Un hôpital condamné vingt-huit ans après avoir sauvé la vie d'un nourrisson

Publié par Sana BENABDESLAM le 16/11/2010 | Lu 7966 fois | 0 réaction

Le 11 aout 1982, quinze jours après le terme normal de sa grossesse, Annie Amouriq se présente à l'hôpital de Châteauroux. Suite à l'accouchement tardif, le nourrisson naît en arrêt cardiaque et est envoyé en réanimation contre l'avis des parents. Il survit. S'en suivront vingt-huit années de calvaire et de combat durant lesquelles la maman abandonne tout pour s'occuper de son enfant. Aujourd'hui Elodie Amouriq, jeune femme de 28 ans handicapée moteur et cérébrale, dépendante à 100% de sa famille, ne peut vivre sans une aide quotidienne et une attention permanente, explique Me Meilhac, avocat de la famille. Annie Amouriq, veuve depuis une dizaine d'années, se consacre corps et âme à sa fille et entend faire reconnaître la responsabilité de l'établissement mis en cause.

Elodie Amouriq aujourd’hui âgée de 28 ans est lourdement handicapée moteur et cérébrale. À la naissance, cette jeune femme avait été réanimée « contre l'avis de son père ». C’est pour cette raison que par l’intermédiaire de Me Philippe Meilhac, avocat chargée de l’affaire, la famille a souhaité engager la responsabilité de l’établissement concerné.

Une première décision avait été rendue par le tribunal administratif de Limoges en mai 2008. Ce dernier avait rejeté en première instance la demande d'indemnisation.

La famille a dès lors formé un appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux. La juridiction bordelaise vient d’annuler la décision du tribunal administratif de Limoges.

C’est en effet par un arrêt du 16 septembre dernier que la Cour administrative d’appel a retenu la faute de l’établissement hospitalier. Cette dernière a ainsi considéré que « les lésions cérébrales subies par Elodie Amouriq (étaient) la conséquence d'une souffrance fœtale aiguë liée à la post-maturité (naissance après terme, NDLR) de l'enfant, dont le risque ne pouvait être ignoré des praticiens du centre hospitalier de Châteauroux ».

La cour a également reproché à l'hôpital de ne pas avoir utilisé, lors de l’accouchement, de monitoring pour surveiller l'état du bébé.

« Le fait d’être reconnue comme victime, non pas par l’hôpital mais par une juridiction, est un énorme soulagement » souligne son avocat, Philippe Meilhac.

La Cour administrative d'appel de Bordeaux a dès lors condamné l’hôpital de Châteauroux à verser, sous formes d’indemnités et de rentes, 1,3 millions d'euros à la famille d'Elodie Amouriq. La somme sera également partagée avec la CPAM (caisse primaire d'assurance-maladie) de l'Indre.

Outre la mère d'Elodie, Annie Amouriq, son frère Stéphane et ses grands-parents doivent également être indemnisés au titre du préjudice moral.

Dépendante à 100% de sa famille, incapable d’effectuer le moindre geste seule, que ce soit s’alimenter ou même faire ses besoins, cette indemnisation permettra ainsi de garantir à la jeune femme un niveau de vie décent et surtout des soins corrects.

L’affaire n’est cependant pas encore finie.

Contestant formellement sa mise en cause dans cette affaire, le centre hospitalier de Châteauroux par l’intermédiaire de l’avocat de l’établissement, Me Didier Le Prado, a formé un pourvoi en cassation, le 5 novembre dernier, devant le Conseil d'Etat en contestant fermement « la faute à l'origine des lésions cérébrales au regard des moyens de la médecine à cette époque », a indiqué l'avocat de l'établissement.

Une décision rare

Cette décision de justice bien qu’exceptionnelle n'est pourtant pas une première.

Le 2 juin 2009, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital public d'Orange pour acharnement thérapeutique. Le personnel médical avait réanimé un nouveau-né en état de mort apparente en décembre 2002. Ramené à la vie, l'enfant a présenté par la suite de lourds handicaps physiques et mentaux.

Le jugement avait conclu qu’en « pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange ».

Le dispositif s’est appuyé de l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale qui stipule qu’en « toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique ».

« Il y a une nouvelle échéance » s’attriste Annie Amouriq.

Mais cette mère « demeure confiante en la justice et en l’issue finale qui sera donnée à son combat », déclare son avocat.

Ne reste plus qu’à attendre la décision du Conseil d’Etat…