvres comme on cachait les lépreux au Moyen Age
Ainsi, la ligue des droits de l'homme a saisi le juge administratif pour faire annuler l'arrêté précité du 9 septembre 2010 du maire de Nogent/Marne, ou contester l'arrêté anti-mendicité et anti-fouille de poubelles pris par le maire de la Madeleine...
Force est de constater qu'aujourd'hui, le nombre d'exclus, de mains tendues en difficultés s'est accru.
Nos sociétés ont fort à faire, mais ce n'est pas en cachant ses pauvres ou en les sanctionnant inutilement qu'elle y parviendra.
La dignité d'hommes et de femmes, est en jeu.
Faire payer les pauvres, voilà une riche idée!
Rappelons aussi que l'exploitation heurte principalement la morale, surtout en présence de mineurs, vulnérables, en dangers, souvent déscolarisés en violation de l'obligation scolaire, suscitant une vive réaction à l'encontre des parents.
Cette attitude devrait orienter vers une soustraction de l'exercice de leur autorité parentale , une saisine des services de l'ASE, du juge des enfants.
L'article 227-17 du code pénal permettrait d'envisager des poursuites à l'encontre de parents qui ne rempliraient pas les obligations légales de protection et d'éducation à l'égard de leurs enfants ;
L'article 375 du code civil prévoit la saisine du juge des enfants en vue de l'obtention de "mesures d'assistance éducatives si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises ".
Maître HADDAD Sabine
Avocat au Barreau de Paris