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Observation sur la dernière réforme de la procédure civile

Publié par Pascal GORRIAS le 23/12/2010 | Lu 17132 fois | 1 réaction

Le Décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale est entré en vigueur le 1er décembre 2010.


Ce Décret n’est pas sans incidence pratique pour les professionnels du recouvrement puisqu’il impose notamment, à peine de nullité, la signification des pièces et l’apposition de nouvelles mentions sur les assignations devant la juridiction de proximité, le Tribunal d’Instance et le Tribunal de Commerce. L’article 14 du Décret n°92-755 du 31 juillet 1992, qui doit être rappelé  sur les assignations devant la Juge de l’Exécution, est également (légèrement) modifié.

L’objet du Décret, qui met en œuvre les propositions de la commission Guinchard, est la consolidation des écritures des parties dans le cadre des procédures orales et de l’activité judiciaire et extrajudiciaire des conciliateurs de justice.
Le Décret porte également sur l’allègement de la procédure de rectification  d’erreur matérielle des décisions judiciaires et la mise en œuvre de la convention de Lugano du 30 octobre 2007 relative à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (désignation des autorités de certification des décisions destinées à circuler au sein des Etats parties à la convention).

Incitation à la conciliation devant la Juridiction de Proximité, le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Commerce et le Tribunal paritaire des baux ruraux
Le Décret ne comporte pas d’innovation majeure en dehors du caractère interruptif de la demande de conciliation (article 830 du Code de Procédure Civile).
Le mécanisme de la conciliation, déjà existant et qui a peu de succès, veut manifestement être favorisé. Sans doute dans l’intérêt d’une bonne justice, peut-être aussi parce qu’il s’agit d’un service assuré par des bénévoles.  Il n’est pas certain que la réforme lui apporte plus de succès dans la mesure notamment ou les pouvoirs du conciliateur dépendent pour beaucoup de la volonté des parties. En outre, l’essentiel du contentieux se fait par l’intermédiaire d’avocats qui tentent naturellement de concilier les parties, lorsque cela est possible.
En revanche, il faut noter une disposition pratique importante concernant les pouvoirs du juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution (devant toutes les juridictions).
En vertu du nouvel article 171-1 du Code de Procédure Civile, ce juge pourra en effet être saisi pour constater la conciliation, même partielle, des parties.

Suppression de l’audience en cas de demandes de rectification de Jugement
Le nouveau principe institué par l’article 462 du Code de Procédure Civile, en matière de rectification d’erreur matérielle et omission matérielle, est que le Juge statue sans audience, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties. C’est une disposition louable dans la mesure où ces affaires étaient jusque là inutilement rappelées en audience.

Certification des titres exécutoires français et étrangers
Le Décret prévoit, en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, que les requêtes aux fins de certification des titres exécutoires français en vue de leur reconnaissance et de leur exécution à l’étranger sont présentées au Greffier en chef de la Juridiction concernée et,  en matière de droit de visite et retour de l’enfant, au Juge qui a rendu la décision.

Le Décret précise que ces requêtes sont dispensées du ministère d’avocat (article 509-1 du Code de Procédure Civile).
En revanche, les requêtes aux fins de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire, sur le territoire de la République, des autres titres exécutoires étrangers, sont présentées au greffier en chef du Tribunal de Grande Instance et, semble-t-il, en l’absence de disposition contraire, par Ministère d’Avocat (article 509-2 du Code de Procédure Civile).
Enfin, les requêtes aux fins de certification, de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire des actes authentiques notariés sont présentées au président de la chambre des notaires (article 509-3 du Code de Procédure Civile).
 
Les principales modifications concernent la procédure orale

Le nouvel article  446-1 du Code de Procédure Civile (tronc commun) est ainsi rédigé :
« Les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien.
Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit.
Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
Lorsqu’une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d’ordonner que les parties se présentent devant lui. »
Cette nouvelle disposition est reprise dans les articles du Code pour chaque juridiction concernée.
Le principe de l’oralité est maintenu mais, dans les cas prévus par les textes, le Jugement peut-être rendu contradictoirement sans que les  parties ne se présentent à l’audience.
Cette entorse à l’égalité des parties (demandeur présent, au moins à la première audience, et défendeur absent) et à l’oralité des débats avait déjà été initiée dans le cadre de la procédure applicable devant le Juge de l’Exécution.
Il convient en effet de rappeler les dispositions de l’article 14 du Décret n°92-755 du 31 juillet 1992, tel que modifiées en 1996 :
« En cours d'instance, toute partie peut aussi exposer ses moyens par lettre adressée au juge de l'exécution, à condition de justifier que l'adversaire en a eu connaissance avant l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l'audience. Le Jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d’ordonner que les parties se présentent devant lui. »

Devant le Tribunal d’instance et la Juridiction de Proximité
L’article 837 nouveau du Code de Procédure Civile ajoute aux mentions obligatoires de l’assignation le rappel des dispositions du nouvel article 847-2 et fait obligation au demandeur de signifier avec l’assignation les pièces énumérées dans le bordereau.
De même, la saisine par déclaration au Greffe pour les demandes inférieures à 4.000,00 euros (article 843 du Code de Procédure Civile) doit désormais contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande et les pièces justificatives doivent être jointes en autant de copies que de parties.
L’article 847-2 nouveau du Code de Procédure Civile est ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
 
L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées. »
Cette disposition ne concerne donc que les débiteurs qui se bornent à solliciter des délais de paiement, sans autres moyens de défense. Ces débiteurs peuvent écrire à la Juridiction en joignant les pièces que le demandeur va vraisemblablement découvrir sur l’audience seulement.
Cependant, il est à craindre que le défendeur ne se limite pas à cette demande et forme d’autres contestations qui, en principe, n’ont pas à être examinées par la juridiction. On peut craindre néanmoins une dérive de la pratique dans la mesure où le Juge doit s’assurer que les demandes sont régulières, recevables et bien fondées; le juge pourra donc difficilement rester indifférent aux contestations du défendeur formées par courrier, quoiqu’il n’ait pas à y répondre. Le texte ne prévoit pas que le Juge puisse renvoyer le dossier dans une telle hypothèse. On verra comment les choses se passent en pratique.
Il faut observer que le demandeur, à la différence du défendeur-débiteur qui sollicite des délais de paiement,  a toujours l’obligation de comparaître à la première audience.
 
Il convient ainsi d’ajouter la mention suivante sur les assignations :
«LA DEMANDE INCIDENTE TENDANT A L’OCTROI D’UN DELAI DE PAIEMENT EN APPLICATION DE L’ARTICLE 1244-1 DU CODE CIVIL PEUT ETRE FORMEE PAR COURRIER REMIS OU ADRESSE AU GREFFE. LES PIECES QUE LA PARTIE SOUHAITE INVOQUER A L’APPUI DE SA DEMANDE SONT JOINTES A SON COURRIER. LA DEMANDE EST COMMUNIQUEE AUX AUTRES PARTIES, A L’AUDIENCE, PAR LE JUGE, SAUF LA FACULTE POUR CE DERNIER DE LA LEUR FAIRE NOTIFIER PAR LE GREFFIER, ACCOMPAGNEE DES PIECES JOINTES, PAR LETTRE RECOMMANDEE AVEC ACCUSE DE RECEPTION.
L’AUTEUR DE CETTE DEMANDE INCIDENTE PEUT NE PAS SE PRESENTER A L’AUDIENCE. »
 
Il est également recommandé de préciser que les pièces sont signifiées avec l’assignation.
 
La mise en état devant le Tribunal d’instance et la Juridiction de Proximité
L’article 847-1 nouveau du Code de procédure Civile prévoit :
« Le juge qui organise les échanges entre les parties comparantes peut, conformément au second alinéa de l’article 446-1, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal dans les délais que le juge impartit. »
Il s’agit d’une mise en état entre les parties comparantes, ce qui implique que demandeur et défendeur soient présents ou représentés à la première audience.
Cette disposition a pour but de favoriser les calendriers de procédure avec rappel à des audiences de mise en état écrites, pour éviter les déplacements inutiles.
Cependant, cela va bien plus loin si l’on considère que le renvoi de l’article 847-1 du Code de Procédure Civile à l’article 446-1 implique que les parties, sur dispense du Juge, peuvent ne pas se présenter à l’audience de jugement.
Ce qui, au passage, n’est pas une avancée du principe du contradictoire puisque une seule des parties peut-être amenée à donner des explications orales au soutien de son dossier.
Il est également permis de présenter des écritures récapitulatives avec abandon des moyens non rappelés dans les dernières prétentions écrites.
 
Devant le Tribunal de Commerce
Les modifications sont identiques à celles du Tribunal d’instance et de la Juridiction de Proximité.
L’article 855 du Code de Procédure Civile est ainsi modifié et prévoit la mention des dispositions de l’article 861-2 du Code de Procédure Civile sur l’assignation.
Il en est de même pour la mise en état.
Il convient donc de prévoir les mêmes modifications sur les assignations.
 
Devant la  Cour d’Appel
Seul l’article 946 du Code de Procédure Civile est modifié : Désormais, la cour ou le magistrat chargé d’instruire l’affaire qui organise les échanges entre les parties comparantes peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1.
Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès de la cour dans les délais qu’elle impartit.
 
Devant le Juge de l’Exécution
Le même mécanisme de mise en état sans comparution à l’audience et par échange de courriers recommandés ou de notification entre avocats est institué.
L’article 14 du Décret du 31 juillet 1992 est légèrement modifié puisqu’il est uniquement précisé que la partie qui use de la faculté de ne pas se présenter le fait en application de l’article 446-1 du Code de Procédure Civile.
Devant la Juge de l’Exécution, il est clairement prévu que les parties (demandeur et défendeurs) ont la possibilité de voir leur affaire examinée contradictoirement en leur absence et de voir le Juge statuer sur tous leurs moyens.
 
Devant les juridictions de la sécurité sociale
Les mêmes dispositions relatives à la mise en état sont mises en place.
 
Au total, devant les juridictions orales affectées par la réforme :
-soit le défendeur se borne à solliciter des délais de paiement par simple courrier, sans comparaître, et un jugement contradictoire pourra être rendu,
-soit le défendeur comparait et le Juge fixe une audience de plaidoirie à laquelle les parties peuvent être dispensées de comparaître; dans ce cas, un jugement contradictoire pourra être rendu sur tous les moyens soulevés dans les prétentions écrites des parties,
On comprend que le souci est d’alléger le fonctionnement juridictionnel plus que d’assurer une meilleure qualité de la défense et du contradictoire.
Le recul de la plaidoirie n’est pas aussi celui de la communication, de l’éclairage du dossier et parfois même, de la conciliation ?
La pratique nous enseignera sur la portée réelle de la réforme.
Néanmoins, il est déjà sûr que celle-ci  va avoir d’importantes répercussions sur le coût des assignations, des copies et des frais de timbres supportés par le créancier.
 
 
 Pascal GORRIAS
Avocat à la Cour
pascal.gorrias@cabinetgorrias.com

7 décembre 2010
 


Les derniers commentaires (1)
Benoit a écrit le 21/09/2015 à 12:25:34
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Bonjour,
ayant pris contact avec le Juge de l'exécution pour contester une décision du TI à mon encontre dont les convocations et notifications avaient été faites à mon ancienne adresse, j'ai reçu du greffe du JEX un courrier type m'informant que la saisine ne pouvait être faite que par assignation délivrée impérativement par huissier(loi 9 juil.91, art. 8 à 16 décret 31 juil. 92 modifié). Ceci contredit le principe du l'échange de lettre RAR évoqué ci-dessus il me semble.

Cdlt

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