Responsabilité du chirurgien : la présomption de faute est de retour

Publié par Guillaume COLLART le 17/04/2013 - Dans le thème :

Santé et organismes sociaux

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Ce que le législateur a sorti par la porte, le juge civil le réintroduit par la fenêtre !!

Le juge civil considérait à l’époque que l’atteinte portée par un chirurgien à un organe, ou tout élément du corps humain, lors d’une opération et alors que cette atteinte n’avait aucun lien avec l’objet de l’opération, engageait la responsabilité de ce dernier.

Ce fut par exemple la cas lorsque l’artère poplitée moyenne d’une patioente fut sectionnée lors d’une ligamentoplastie du ligament croisé antéro-externe du genou (Civ., 1ère, 23 mai 2000, n°98-19869).

Pour échapper à la mise en œuvre de sa responsabilité, le chirurgien n’avait alors pas d’autre solution que de prouver lui-même son absence de faute.

Ce régime de responsabilité pour faute présumée, particulièrement défavorable aux professionnels de santé, semblait avoir disparu du fait du législateur.

En effet, la loi du 4 mars 2002 a codifié à l’article L. 1142-1 que « les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

En conséquence, le droit commun de la responsabilité médicale impose dorénavant que la preuve de la faute du professionnel de santé incombe au patient.

Néanmoins, il existe toujours quelques rares exceptions comme en matière de défaut d’information, d’infection nosocomiale ou encore de défaut du produit de santé.

Pourtant, par une décision rendue le 20 mars 2013, le juge civil vient de réintroduire cette notion de faute présumée pesant sur les professionnels médicaux.

En l’espèce, lors d’une lipo-aspiration, le chirurgien a perforé l’intestin grêle d’une patiente. Après être rentrée chez elle le jour même, elle a consulté son médecin généraliste pour lui faire part de douleurs abdominales. Ce dernier l’a alors hospitalisé deux jours après la consultation.

La patiente est malheureusement décédée du fait d’une contamination bactérienne subséquente.

Le médecin généraliste a été condamné pour retard de diagnostic. Néanmoins, les juges d’appel n’avait pas retenu la responsabilité du chirurgien. Ce dernier s’était  notamment justifié en précisant que la lésion portée à l’intestin trouvait son explication dans la présence d’une hernie ombilicale. 

Ce n’est pas la position de la Cour de cassation.

Elle considère qu’il appartient en réalité au chirurgien de faire, d’une part, la preuve que la hernie ombilicale constituait une anomalie indécelable, et d’autre part, que cette anomalie a rendu l’atteinte inévitable ou de ce que le risque de perforation et la contamination bactérienne subséquente n’aurait pas été maîtrisable.

En conséquence, en cas d’atteinte portée à un organe ou tout autre élément du corps humain lors d’une opération chirurgicale, non seulement c’est au professionnel médical de prouver qu’il n’a pas commis de faute, mais en plus, ses possibilités d’exonération de responsabilité se limitent à la preuve d’une anomalie indécelable ou d’un aléa thérapeutique.

Cette décision est une nouvelle illustration de la volonté du juge de rééquilibrer les relations entre les sachants et les profanes et qui finalement s’inscrit dans une logique jurisprudentielle contemporaine particulièrement favorable aux patients.