Port du voile : sanction d'une automobiliste et procédure d'urgence relancent le débat

Publié par Documentissime le 26/04/2010 | Lu 7053 fois | 0 réaction

A Nantes, une femme a été verbalisée alors qu'elle conduisait vêtue d'un niqab. Pour les fonctionnaires de police, conduire avec un tel voile ne constituait pas une conduite dans des conditions aisées et justifiait une contravention. L'intéressée a contesté cette décision jeudi 22 avril, au moment même où il est question de recourir à la procédure d'urgence afin qu'une loi interdisant le port du voile intégral soit votée avant l'été.

Le port du niqab au volant sanctionné

La jeune femme, de nationalité française et âgée de 31 ans, porte le niqab depuis neuf ans. Alors qu’elle conduisait dans les rues de Nantes, les forces de l’ordre lui ont infligé, le 2 avril 2010, une amende au motif que conduire ainsi voilée n’est pas fonctionnel, voire dangereux. Le niqab dévoile uniquement les yeux à la différence de la burqa qui consiste en un voile intégral.

La conductrice a précisé que deux agents de police lui ont demandé de s'arrêter et qu’elle a obtempéré, leur présentant ses papiers d’identité ainsi que les documents relatifs à son véhicule. Elle a tenu à préciser qu’au moment du contrôle, elle a dévoilé son visage afin que les fonctionnaires puissent pleinement vérifier son identité.

Un des deux policiers lui aurait alors annoncé qu'il allait la verbaliser au motif que sa tenue vestimentaire présentait un risque pour la sécurité. Choquée par cette décision, la jeune femme considère cette amende comme une pratique discriminatoire.

Le procès-verbal constatant l’infraction fait référence à l'article 412-6 du Code la route. L’amende infligée s’élève à 22 euros et se fonde sur une circulation dans des conditions non aisées, le champ de vision étant fortement limité.

« C'est laissé à la libre appréciation de l'agent verbalisateur. Cet agent a fait son travail. Il a estimé que dans ces circonstances, il y avait un risque pour la sécurité » a soutenu la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP).

L’avocat de la nantaise a déclaré que conduire dans de telles conditions ne constituait ni une infraction au Code de la route, ni une violation d’une règle juridique. Il a également comparé la situation de la jeune fille avec celle des membres du GIGN conduisant cagoulés, estimant non fondée la sanction de la première alors que les gendarmes ne font l’objet d’aucune condamnation.

Il appartient désormais au juge de proximité de trancher ce litige, la contravention ayant été remise en cause devant le ministère public.

 

Le possible recours à la procédure d’urgence

Le Conseil d’Etat a estimé qu’une interdiction générale serait attentatoire aux droits et libertés de chacun, notamment pour les personnes portant le voile intégral de leur plein gré. En revanche, il a considéré que l'obligation de maintenir le visage à découvert peut être justifiée par des impératifs de sécurité ou de lutte contre la fraude, par exemple dans certains lieux tels que les gares ou les hôpitaux.

Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a néanmoins déclaré cette semaine être favorable à l’adoption d’une loi générale interdisant le port du voile intégral en France.

« Je conçois parfaitement qu'on passe par un projet plutôt que par une proposition pour favoriser un consensus, commente le patron du groupe UMP de l'Assemblée. À condition qu'on garde la maîtrise du calendrier. C'est pour ça que j'ai tout de suite demandé l'urgence ».

Le gouvernement va donc déposer un projet de loi au mois de mai prochain, texte qui sera ensuite soumis au Parlement en juillet, la session extraordinaire devant s'achever vers le 20 juillet.

Avec la procédure d'urgence, une seule lecture est organisée à l'Assemblée nationale et au Sénat au lieu de deux habituellement. Le recours à une telle procédure permettrait de voter la loi contre la burqa avant l'été, du moins si le gouvernement parvient à susciter un assentiment autour de son idée.

Au sein de la majorité présidentielle, Bernard Accoyer, pourtant favorable à l'interdiction absolue de la burqa, a toutefois contesté un éventuel recours à cette procédure. Il a également précisé que « la Constitution permet désormais aux présidents des deux Assemblées de s'y opposer » et affirmé que Gérard Larcher, le président du Sénat, allait dans le même sens.