Tais-toi : peine de mort requise contre un blogueur en Iran

Publié par Documentissime le 28/09/2010 | Lu 6862 fois | 1 réaction

Il était journaliste et opposant-bloggeur. Il moisit aujourd'hui dans les geôles iraniennes. Le 19 septembre dernier, à l'issue d'un procès non-équitable, le procureur de la Cour révolutionnaire de Téhéran a requis contre lui la peine de mort pour « coopération avec des Etats ennemis, propagande contre le régime islamique, promotion de groupes antirévolutionnaires, insulte à des personnages saints et lancement de sites vulgaires et obscènes ».

L'Iran : un pays où il fait bon s’exprimer ?

Hossein Derakhshan est un journaliste Irano-Canadien.

Il a créé un « guide d’utilisation du blog persan » qui a connu un grand succès. Aujourd’hui, des milliers d’iraniens possèdent un blog.

Il avait quitté l’Iran en 2001, et y est revenu en 2008.  Il a été arrêté en novembre 2008 dans sa maison familiale de Téhéran.

Il est depuis au confinement solitaire à la prison politique d’Evin. Où il est régulièrement convié à faire des aveux.

A l’issue de son procès, le procureur de la Cour révolutionnaire de Téhéran a requis contre lui la peine de mort le 19 septembre dernier. En application des dispositions de la loi islamique en vigueur, le journaliste est accusé de « coopération avec des Etats ennemis, propagande contre le régime islamique, promotion de groupes antirévolutionnaires, insulte à des personnages saints et lancement de sites vulgaires et obscènes ». Rien de moins.

Ajout du 29 septembre 2010 : Hossein Derakhshan a été condamné à 19 ans de prison ferme.

Reporters sans frontières rappelle qu’Hossein Derakhshan n'est pas le seul blogueur iranien menacé de mort « Vahid Asghari, un autre blogueur, risque également la peine capitale. Ce jeune homme de 24 ans et étudiant en informatique en Inde, a été arrêté en mai 2008 à l'aéroport de Téhéran pour avoir hébergé des sites, notamment ceux des opposants iraniens. »

Surveillance des net-citoyens en Iran

Confronté à de nouvelles formes de contestation et d’opposition, le gouvernement iranien a créé en mars 2009 le « Centre de surveillance des délits » qui a pour mission de traquer des net-citoyens, de les identifier et de les arrêter.

Très peu de temps après sa création, le centre a démontré son efficacité en démantelant un réseau et en procédant à des arrestations. Selon Reporters sans frontières, les accusés auraient été invités « à reconnaître la présence de sites critiques contre l’islam et le régime en place, ainsi que leur intention de détourner la jeunesse iranienne par la diffusion de sites pornographiques. Ils ont également dû avouer leur participation à un complot soutenu par les Américains et les Israéliens. »

Note : le 17 juin 2009, Mahmoud Ahmadinejad a été réélu à la présidence.

La question et les aveux

La torture serait une pratique courante pour obtenir des aveux en Iran.

Vahid Asghari, un autre net-citoyen emprisonné en Iran a écrit le 17 octobre 2009 au Président du tribunal de la révolution. Dans sa lettre, il décrivait les longues périodes d’isolement et les tortures qu’il subissait. Il m’a semblé important de retranscrire ici les mots qui furent les siens :

"On m’a frappé avec un bâton pendant des heures et des heures, alors que j’avais les yeux bandés et les mains menottées. J’ai été menacé de mort et de viol avec un couteau sous la gorge. J’ai été insulté ainsi que ma famille. Ils m’ont obligé à faire des aveux et à les signer. Ils ont ensuite filmé mes aveux et ont diffusé le film avec la complicité de la télévision nationale alors que j’étais légalement présumé innocent."

Le procès

Contrairement à ce qu’énonce la Constitution de la République islamique d’Iran, des procès se déroulerait à huis clos, les accusés n’en étant parfois pas même informés. On serait bien loin du droit à un procès équitable consacré par convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Quand à la défense, elle pourrait être dérangeante. Mieux vaudrait donc s’en affranchir. Les avocats n’auraient pas toujours accès au dossier de leur client, et seraient régulièrement écartés du procès.

La liberté d’expression

La liberté d'expression est une des premières libertés fondamentales. Elle est étroitement liée, et ne peut être se concevoir sans la liberté d'information et la liberté de la presse.

La liberté d’expression s’oppose par son essence même à la censure.

L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que :

    « 1 Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

     2 L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

Cour européenne des droits de l'homme, 21 janvier 1999, no 29183/95, Fressoz et Roire c. France :

    « La liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels, il n'est pas de « société démocratique ». »

L’Iran n’est pas membre du Conseil de l'Europe, et n’a ratifié ni la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ni ses Protocoles additionnels.

En France, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énoncent que :

    « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

         La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.»