Questionsjuridiques
Questions juridiques

Besoin d'une réponse, ou d’une information juridique ? Le réseau Documentissime est là pour vous aider !

Posez votre question en quelques clics pour obtenir une réponse gratuite de Professionnels du Droit (Avocats, Huissiers, Notaires...)

Posez une question juridique
Notez cet article

Harcelement sexuel: etude detaillee

Publié par Sabine HADDAD le 14/01/2015 - Dans le thème :

Procédures en Justice

| Lu 8430 fois |
0 réaction

Où commence la limite entre la séduction et le harcèlement sexuel ?
Il s'agit d'une question de fait souverainement appréciée par les juges en cas de poursuites pénales.
Le degré d’inconvenance, l’ancienneté des actes répétés, les pressions seront tant d’indices à considérer…

I – L’évolution du délit de harcèlement sexuel

A)  L’abrogation de la loi ancienne liée à une définition floue

1°- Rappel de l'ancien délit

Le délit de harcèlement sexuel a été créé par une loi du 22 juillet 1992, modifiée par les  lois des 17 juin 1998 ,17 janvier 2002. et 6 août 2012.

Prévu à l’article 222-33 du code pénal, son ancienne définition punissait d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».

La loi du 17 janvier 2002 avait supprimé l'exigence de rapports de travail ou de subordination  au travail anciennement nécessaire pour punir ce délit dans la vie courante avait disparu.

2°- La Question Prioritaire de constitutionnalité et l'avis du 4 mai 2012

Définition de la QPC pour rappel:

Au cours d’une instance si une  disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, la QPC permet de demander la saisine du Conseil constitutionnel pour examen.)

À la suite d’une condamnation par la Cour d’Appel de Lyon le 15 mars 2011, un prévenu avait  formé un pourvoi en cassation et avait soulevé une QPC au motif que  l’article 222-33 du code pénal serait contraire aux articles 5, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à l’article 34 de la Constitution ainsi qu’aux principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique.

C’est dans ce contexte qu’au nom du principe de légalité des délits et des peines la haute juridiction a sanctionné dans son avis du 4 mai 2012 en considérant un manque de précision à la notion « de faveurs sexuelles ».

B)  La nouvelle évolution  définition

Dans un avis n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 le conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l’ancien article 222-33 du code pénal, qui définissait le harcèlement sexuel fait de l'imprécision de sa rédaction comme contraire au principe de légalité des délits et des peines, créant par cet avis suprême un vide juridique.
La loi N° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, adoptée à l'unanimité par le Parlement, est venue combler le vide juridique. ( publiée au  Journal Officiel 7 août -2012.entrée en vigueur le 8 août 2012).
Une circulaire du 7 août 2012 JUS D 1231944 C-N° CRIM 2012 -15 / E8 présente les principales modifications de droit pénal et de la procédure pénale résultant de la nouvelle loi.
Enfin une Circulaire DGT 2012/14 du 12 novembre 2012 relative au harcèlement et à l’application de la loi n°2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel  : NOR :ETST1237228C a renforcé la  lutte contre le harcèlement sexuel dans l’entreprise en insistant sur la prévention des risques liés au harcèlement sexuel et moral, notamment par l’affichage des dispositions du code du travail et du code pénal sur le harcèlement sexuel et moral.

Faut -il des actes de toute nature, en vue de l'obtention de faveurs de nature sexuelle ?

Quelle volonté faut-il atteindre quel objectif  ?

II- La définition et les sanctions

A)  Définition

1°) Une définition  plus précise et plus large dans l’article 222-33 du code pénal

I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :

1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur de quinze ans ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.

 Le « chantage sexuel » est assimilé au harcèlement sexuel 
2°)  dans le  code du travail : articles 1153-1 à 1153-6

Le  devoir de vigilance et de sécurité de l'employeur sera abordé plus bas.

Article L 1153-1

Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Article L1153-2

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.

Les relations de travail, le révèlent souvent, puisqu'elles supposent une situation de pouvoir, d'autorité d'un supérieur et supposent par essence un lien de subordination avec l'employeur. Il faut entendre par là un collègue, un supérieur hiérarchique de la victime, un tiers ...

ce harcèlement aura des conséquences sur l’emploi, la carrière, les conditions de travail et la santé du salarié..

B)  Les sanctions

1°- Des sanctions pénales aggravées

Il s'agit d'un délit du ressort du Tribunal correctionnel, qui comme tout délit est composé d'un élément matériel et d'un élément intentionnel et l'auteur de tels faits avérés serait sans doute bienvenu  à justifier qu'il se fait suivre médicalement dans ce cadre.

a) issues de l’article 222-33 du code pénal :

Les deux délits sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, portés à trois ans et 45 000 euros en cas de circonstances aggravantes (relation d'autorité, victime mineure de 15 ans ou vulnérable...).

Les personnes physiques ou morales coupables de harcèlement sexuel encourent également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion du jugement de condamnation pénale.

b)  le  risque de requalification en délit d’agression sexuelle

Il s’agit de tout acte impudique, directement exercé sur une personne de l'un ou l'autre sexe, sans qu'elle y ait consenti et sans pénétration de sa personne.

Ex attouchements ou caresses du sexe, des fesses, des cuisses, de la poitrine éventuellement accompagnés de baisers sur le corps ou la bouche...

L'agression sexuelle exige également une intention coupable consistant dans la connaissance du fait de commettre un acte immoral ou obscène contre le gré de la victime.

- à l'égard d'une victime ordinaire : 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende,

- sur une victime vulnérable : 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. Article 222-27 du code pénal 

2°- Une sanction disciplinaire dans le cadre du travail possible

Article L1153-6 du code du travail

« Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire. »

a) Quelles sanctions ?

 Article L1155-2 du code du travail

Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3 du présent code.

La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l'amende encourue.

L'employeur poura aller jusqu'au licenciement pour faute grave ( point abordé dans un prochain article)

III  La preuve du délit  dans L’analyse du degré d’inconvenance: Illustrations

A) La  preuve libre du délit

article L1154-1 du code du travail

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Cette question de fait est appréciée souverainement au regard des éléments fournis ( ex lettres, attestations, mail, sanction abusive, éléments médicaux…)

Le demandeur devra prouver par tous moyens  l'existence du harcèlement.

Quelle riposte en défense ?

- Plaider à la fausseté des faits

- Indiquer que les faits ne rentrent pas dans la définition du harcèlement sexuel

- Demander des mesures d’instruction ( ex enquête psychiatrique..) qui peuvent aussi d’office ordonnées par le juge.

- Démontrer le cas échéant que la sanction contre un salarié est étrangère au harcèlement ( ex licenciement, mise à pied)

Depuis la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les intéressés sont, non seulement protégés contre toute sanction ou licenciement, mais encore contre toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment, en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat article  (L. 1153-2 du code du travail.

A noter que l’article L 1153-3 Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7  protège le témoin de ces faits

« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »

Une sanction ou un licenciement pris à l'encontre du salarié victime ou témoin d'un harcèlement sexuel seraient donc nuls de plein droit articles. L. 1153-1 et L. 1153-4 du code du travail

Le salarié aurait alors un droit à réintégration s’il le sollicite ou à défaut il aura droit aux indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice subi avec paiement de son préavis, Cass. Soc., 27 juin 2000).

Une indemnité minimale de six mois de salaires brut sera due ici « quelle que soit l'ancienneté du salarié dans l'entreprise" Soc ,14 avril 2010

B)  Le degré d’inconvenance : une question de fait

1°) Le délit de harcèlement sexuel est une infraction intentionnelle.

Le caractère intentionnel sera apprécié en fonction du comportement matériel de l'auteur.

Ainsi des messages sentimentaux dépourvus de connotation sexuelle et ne comportant ni pression ni recherche de faveur sexuelle, dès lors qu’il existait entre deux intéressés une proximité de ton et des relations détendues ne sont pas constitutifs de ce délit.

Une certaine familiarité réciproque sera considérée pour ne pas condamner Soc 10 juillet 2013 Ainsi des courriels échangés juste avant le licenciement peuvent montrer  plus une relation amicale dans les réponses de la personne qui se dit harceler , alors qu’elle  terminait ses courriels par « bises »

Les tribunaux jusqu'à présent ont sanctionné des comportements multiples et répétés dans le temps.

Ils peuvent aussi requalifier les faits

Ex agissements répétés à l'égard d'une victime unique, ou d'une pluralité de victimes même s'ils sont uniques pour chacune d'elles, Cass. Crim., 20 nov. 2002., Cass. Crim, 18 février 2004 – Cass. Crim., 27 janvier 2007  

2°)    L’élément matériel et l'analyse de l'attitude

Une simple coloration sexuelle ne suffit pas. Il faudra aussi  un certain degré d'inconvenance.: de gros lourds, une grossièreté en un mot des propos sexuels suffisamment grivois et déplacés.

Quand commence le harcèlement sexuel et quand se termine la séduction personnelle en tout respect, de l’expression de ses sentiments ?

Quels actes retenir ?

Pléthore d’exemples tant en droit pénal que social sur la définition admise

- de longs courriers manuscrits, de nombreux courriels aux termes desquels il lui faisait des propositions et des déclarations, des invitations et des bouquets de fleurs. Cass.Soc, 28 janvier 2014, pourvoi  n° 12-20.497 suite au licenciement pour faute grave d’un salarié : une   différence d’âge, d’ancienneté dans l’entreprise et de situation professionnelle aurait dû inciter  ce salarié à plus de réserve et de respect vis-à-vis d’une salariée nouvellement embauchée

-un comportement d'obsédé sexuel  CA Pau, 22 octobre 1997 ; CA Lyon, 26 novembre 1998 .

-refuser de tenir compte de manifestations de "refus clair et dénué d'ambiguïté" de la victime, et se livrer à des gestes et contact "non désirés par elle" et "contre sa volonté" Cass. Crim, 21 novembre. 2007,

– des propos à caractère sexuel par l'envoi de messages électroniques, hors du temps et du lieu de travail Cass. Soc, 19 octobre 2011 ;  déplacés ou obscènes Cass. Soc, 1er décembre. 2011 ;

– une multiplication de cadeaux, d'appels et de messages téléphoniques Cass Soc, 3 mars 2009

- Les promesses de promotions, de meilleures conditions de travail ou autres avantages en échange de rapports sexuels Cass. Crim, 20 novembre 2002 ;

– des gestes déplacés ayant une évidente connotation sexuelle Cass. Soc, 30 novembre. 2005 ;  ou une attitude particulièrement inconvenante qui a choqué leur pudeur Cass. Soc, 12 mars 2002 ;

- la tentative d'un cadre d'embrasser une salariée contre son gré, sur le lieu de travail, de l'emmener à son domicile en renouvelant des avances de nature sexuelle, de l'appeler fréquemment par téléphone en dénigrant la relation affectueuse que celle-ci entretient avec un tiers Soc, 24 septembre 2008.

-Le fait d’exercer sur ses salariées une pression quasi quotidienne par ses allusions à connotation sexuelle et ses gestes déplacés pour obtenir des faveurs de nature sexuelle Crim, 30 septembre 2009

-Le fait d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel et caractérise une faute grave y compris lorsque les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail Cass Soc, 11 janvier 2012  

- de refuser de tenir compte de manifestations de "refus clair et dénué d'ambiguïté" de la victime, et de se livrer à des gestes et contact "non désirés par elle" et "contre sa volonté" Cass. Crim, 21 novembre 2007,  

-le fait d'envoyer des emails à caractère pornographique et de piquer une salariée aux fesses avec un stylo " CA Paris 18 mai 2011

En l'absence de coloration sexuelle certains agissements pourraient  être qualifiés de harcèlement moral.

Dans un  autre article publié ce jour, j'aborde  l'obligation de sécurité de l'employeur dans la cadre du harcèlement moral (II)

Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm

Sabine HADDAD

Avocate au barreau de Paris


En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés. En savoir plus - CGU
OK