Substitution de l'intéressement au salaire

Publié par Jean-pierre DA ROS le 20/08/2010 | Lu 6905 fois | 0 réaction

L'intéressement ou le supplément d'intéressement ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération en vigueur dans l'entreprise ou qui deviendraient obligatoires en vertu de règles légales ou contractuelles.

La CFTC a écrit une lettre ouverte à Madame Lagarde sur ce sujet / explications:

Règle de non-substitution

L'intéressement ou le supplément d'intéressement  ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération en vigueur dans l'entreprise ou qui deviendraient obligatoires en vertu de règles légales ou contractuelles.

Toutefois, selon l'article L. 3312-4 du Code du travail, cette règle de non-substitution ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations prévues, dès lors qu'un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et la date d'effet de cet accord.

Le principe de non-substitution n'a pas lieu d'être invoqué au cas où la diminution de rémunération trouve son origine dans la réduction du temps de travail et n'est pas plus que proportionnelle à cette réduction, sous réserve de l'incidence de la loi no 2001–152 du 19 février 2001 (JO 20 févr.)

Remarques

La circulaire Questions/Réponses DSS/DGT du 15 mai 2007 (Q/R no 12) a confirmé l'application du principe de non-substitution en matière de supplément d'intéressement et elle énonce qu' « en modifiant l'article L. 441-4 du Code du travail (recodifié sous L. 3312-4), l'article 2-II de la loi du 30 décembre 2006 a expressément étendu au supplément d'intéressement les règles relatives à la non-substitution. Dès lors, les sommes attribuées aux salariés au titre de ce supplément obéissent aux mêmes règles que celles allouées au titre de l'intéressement lui-même : elles ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération en vigueur dans l'entreprise ou qui deviendraient obligatoires en vertu de règles légales ou conventionnelles, sauf si un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et la date de la décision de versement du supplément d'intéressement. »

a) Rémunérations visées

La rédaction de l'article L. 3312-4 du Code du travail vise pour appliquer la règle de non-substitution, les éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale. La règle de non-substitution s'appliquera donc quelle que soit la forme de la rémunération, notamment avantages en nature, et quelle que soit la forme de paiement de la rémunération régulière ou occasionnelle.

La règle de non-substitution n'interdit pas de tenir compte de l'existence de l'accord d'intéressement, dans le futur, pour fixer les rémunérations, notamment dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.

En tout état de cause, l'intéressement ne peut pas empêcher la mise en œuvre des dispositions légales ou contractuelles rendant obligatoires certains éléments de rémunération ultérieurement à sa conclusion.

Si la règle de non-substitution n'est pas respectée, elle entraînera la réintégration des primes versées dans l'assiette des cotisations sociales et des taxes et participations sur les salaires et, le cas échéant, de l'impôt sur le revenu, si l'intéressement a été affecté dans un plan d'épargne salariale.

Toutefois, selon la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 (JO 1er nov.), si la substitution d'un élément de rémunération préexistant à l'accord d'intéressement est établie, elle entraînera la réintégration des primes versées, mais à hauteur des éléments de rémunération supprimés, dans l'assiette des cotisations et des taxes et participations sur les salaires.

b) Règle des « douze mois »

Afin de limiter les contentieux liés à la notion de substitution et à la question de la simultané et à la disparition de l'élément d'un salaire et de la conclusion de l'accord, il est fixé un délai entre l'élément de rémunération supprimé et la date de l'accord au-delà duquel les exonérations ne peuvent plus être remises en cause.

En application de l'article L. 3312-4 du Code du travail, la règle de non-substitution ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations, dès lors qu'un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération ou tout ou partie de l'élément supprimé, et la date d'effet de l'accord.

La notion de substitution suppose qu'il y ait un lien de cause à effet et une certaine simultanéité entre la disparition de l'avantage et la mise en place de l'accord.

La date d'effet de l'accord est le début de l'exercice de référence du calcul de la prime qui peut être distinct de l'exercice d'application.

Par exemple, pour un élément de rémunération supprimé dont le dernier versement s'effectue le 31 décembre 2008, le principe de non-substitution ne pourra être invoqué dès lors que l'accord d'intéressement a pris effet à compter du 1er janvier 2010.

Selon la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 précitée, lorsque les primes d'un accord d'intéressement sont requalifiées en élément de salaire, l'entreprise doit respecter le délai de douze mois entre le dernier versement des primes et la date de prise d'effet d'un nouvel accord. Le respect de ce délai ne s'impose toutefois pas dans le cas où la remise en cause des exonérations sociales est consécutive à une conclusion ou un dépôt tardif de l'accord d'intéressement, et lorsque l'entreprise rétablit, pour l'avenir, l'élément de rémunération supprimé.

Applications jurisprudentielles de la règle de non-substitution et jurisprudence

A de nombreuses reprises, la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la portée de la règle de non-substitution de l'intéressement au salaire. Ainsi, par exemple, a-t-elle estimé que devait être soumise à cotisations de sécurité sociale la prime de progression et de performance versée par une société à ses salariés, en application d'un accord d'intéressement, dès lors que cette somme se substitue à une prime de fin d'année constituant un élément de salaire (Cass. soc., 27 janv. 1994, no 91-17.528 ; Cass. soc., 23 mai 1996, no 94-13.462; Cass. soc., 13 avr. 1995, no 93-15.313) . Il en est de même en ce qui concerne la substitution de l'intéressement à des primes n'ayant pas de caractère fixe ou constant, peu importe qu'elles aient été ou non soumises à cotisations (Cass. soc., 18 mai 1995, no 93-16.425 ; Cass. soc., 9 mars 1995, no 93-13.673), ou encore d'une prime d'intéressement qui vient se substituer à une prime dite d'association aux résultats fixée tout d'abord à 4 % des salaires bruts et ramenée, sans raison objective, à 1 % (Cass. soc., 19 déc. 1996, no 95-12.734).

De la même façon, le principe de non-substitution n'est pas respecté lorsque, pendant vingt années consécutives, une caisse d'épargne a versé à son personnel une prime d'association égale à un mois de salaire, puis en 1989, a réduit la prime d'association, mais l'a complétée par une prime exceptionnelle et, à compter de l'année 1990, première année d'effet de l'accord d'intéressement, n'a plus versé que la prime d'association réduite. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d'avoir fait ressortir la relation existant entre la suppression ou la réduction de la prime et la conclusion d'un accord d'intéressement. Les primes d'intéressement s'étaient donc substituées au moins partiellement à cette prime d'association, de sorte qu'elles ne pouvaient bénéficier de l'exonération des cotisations prévue par les textes (Cass. soc., 29 oct. 1998, no 97-11.256).

Une solution identique a été retenue dans une espèce où une prime annuelle versée par un employeur entre 1982 et 1985, bien que qualifiée d'exceptionnelle, avait été supprimée au moment de la conclusion de l'accord d'intéressement, cet accord étant accompagné d'une clause de sauvegarde empêchant l'intéressement distribué d'être d'un montant inférieur à la prime exceptionnelle supprimée (Cass. soc., 7 déc. 2000, no 98-18.359).

La même solution a été rendue quand, pour compenser un intéressement faible, une entreprise instaure une prime « amortisseur ». L'année suivante, l'intéressement étant plus important, la prime « amortisseur » est supprimée.  L'Urssaf redresse l'entreprise sur les sommes versées au titre de l'intéressement au motif que la prime « amortisseur », bien qu'ayant pour objet de compenser une prime d'intéressement peu élevée, a la nature d'un salaire : sa suppression l'année suivante est contraire au principe de non substitution du salaire (Cass. 2e civ., 17 déc. 2009, no08-20.797).