Lorsqu' "a travail égal, salaire égal" ne se limite pas à "a fonction égale, salaire égal"

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 11/08/2010 | Lu 7086 fois | 0 réaction

Quel que soit le sexe des personnes concernées, on sait aujourd'hui que deux salariés qui exercent la même fonction au sein d'une même structure et qui sont dans une situation équivalente d'ancienneté, de responsabilité et de niveau de diplôme en rapport avec les tâches demandées doivent nécessairement avoir la même rémunération. La différenciation entre ces personnes peuvent se justifier uniquement par les éléments objectifs précités dont il est prouvé par l'employeur la pertinence (à ce sujet, voir "A diplôme différent, salaire différent pour le même poste" sur le site juritravail.com). La chambre sociale de la Cour de cassation vient, dans une décision rendue le 6 juillet dernier, d'aller encore un peu plus loin dans la compréhension de l'adage "A travail égal, salaire égal" en rappelant une disposition du Code du travail sur l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.

L'affaire qui nous intéresse a été portée par une salariée et repris par les juges au visa de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Toutefois, je ne m'attarderais pas et ne reviendrais pas sur ce sacro-saint principe maintes fois repris non par dédain de la gente féminine (loin de moi cette idée !) mais simplement pour me concentrer uniquement sur le principe juridique plus général "A travail égal, salaire égal" et la précision qu'apporte cet arrêt indépendamment du sexe des parties concernées (la même solution aurait été rendue si l'affaire avait été portée par un homme... même si, on pourrait peut-être douter de l'existence de cette affaire si la demanderesse était un demandeur...).

En l'espèce, donc, une salariée qui avait le statut d'agent de maitrise avec un poste à responsabilité (responsable des affaires juridiques, des services généraux et de la gestion du personnel) bénéficie d'une promotion, suite à un transfert de contrat, comme responsable des ressources humaines, du juridique et des services généraux avec un statut de cadre. Un an plus tard, la salariée fait l'objet d'un licenciement et décide de porter l'affaire en justice afin de réclamer, entre autres, le rappel de salaire pour discrimination en raison de son sexe.

En l'occurence, la salariée reprochait de ne pas avoir une rémunération équivalente aux directeurs chargés de la mise en oeuvre de l'activité commerciale de l'entreprise qui, bien qu'exerçant des fonctions différentes, avaient une rémunération nettement supérieure à celle versée à la salariée. L'employeur, pour se défendre, a évoqué qu'il ne peut y avoir de discrimination salariale que pour autant qu'il est possible de comparer la situation du salarié qui en invoque l'existence avec la rémunération d'autres salariés placés dans une situation identique ou encore effectuant un travail de valeur égale. En outre, il reproche aux juges de s'être substitué à l'employeur dans l'organisation de son service en se livrant à une comparaison de l'importance des différents services.

La Cour de cassation (qui statuait une deuxième fois après renvoi), a rejeté ses arguments en invoquant, d'une part, que l'employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et, d'autre part, l'article L. 3221-4 du Code du travail qui précise que sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Cet arrêt est ainsi l'occasion de rappeler que le Code du travail ne limite pas l'adage "A travail égal, salaire égal" à l'exercice d'une même fonction. En effet, celui-ci évoque la notion de travail à valeur égale et renvoi à une appréciation finalement subjective basée sur un ensemble d'éléments qui relèvent de l'appréciation des juges du fond ceux-ci n'étant pas liés par l'appréciation générale de l'employeur sur l'organisation de ses services. Toutefois, en l'espèce, la salariée faisait partie des personnes les plus diplômées de la structure (bac +5 qui la place du 2nd rang) et les plus anciennes, tout en faisant partie, au même titre que les autres responsables, du comité de direction, et en exerçant une fonction exigeant des capacités comparables et représentant une charge nerveuse du même ordre.

Cass. soc. 6 juillet 2010, 09-40021, publié au bulletin