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Revocation d'une donation pour ingratitude

Publié par Sabine HADDAD le 10/04/2014 - Dans le thème :

Vie familiale

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Donner c'est donner, reprendre c'est voler.
Le principe en matière de donation est l’irrévocabilité. Cela signifie que le donateur se ( celui qui donne) dépouille actuellement et irrévocablement de son bien, de son vivant au profit d'un donataire ( celui qui reçoit et accepte la donation). La loi a prévu des exceptions, telle qu'en cas d'ingratitude du donataire...

--La loi a prévu 2 tempéraments à l’irrévocabilité des donations  entre époux :

- la révocation de plein droit sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis de toutes donations de biens à venir et d'avantages matrimoniaux ne prenant effet qu'à la dissolution du mariage ou au décès de l'un des époux, et des dispositions à cause de mort :

- la libre révocation des donations de biens présents mais qui prennent effet après le mariage (par exemple : la clause de réversibilité de l'usufruit)  ainsi que celles soumises à la loi ancienne antérieures au 1 er janvier 2005.

--3 cas indépendants de la volonté du donateur:

inexécution des charges, ingratitude sur la personne du donateur et en cas de survenance d'enfants...

Ces révocations n’ont pas  lieu de plein droit et doivent être demandées en justice . Aucun automatisme donc en la matière, mais une appréciation au cas par cas.

Article 953 du code civil

La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants.Je n’aborderai que celle-ci

I  La gravité des faits commis postérieurement à la donation

  1. Les faits peuvent être : un délit civil ou une infraction pénale définie à l’article 955 du Code civil

Ce texte dispose :

La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :

1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

2° S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

3° S'il lui refuse des aliments.

1°- un délit civil ou pénal ou un crime

« L’ingratitude » peut être visée par la loi pénale .  Ainsi l’atteinte à la vie ou les sévices

« L’ingratitude peut être aussi un  délit civil constitué d’ un fait intentionnel qui porte préjudice à autrui, mais qui ne tombe pas automatiquement sous le coup de la loi pénale et permet une demande de dommages-intérêts, alors que l’infraction pénale cause un trouble à l’ordre public et est sanctionnée par le code pénal ou une loi particulière

2°- des faits postérieurs

--1ère Civ, 9 janvier 2008, pourvoi N°06-20.108

Mais attendu qu'il résulte de l'article 955 du code civil que la révocation d'un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis par le donataire postérieurement à sa réalisation ;

3°- des donations qui ne sont pas faites en faveur du mariage ( article  958 du code civil)

  1. Les  conditions de délai de l’action en révocation :

L’article 957 du code civil

« La demande en révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.

Cette révocation ne pourra être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit ».

II  Le délai de prescription de l’action et son point de départ

  1.  Pas de suspension ou d’interruption de la prescription

1ere Civ, 1er février 2012, rappelle que "le délai de prescription de l'action en révocation de donation pour cause d'ingratitude, édicté par l'article 957, alinéa 1er, du code civil n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption"

Il faudra agir au jour où le délit civil aura pu être connu du donateur.

En l’éspèce  en 1996, une mère a donné à sa fille un terrain sur lequel celle-ci a fait édifier deux appartements dont l'un occupé par ses parents. L'acte de donation portait  interdiction d'hypothéquer sans l'accord de la donatrice.

Le 2 octobre 2003, la fille a assigner se parents aux fins d'expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme au titre des frais de remise en état.

Par conclusions du 29 avril 2004, les parents l’ ont assigné en révocation de la donation pour inexécution des conditions,puis le 11 janvier 2006, ont modifié leurs demandes  et demandé la  révocation de la donation pour cause d'ingratitude de la donataire.
Par un arrêt du 9 septembre 2010, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré prescrites leurs demandes en révocation de donation sauf celles fondées sur un refus de restituer un véhicule et sur des dégradations qui auraient été commises sur celui-ci.


Ayant constaté que l'ingratitude constituant la cause de la révocation de la donation litigieuse trouvait son origine dans l'action en expulsion engagée le 20 octobre 2003 par la donataire contre la donatrice et son conjoint, les juges du fond en ont déduit qu'à la date du 11 janvier 2006, à laquelle ceux-ci avaient sollicité la révocation de ladite donation pour cette cause, le délai de prescription était expiré.

B)  Cependant le point de départ en cas d'infraction pénale pourra être différé et courir à compter du moment où le jugement pénal de condamnation est devenu définitif

La jurisprudence avait deux possibilités :

Soit faire courir le point de départ au moment de la commission des faits ( ex violences), ce qui est le cas classique;

Soit  reporter le point de départ au moment où le jugement est devenu définitif pour faire application de la présomption d’innocence

C’est cette solution qui prime aujourd’hui.

Au délà de la relation civile donateur/donataire, la jurisprudence va dans le sens du respect de la présomption d’innocence qui fait qu’avant toute condamnation définitive, une personne est présumée innocente.

1 ere Civ ; 19 mars 2014 pourvoi N° 13-15.662

Mais attendu, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article 957 du code civil, qui fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale établit la réalité de ce fait, c'est à dire au jour où elle devient définitive ; qu'ayant relevé que M. Y... avait commis des violences sur sa mère le 21 mars 2010, que le donataire avait été condamné par un tribunal correctionnel le 23 mars suivant, alors que la victime était hospitalisée, la cour d'appel, retenant que le point de départ du délai d'un an devait être reporté au jour où la condamnation pénale était devenue définitive, le 3 avril 2010, en a exactement déduit que l'action révocatoire engagée le 25 mars 2011 était recevable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

1re Civ, 20 mai 2009, pourvoi N° 08-14.761.

Viole ce texte, par fausse application, la cour d'appel qui refuse de considérer comme tardive une action en révocation pour ingratitude intentée plus d'un an après le délit imputé au donataire, aux motifs que le point de départ du délai d'un an est nécessairement repoussé s'agissant d'un fait d'ingratitude qui s'est prolongé dans le temps, dès lors qu'il est reproché au donataire d'avoir engagé puis maintenu une action en justice en expulsion de la donatrice et de son époux et que ces faits n'ont pas cessé, alors que l'action aux fins d'expulsion intentée par la donataire avait un caractère instantané.

C) Les conséquences de la  révocation

article 958 du code civil

La révocation pour cause d'ingratitude ne préjudiciera ni aux aliénations faites par le donataire, ni aux hypothèques et autres charges réelles qu'il aura pu imposer sur l'objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à la publication, au bureau des hypothèques de la situation des biens, de la demande en révocation.

Dans le cas de révocation, le donataire sera condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter du jour de cette demande.

Si le bien a été cédé à une tierce personne, cette dernière  ne sera  pas tenue de le restituer, mais le donateur sera en droit de se faire indemniser par son donataire jugé « ingrat »

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions par le biais des consultations en ligne.

Maître HADDAD Sabine

Avocate au barreau de Paris


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