Affaires Bettencourt/Peugeot : Quelle sera la suite pour Eric Woerth ?

Publié par Documentissime le 28/06/2010 | Lu 6638 fois | 0 réaction

Après le rebondissement des enregistrements téléphoniques mettant en cause Florence Woerth dans l'affaire Bettencourt (voir nos précédents articles sur le sujet), voilà qu'Eric Woerth est soupçonné d'être impliqué dans une nouvelle affaire de fraude fiscale. Dans son édition du dimanche 27 juin, le Journal du dimanche a révélé que le Ministre du Travail aurait favorisé Robert Peugeot, de la famille du constructeur automobile, en lui épargnant un redressement fiscal. A l'annonce de ces révélations, l'intéressé a contesté toute faveur au profit de Robert Peugeot et s'est dit victime d'une opération politique. Cette position suffira-t-elle à sauver Eric Woerth si les faits sont avérés ? Quelles sont les conséquences de ces scandales en pleine réforme des retraites ?

De graves accusations

 

L’affaire Woerth avait commencé suite aux révélations du site Mediapart révélant l’existence d’enregistrements piratés. Ces bandes, remises à la police par la fille de Liliane Bettencourt, contenaient des conversations de Lilianne Bettencourt, notamment avec le gestionnaire de sa fortune, Patrice de Maistre, dans lequel il y était question d'évasion fiscale vers Singapour et les Seychelles. Florence Woerth, femme du ministre, travaillait sous les ordres de Patrice Maistre au sein de la société Clymène chargée de gérer une partie des actifs de Liliane Bettencourt, de quoi alimenter des soupçons de conflit d'intérêt avec son mari. Florence Woerth a annoncé qu'elle allait démissionner.

 

Derniers rebondissements hier lorsque le JDD a révélé qu'Eric Woerth et Robert Peugeot ont dîné ensemble juste après un cambriolage chez ce dernier le 5 décembre dernier à Paris, où avaient été volés des lingots d'or dans un coffre, ainsi que des pièces d'or et des montres de valeur. Le préjudice était estimé initialement à 500 000 euros, montant mentionné aux journalistes par la police, mais il est ensuite passé à 150 000 euros, ce qui pourrait avoir épargné à Robert Peugeot un redressement fiscal et une enquête sur l'origine de l'or, avance le JDD.

 

Les suites judiciaires possibles de l’affaire

 

Face aux allégations du Journal du Dimanche concernant la fraude fiscale de Robert Peugeot et la possible implication des époux Woerth dans l’Affaire Bettencourt, des interrogations planent quant à la responsabilité d’Eric Woerth : bien qu’au cœur des controverses, peut-il encore porter la réforme des retraites ? Quelles pourrait être l’issue des scandales qui entourent Eric Woerth ? Des sanctions politiques ou judiciaires pourraient-elles être prises à son encontre si les faits étaient avérés ?

 

Une révocation ?

La responsabilité politique d’Eric Woerth pourrait être engagée si une faute grave était reconnue, mais il faudrait pour cela que le gouvernement et le Président lui retirent leur confiance.

L’Assemblée Nationale ne pouvant engager la responsabilité du Gouvernement que collectivement, le Président, sur proposition du Premier ministre, est le seul à pourvoir révoquer un Ministre. Autrement dit, si Eric Woerth devait être révoqué et quitter ses fonctions de Ministre, ce serait uniquement sur décision de Nicolas Sarkozy.

Or, le ministre du Travail semble pour l’instant soutenu par la majorité, et particulièrement par Nicolas Sarkozy qui a indiqué maintenir « totalement et complètement » sa confiance à Eric Woerth lors d'une conférence de presse à Huntsville, dans l'Etat canadien de l'Ontario.

 

Dans l'édition du Monde datée de dimanche et lundi, Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, tenait le même langage en disant soutenir « absolument » Eric Woerth. Certains responsables de l'UMP reconnaissent cependant que le fait que François Fillon ait dû monter au créneau sur les retraites, vendredi 25 juin dans une conférence de presse à Matignon, « alors que ce n'était pas forcément prévu », est peut-être le signe d’un désaveu politique pour Eric Woerth.

 

Une démission ?

Autre solution, issue de la pratique, Eric Woerth pourrait remettre sa démission sur la demande du Président, comme l’avait fait le gouvernement Rocard en 1991. Une démission qui pourrait être un aveu de culpabilité ou constaterait simplement l’échec d’Eric Woerth à combattre les accusations portées à son encontre, et son impossibilité de continuer à conduire la politique qui lui avait été confiée.

Mais, pour l’heure, le Ministre ne semble pas enclin à se laisser faire : « Je suis une cible politique, on veut ralentir la réforme des retraites » scande Eric Woerth, actuel ministre du Travail.

 

Une responsabilité pénale ?

La responsabilité pénale d’Eric Woerth pourrait également être engagée si les faits qui lui sont reprochés dans le cadre des fraudes fiscales étaient avérés.

En tant que Ministre, les actes commis dans l’exercice de ses fonctions peuvent engager sa responsabilité devant la Cour de Justice de la République sur la requête d’un particulier. Les requêtes sont examinées par une commission composée de magistrats professionnels, et sont ensuite soit classées, soit transmises au procureur général près la Cour de Cassation pour saisir la Cour de justice de la République.

Celle-ci est composée de 12 parlementaires et de trois juges professionnels (magistrats du siège à la Cour de cassation), dont l’un d’eux préside la Cour.

 

Retraites: Woerth, l’embarrassant porte-parole

 

Les révélations du Journal du dimanche tombent au pire moment pour le Ministre, alors que les discussions sur la réforme restent très tendues. Près de 2 millions de manifestants ont participé jeudi 24 juin à la mobilisation contre la réforme des retraites, selon la CFDT et la CGT, et 800 000 selon le ministère de l'Intérieur.

Plusieurs personnalités au sein du gouvernement ont assuré être « à l'écoute » des inquiétudes des organisations syndicales et des manifestants. Tout en refusant néanmoins de modifier les points essentiels du projet.

 

Le mercredi 16 juin 2010, après plusieurs mois de discussion et d’affrontement, notamment sur la problématique de l’âge légal de départ à la retraite, Eric Woerth avait présenté son avant-projet de réforme des retraites. Malgré les critiques virulentes avancées par l’opposition et une partie de la population, le gouvernement ne change pas de cap et présentera, le 13 juillet 2010, son projet finalisé en Conseil des ministres.