Procès Kerviel : Point à J+7

Publié par Documentissime le 18/06/2010 | Lu 6467 fois | 0 réaction

Depuis mardi 8 juin 2010, Jérôme Kerviel est jugé devant le tribunal correctionnel de Paris. A l'issu de son procès, les juges saisis de l'affaire devront déterminer si ce jeune trader de 33 ans a abusé de la confiance de la Société générale ou si cette dernière était consciente des risques qu'il prenait et n'a rien fait pour l'en empêcher. La Société générale pouvait-elle ignorer les pratiques de Jérôme Kerviel ? A-t-elle laissé faire, en connaissance de cause, pour profiter ensuite de l'argent rapporté ? Telles sont les questions sur lesquelles doivent se prononcer les juges. Pour y répondre, Jérôme Kerviel ainsi que de nombreux témoins sont interrogés chaque jour.

Le procès avait mal commencé

 

Mardi 8 juin 2010, Jérôme Kerviel se présentait, précédé de son avocat, Maître Olivier Metzer, devant le tribunal correctionnel de Paris pour répondre aux accusations d’« abus de confiance », de « faux et usage de faux » et d’« introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données informatiques » formulées à son encontre par la Société générale.

 

Au premier jour d’audience, le Président de la séance, Dominique Pauthe, a expliqué en quoi consistait le métier de trader, métier qu’a exercé Jérôme Kerviel pendant quatre ans. Après un long monologue d’une heure et demi, Dominique Pauthe a conclu en demandant au prévenu d’expliquer à l’assistance qui il est et quel a été son parcours.

 

Alors qu’il encourt cinq ans de prison ferme s’il est reconnu responsable de la perte de 4,9 milliards d’euros, Jerôme Kerviel fait preuve de désinvolture lors de l’audience. M. Pauthe lui lance même, au cours du procès : « quand je m’adresse à vous, évitez de boire à votre bouteille, je vous prie »Une attitude qui ne bénéficie pas au trader... Et pour cause, il est question de sommes qui dépassent l’entendement ; des milliards d’euros étaient entre ses mains. En ces temps de crise, une telle désinvolture n’est pas de mise dans le tribunal et le Président entend bien rappeler au jeune trader les règles de bienséance.

 

Durant cette première journée, le Président a beaucoup insisté sur le fait que Jérôme Kerviel a de nombreuses connaissances en matière informatique, élément qui, selon lui, n’a cessé d’être minimisé par ce dernier mais qui, pourtant, pourrait accréditer la thèse défendue par la Société Générale, fondant l’accusation d’« introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données informatiques ».

 

 

Soutenu par certains, chargé par d’autres…

 

Au troisième jour du procès, quatre anciens collègues traders de Jérôme Kerviel ont été appelés à témoigner à la barre. Seul Salim Ménouchi, 31 ans, s’est présenté au tribunal pour témoigner en défaveur de Jérôme Kerviel. Selon lui, Jérôme Kerviel ne peut pas se défendre en disant que ses pratiques sont courantes dans le monde de la finance, car il estime que c’est loin d’être le cas. En défendant la thèse selon laquelle « quand on devient trader, on s’engage à être loyal, transparent et à respecter les limites », ce que Jérôme Kerviel n’a pas fait, Salim Ménouchi refuse que tous les traders soient comparés à Jérôme Kerviel qui, selon lui, n’est pas un exemple.

 

Parallèlement, au quatrième jour du procès, un autre trader, Benoît Tailleu, 34 ans, ancien collègue de Jérôme Kerviel, s’est dit convaincu que « la hiérarchie directe de Jérôme Kerviel ne pouvait pas ignorer totalement ses agissements ». Il s’agissait là du premier témoignage en faveur de Jérôme Kerviel. Plus tard, lundi 14 janvier, un autre témoignage a joué en faveur de Jérôme Kerviel ; celui de Valérie Rolland, déontologue à la Société générale et amie de Jérôme Kerviel. Cette dernière a en effet déclaré qu’elle ne voit pas Jérôme Kerviel comme un flambeur, mais comme quelqu’un ayant conscience de la valeur de l’argent. Elle décrit Kerviel comme n’importe quel autre trader et surtout, comme une personne incapable de jouer avec les sommes d’argent qu’il avait entre les mains. Un témoignage à décharge bienvenu dans un procès mal amorcé pour Jérôme Kerviel.

 

 

Pourquoi cacher ses engagements pris sur les marchés financiers ?

 

Hier, Jérôme Kerviel était traité de « criminel » par l’un de ses anciens supérieurs hiérarchiques. Et pour cause, il a eu du mal à expliquer pourquoi il avait caché les engagements démesurés qu’il avait pris sur les marchés financiers. En effet, lorsque la Cour lui avait demandé pourquoi il avait mis en place des opérations fictives, Jérôme Kerviel a répondu qu’il l’avait fait « pour donner une apparence de chiffres cohérents » avant d’ajouter qu’il avait parfois donné des explications « invraisemblables » aux services de contrôle, qui n’auraient pas dû les satisfaire. Un aveu destiné à démontrer la responsabilité des services de contrôle de la Société Générale mais qui, du même coup, mettent en lumière les pratiques douteuses de Jérôme Kerviel et appuient l’accusation de « faux et usage de faux » de laquelle il doit répondre.

 

 

Aujourd’hui, le procès continue

 

Ce matin, l’audience a repris à 9h30. L’objectif de cette journée est de déterminer si des signaux et alertes auraient pu être décelés par la Société Générale et entraîner l’arrêt de la prise de risque du trader avant le début de l’année 2008. Plusieurs anciens collègues traders sont encore attendus à la barre pour témoigner dans l’affaire Kerviel.

 

Pour son avocat, il est impossible que la Société générale ait ignoré les agissements de son client. Cependant, on se demande quel intérêt Jérôme Kerviel avait à cacher les opérations qu’il menait et pourquoi mentir aux services de contrôle, si ses supérieurs savaient ce qu’il faisait… Ne serait-ce pas le système lui-même qui a poussé Jérôme Kerviel à se cacher ?