Les preuves présentées par le salarié pour qualifier un temps de trajet domicile-lieu de travail d'anormal ne sont pas suffisantes

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 19/11/2010 | Lu 7541 fois | 0 réaction

Se déplacer jusqu'à son lieu de travail a un coût. Selon que l'on vit à 5 minutes à pied du travail ou à 2h, à plus ou moins une heure près en fonction des bouchons, des grèves ou des retards, le coût du déplacement ne sera pas le même. Et tout cela peut devenir un véritable manque à gagner pour le salarié qui doit le déduire (ou non) de son salaire. Alors si en plus, votre employeur vous demande de modifier votre lieu de travail et que cela a pour conséquence un allongement du trajet, n'aurait-on pas le droit d'exiger une juste compensation si on produit les preuves de son anormalité ? La chambre sociale de la Cour de cassation a répondu à cette question le 9 novembre dernier.

Aujourd'hui, les salariés bénéficiaires d'un titre d'abonnement aux transports publics profitent d'une prise en charge égale à la moitié de la valeur mensuelle de ce titre. En revanche, ceux qui utilisent leur véhicule personnel pour se rendre au travail dépendent du bon vouloir de leur employeur ou de l'application d'un texte collectif. Si rien n'est prévu, le déplacement des frais restent donc à leur charge. En effet, le temps de déplacement domicile-lieu de travail est du temps non effectif contrairement au temps de travail qui est du temps effectif justifiant une rémunération et étant pris en compte dans le calcul des heures de travail (Cass. soc. 5 novembre 2003).

Dans l'affaire qui nous intéresse, un formateur en soudage décide de faire appel aux magistrats d'une demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, de primes sur treizième mois et de dommages-intérêts pour perte de repos compensateur. En effet, il reproche à son employeur de ne pas avoir pris en compte tous ces temps de trajet domicile-lieu de travail dépassant le temps normal pour aller au travail.

Pour les juges du fond, le rappel de salaires est parfaitement justifié puisque "le temps de trajet mis par le salarié pour rejoindre les centres indiqués par l'employeur afin d'y prodiguer son enseignement excédait le temps de trajet nécessaire et habituel entre son domicile et son lieu d'affectation".

La chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi de l'employeur, casse et annule l'arrêt rendu en appel. En effet, la Cour de cassation reproche aux juges de ne pas avoir recherché "si les temps de trajets effectués par M. X... pour se rendre sur les différents lieux de ses activités de formation avaient excédé le temps normal de trajet d'un travailleur entre son domicile et son lieu de travail". Les juges du fond n'avaient effectivement pas opérer la vérification puisqu'ils estimaient, au regard des documents produits par les parties, qu'il n'apparaissait pas opportun d'ordonner une expertise, les documents produits par le salarié n'apparaissant pas critiquables.

Cette motivation n'a pas suffit à la Cour de cassation qui exige des juges du fond de vérifier si réellement le trajet domicile-lieu de travail dépasse le temps de trajet normal afin de déterminer si une compensation financière aurait du être versée par l'employeur dans la mesure où le salarié était bien à la disposition de ce dernier sans pouvoir vaquer à ses obligations personnelles.

Cass. soc. 9 novembre 2010, n'08-45283