CJCE : La redevance pour copie privée ne peut être supportée par les professionnels

Publié par Julie TROUPEL le 25/10/2010 | Lu 7012 fois | 0 réaction

Jeudi dernier, le 21 octobre 2010, la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE) a censuré la législation espagnole en matière de redevance pour copie privée applicable aux supports de reproduction, tels que les disques durs ou les clés USB. La CJCE a estimé que les coûts de redevance ne pouvaient être supportés par des professionnels, étant donné que le régime de la copie privée relève de l'utilisation de l'oeuvre protégée par des particuliers. L'Espagne et d'autres pays comme la France devront donc se mettre en conformité avec la législation européenne et appliquer aux seuls particuliers « la compensation équitable » en faveur de l'auteur.

Tout comme la SACD et la SACEM en France, la SGAE est l’un des organismes chargé de la gestion collective des droits de propriété intellectuelle en Espagne.

La société espagnole de gestion des droits d’auteur a assujetti la société ibérique « Padawan », qui commercialise des CD-R, CD-RW et DVD-R et MP3, au paiement de la redevance pour copie privée. La société « Padawan » s’est opposée au paiement de cette redevance au motif qu’elle n’est pas destinée à compenser l’auteur pour un usage professionnel et commercial de son œuvre, mais uniquement pour un usage privée.

La société « Padawan » a alors saisi la justice et a interjeté appel après que les juridictions espagnoles n’aient pas fait droit à sa demande. La Cour d’appel de Barcelone a alors décidé de surseoir à statuer et a saisi la CJCE d’une question préjudicielle relative à la notion de « compensation équitable » de l’auteur lors de l’exception de copie privée au droit de reproduction (Article 5 de la directive 2001/29/CE).

Le 21 octobre 2010 (Aff. n°C-467/08), la CJCE a répondu à la juridiction espagnole en estimant que « la compensation équitable » de l’auteur ne s’applique que pour les usages privés de son œuvre.

Ainsi appliquer une redevance pour copie privée aux professionnels n’est pas conforme au droit européen.

En l’espèce, la Cour d’appel a donc infirmé la décision de première instance et énoncé que la société « Padawan » n’était effectivement pas tenue au paiement de la redevance pour copie privée.

La directive de mai 2001 : source européenne en matière de copie privée

Selon cette directive, le droit exclusif de reproduction sur n’importe quel support appartient aux seuls auteurs, artistes interprètes et producteurs. Les uns étant bénéficiaires de droits d’auteur, les autres de droits voisins.

Cependant, cette directive prévoit l’exception de copie privée avec laquelle l’autorisation des auteurs, artistes interprètes et producteurs, pour la reproduction n’est pas nécessaire, moyennant une « compensation équitable » pour les titulaires de droit.

Les Etats membres peuvent ainsi autoriser la réalisation de copies privées, sans autorisation des auteurs, à la condition que ces derniers reçoivent une « compensation équitable », établie sous forme de redevance.

France : La commission sur la rémunération pour copie privée (L.311-5 Code de propriété intellectuelle)

La copie privée est une exception au droit d’auteur prévue par le Code de propriété intellectuelle. Ainsi l’article L122-5 du CPI dispose que : « Lorsque l'œuvre a été divulguée, […] l'auteur ne peut interdire : Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective […]. »

C’est donc bien pour un usage privé que l’exception a été prévue.

En France, une commission sur la rémunération pour copie privée a été instituée par l’article L.311-5 Code de propriété intellectuelle. Elle est chargée de déterminer les types de supports qui entrent dans le champ de la rémunération de l’auteur, le montant par type de support ainsi que les modalités de versement.

Pour la commission, le champ de la rémunération pour copie privée couvre tous les types de supports d’enregistrement qui peuvent être utilisés pour copier des œuvres à usage privé. Parmi ceux-ci, la commission définit les supports utilisés pour des pratiques de copie privée.

La commission a d’ailleurs élargi l’assiette de la rémunération en passant des supports analogiques aux supports numériques.

Depuis l’arrêt rendu par la CJCE, la commission française devra s’assurer que cette rémunération de l’auteur soit supportée uniquement par les personnes physiques ou morales à titre privé, et non pas professionnel ou commercial.