Trafic de faux diplômes : L'ex-président de l'Université de Toulon en garde à vue

Publié par Julie TROUPEL le 28/09/2010 | Lu 7987 fois | 0 réaction

A Toulon, les étudiants chinois achetaient, pour la modique somme de 2700 euros, des faux diplômes français. Le jeudi 16 avril 2009, le journal Le Monde avait exposé au grand jour cette fraude en place depuis près de cinq ans à l'institut d'administration des entreprises de l'Université de Toulon et probablement dans d'autres facultés. Cinq ans donc, pour découvrir cette pratique illégale. D'autant que l'université de Toulon aurait pu être alertée par le nombre suspect, en constante augmentation, d'étudiants chinois et leurs succès systématiques aux examens. Aujourd'hui l'ex Président de l'Université de Toulon, Monsieur Laroussi Oueslati, est en garde à vue depuis près de 24 heures.

Faits et procédure

En 2009, le journal le Monde révèle au grand public une affaire de trafic de diplômes, vendus aux étudiants d’origine chinoise, dans l’enceinte de l’Université de Toulon.

Selon le journal, ce trafic aurait débuté dans les années 2004-2005 et concernerait d’autres universités françaises.

Toujours selon la source Le Monde, plusieurs centaines d’étudiants chinois, inscrits à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de l’université de Toulon, auraient déboursé en moyenne 2700 euros, pour pouvoir retourner dans leur pays d’origine avec un diplôme français en poche.

Monsieur Pierre Gensse, le directeur de l’IAE touché par ce trafic, reconnaît d’ailleurs que des étudiants chinois sont venus lui soumettre des appels d’offres pour obtenir le diplôme convoité.

Un des étudiants asiatiques lui aurait proposé 100 000 euros contre une soixantaine de diplômes français.

Quant au vice président de l’université de Toulon, Pierre Sanz de Alba, il se dit dépassé par les événements et incapable de comprendre comment la fraude a pu s’installer au sein de son établissement.

Le 26 mars 2009, un professeur dénonce, sans preuve à l’appui, des faits de corruption en lien avec le trafic des diplômes.

Il dépose alors plainte au parquet de Marseille, qui ouvre immédiatement une information judiciaire.

Suite à l’ouverture de l’enquête par le parquet, la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, se saisit du dossier et ouvre également une enquête administrative sur les conditions de délivrance des diplômes, « en particulier aux étudiants étrangers ». Elle saisit notamment le 14 avril 2009, l’inspection générale en vue de contrôler la remise des diplômes.

Le 8 septembre 2009, après avoir reçu le rapport définitif de l’enquête administrative, qui a mis en lumière de graves irrégularités dans l’application des textes réglementaires régissant la procédure d’admission des étudiants étrangers et de validation de leurs études, la ministre a demandé au recteur de l’académie de Nice de saisir la section disciplinaire du conseil d’administration de l’université de Toulon.

Le rapport de l’inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche avait en effet engagé la responsabilité du président de l’université, dans l’affaire du trafic de diplômes.

Ainsi, en 2009, l’ex président de l’université de Toulon, Monsieur Oueslati, a été suspendu de ses fonctions, ceci assorti de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé.

Hier, dans le cadre de l’enquête sur le traficde diplômes au bénéfice d'étudiants chinois, Monsieur Laroussi Oueslati a été placé en garde à vue par les services de police du Var, sur commission rogatoire du juge d'instruction marseillais Franck Landou.

Ce matin, Monsieur Oueslati est toujours en garde à vue, il a passé la nuit au poste.

D’après une information de TF1 news, il aurait été placé en garde à vue la veille à 18 heures 43. La durée légale de la garde à vue étant de 24 heures, sauf autorisation de prolongation du procureur, Monsieur Oueslati pourrait sortir en fin d’après midi…

Que risquent-ils ?

Les étudiants chinois de l’IAE de Toulon ont été inquiétés par la justice française, deux d’entre eux ont été écroués pour tentative de corruption.

Le parquet de Marseille a ouvert une information judiciaire pour « corruption passive et active, et escroquerie ».

D’après les articles  313-1 et 313- 2 du Code pénal :

« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 750000 euros d'amende lorsque l'escroquerie est réalisée :

1° Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

2° Par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ;

3° Par une personne qui fait appel au public en vue de l'émission de titres ou en vue de la collecte de fonds à des fins d'entraide humanitaire ou sociale ;

4° Au préjudice d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. »

Par ailleurs, le Code pénal sanctionne les faits de corruption, aussi bien pour ceux commis par des personnes exerçant une fonction publique, tel qu’un président d’Université, que ceux commis par des particuliers.

Est dite « active » la corruption faite par des particuliers et « passive » la corruption exercée par une personne délégataire de l’autorité publique.

Ainsi les articles 433-1 et 433-2 du Code pénal sanctionnent les particuliers en matière de corruption active :

« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, afin :

1° Soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte visé au 1° ou d'abuser de son influence dans les conditions visées au 2°. »

« Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Est puni des mêmes peines le fait de céder aux sollicitations prévues au premier alinéa ou de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne, pour elle-même ou pour autrui, afin qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »

En revanche, l’article 432-11 du Code pénal sanctionne des faits de corruption passive :

« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui :

1° Soit pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »

Ajout de la rédac. le 30 septembre 2010

D'après le journal du Var (varmation.com), la garde à vue de l'ex président de l'Université de Toulon aurait été prolongée de 24 heures, soit au total 48 heures.

A la suite de sa présentation devant le juge d'instruction, il a été mis en examen pour corruption passive puis placé en détention provision par le JLD (juge de la liberté et de la détention).

Selon les avocats de Monsieur Oueslati, la détention provisoire serait de courte durée puisque de nature préventive.

Toujours selon ses avocats, Maître Jean-Martin Guisiano et René Sconamiglio, l'ex président contesterait tous les faits qui lui sont reprochés.