Un employeur peut modifier unilatéralement les conditions de travail de ses salariés

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 15/11/2010 | Lu 8379 fois | 0 réaction

Une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 3 novembre dernier est l'occasion de rappeler que dans le cadre de son pouvoir de direction, tout employeur a parfaitement le droit de modifier unilatéralement les conditions de travail d'un ou de plusieurs de ses salariés. Il convient de distinguer en ce sens la modification des conditions de travail de la modification du contrat de travail, qui elle ne peut avoir lieu sans l'autorisation du salarié concerné.

Un laveur de vitre saisit les juges de l'application d'une clause de mobilité et aux motifs qu'il aurait modifié sa qualification professionnelle en lui imposant des tâches ne correspondant pas à celle-ci. Les juges du fond ne faisant pas droit à sa demande, le salarié décide de former un pourvoi devant la Cour de cassation.

La clause de mobilité

La clause de mobilité est la clause qui permet à votre employeur de modifier unilatéralement le lieu d'exécution de votre travail. Evidemment, pour que cela soit possible, il faut que la clause soit valablement rédigée (il faut que cette clause soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé, au but recherché) et que la modification envisagée le soit dans les limites géographiques expressément précisées au contrat (étant entendu que ces limites géographiques ne doivent pas se limiter à se référer "au secteur géographique d'activité de la structure", Cass. soc. 6 octobre 2010).

D'une manière générale, le lieu de travail inscrit au contrat de travail est tantôt une condition de travail que l'on peut unilatéralement modifiée, tantôt un élément du contrat de travail qui implique l'autorisation du salarié. Ainsi, si pour une raison ou pour une autre, votre employeur décide que le lieu d'exécution de la prestation de travail sera 2 rues plus loin, même en l'absence de clause de mobilité, la jurisprudence estime qu'il n'y a pas modification du contrat de travail mais simplement modification d'une condition de travail qui peut être faite sans demander l'avis du salarié.

Il en est évidemment autrement d'une modification du lieu de travail qui impliquerait un déplacement conséquent, voire un déménagement du salarié. En l'absence de clause de mobilité, l'employeur ne pourra pas l'imposer. En présence d'une clause légitime, proportionnelle et valable en tout point, il pourra l'exiger dans ses limites géographiques.

En l'espèce, le salarié estimait que l'employeur qui met en oeuvre la clause de mobilité doit assurer au salarié les moyens de se rendre sur son lieu de travail, ce qui, selon lui, n'avait pas été fait. La Cour de cassation écarte le moyen puisque les juges du fond avaient constaté qu'au contraire, "l'employeur avait proposé au salarié les moyens de se rendre sur son lieu de travail". Notons que c'est l'occasion de constater que cet arrêt semble laisse entendre que non seulement l'application d'une clause de mobilité ne peut se faire que si ladite clause respecte les conditions de validité exigées par la jurisprudence, mais qu'en plus l'employeur ne doit pas laisser partir le salarié de son lieu de travail sans s'être assuré que celui-ci aura les moyens de se rendre au nouveau lieu de travail, et le cas échéant, lui fournir ces moyens.

Les tâches supplémentaires

Le salarié reproche également à son employeur d'avoir modifié son contrat de travail en lui octoyant des tâches ne correspondant pas à sa qualification professionnelle. Il évoque le fait qu'il était recruté comme laveur de vitres et que les tâches de nettoyage qu'il lui revient de faire dans son nouveau lieu de travail ne correpond pas à cette qualification.

Les juges du fond rappellent à ce titre que le salarié était devenu agent de service qualifié et la chambre sociale de la Cour de cassation constate que "la cour d'appel a retenu que les tâches de nettoyage confiées au salarié sur le nouveau site relevaient de sa qualification d'agent qualifié de service".

Ainsi, la Cour de cassation nous rappelle qu'il est tout à fait possible pour un employeur usant de son pouvoir de direction de modifier les conditions de travail d'un salarié sans obtenir son consentement à partir du moment où les nouvelles conditions de travail relèvent de sa qualification professionnelle. Le contrat de travail ne s'en trouve donc pas ici modifié.

Cass. soc. 3 novembre 2010, 09-65192