Pensions de retraite et allocations familiales : nouveaux éléments permettant d'évaluer les ressources du conjoint

Publié par Julie TROUPEL le 22/11/2010 | Lu 8137 fois | 1 réaction

La jurisprudence favorable aux épouses divorcées ayant sacrifié leur carrière professionnelle pour se consacrer à leur seule famille s'était quelque peu essoufflée. Un vent nouveau, poussé par la loi du 9 novembre 2010, devrait rétablir le protectionnisme prétorien à l'égard du conjoint qui souffrirait d'un grossier écart de qualité de vie, une fois son divorce prononcé. En effet, le législateur a modifié une disposition du Code civil en matière de calcul par le juge de la prestation compensatoire : désormais il devra prendre en compte pour ce calcul, les droits à la pension de retraite du conjoint divorcé. Par ailleurs, la cour de cassation a récemment (mercredi dernier) indiqué que les allocations familiales peuvent être prises en compte au titre des ressources d'un parent pour le calcul de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.

Les pensions de retraites : nouveau critère pour le calcul de la prestation compensatoire

L'article 101 de la loi (n°2010-1330) du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, ajoute  à l'article 271 du Code civil, un nouvel élément à prendre en considération par le juge, pour que ce dernier fixe le montant de la prestation compensatoire à verser à l’un des conjoints défavorisés par un divorce.  

Désormais, « la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible » (article 271 cité ci-devant), le juge doit prendre en considération outre :

  • La durée du mariage ;
  • L’âge et l'état de santé des époux ;
  • La qualification et la situation professionnelles des époux ;
  • Les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune, pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
  • Le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
  • Leurs droits existants et prévisibles.

Il devra désormais prendre en compte la situation respective des conjoints en matière de pensions de retraite et estimer, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances liées aux choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune.

Quid de la prestation compensatoire

Alors qu’une pension alimentaire est versée au conjoint envers laquelle on est tenu d'une obligation de secours, la prestation compensatoire, quant à elle, a pour objet de compenser la baisse de niveau de vie consécutive à un divorce.

Une prestation compensatoire n’intervient donc qu’au moment du divorce, quel que soit le cas de divorce ou la répartition des torts.

Elle a un caractère forfaitaire et prend la forme d'un versement en capital ou à titre exceptionnel d'une rente viagère.

Les époux peuvent s’entendre pour déterminer le montant de cette prestation, à défaut il appartient au juge d’en calculer le montant en s’appuyant sur les critères légaux (article 271 du Code civil).

Les époux peuvent formaliser leur accord par la convention des époux en cas de divorce par consentement mutuel, ou dans les autres cas, par un accord homologué par le juge, à condition qu’il respecte les intérêts des enfants.

En tout état de cause, pour aider le travail du juge, les époux doivent certifier sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoines et conditions de vie et le juge peut exiger des justificatifs.

La prestation compensatoire peut être versée sous forme d’attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit ou de rente à vie. 

En cas de changement important de la situation du débiteur, celui-ci peut demander au juge la révision des modalités de paiement de la prestation compensatoire.

Allocations familiales : ressources prises en compte dans le calcul de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants

Tout comme la prestation compensatoire, avant d’établir le montant d’une indemnité pesant sur l’époux en faveur de l’autre, le juge doit expertiser les ressources de chacune des parties.

Le 17 novembre 2010, la première chambre civile de la cour de cassation, énonce que les allocations familiales perçues par un parent, doivent être prises en compte au titre de ses ressources permettant de déterminer la contribution qu’il est à même de verser pour l’entretien et l’éducation de ses enfants.

Les juges du fond (Cour d’appel de Rouen) ainsi que les juges de première instance ont eu la même analyse que la cour de cassation.

En l’espèce, la mère de l’enfant s’est vue diminuer le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, au motif qu’elle était bénéficiaire des allocations familiales. Selon elle, cette aide ne pouvait être considérée comme une ressource, étant destinée aux seuls enfants.

Quid de la contribution des Parents à l'entretien et à l'éducation des enfants 

Contrairement à la prestation compensatoire, cette contribution ne naît pas du divorce, mais est une obligation qui pèse sur les conjoints pendant le mariage.

Le Code civil impose à chaque parent de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

Même si la question de la contribution peut être abordée au cours du mariage, généralement elle se pose lors de la séparation du couple.

Il appartient au Juge aux Affaires Familiales de fixer les modalités relatives à la contribution de chaque parent à l’entretien et l’éducation des enfants.