Les moyens de defense de la caution poursuivie en paiement

Publié par Anthony BEM le 11/09/2010 | Lu 18936 fois | 0 réaction

La caution poursuivie en paiement dispose de plusieurs moyens de défense afin de tenter de limiter ou d'anéantir son engagement. Selon les moyens de défense susceptibles de pouvoir être invoqués par la caution, celle-ci peut se défendre dans le cadre de la procédure : - Soit en agissant par voie de demande reconventionnelle en demandant la condamnation du créancier à des dommages et intérêts qui se compenseront avec les sommes dues au titre du cautionnement. - Soit en agissant par voie de défense au fond, sollicitant une décharge totale ou partielle du montant de son engagement de caution. Nous rappellerons donc successivement les multiples moyens de défense dont dispose la caution.

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Nous rappellerons donc successivement les multiples moyens de défense dont dispose la caution afin de tenter de limiter ou d’anéantir son engagement.

Le créancier ne peut poursuivre une caution que dans le strict respect des engagements souscrits. En invoquant les principes d'interprétation du contrat, la caution peut ainsi limiter l'étendue du recours du créancier (1).

La caution n'est pas tenue au paiement des intérêts si le créancier n'a pas respecté ses obligations d'information (2).

La caution peut également rechercher la responsabilité du créancier, soit pour non-respect du principe de proportionnalité (3), soit pour faute dans la distribution du crédit (4). Si la faute est établie, le créancier peut être condamné à des dommages et intérêts qui pourront, à certaines conditions, se compenser avec les sommes dues par la caution.

La caution peut être déchargée totalement ou partiellement, si par son fait, le créancier l'a empêchée d'être subrogée dans ses droits, c'est-à-dire si la caution a perdu la faculté d’obtenir le remboursement du débiteur principal à cause du créancier (5).

1 - Droit au respect des limites prévues au contrat de cautionnement

Tout d’abord, il convient d'analyser le document signé par la caution et rechercher quelle a été la volonté des parties.

Le juge doit, dans cette recherche, respecter certains principes d'interprétation généralement très protecteurs des intérêts de la caution.

A cet égard, l'article 2292 du Code civil dispose que : “le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté”.

Il découle de ce texte que tout doute quant à l'étendue de l'engagement doit profiter à la caution.

L'interprétation n'a cependant lieu d'être que si les clauses de l'acte sont imprécises ou ambiguës. Un acte clair n'a pas à être interprété.

Ensuite, il faut tenir compte de la nature du cautionnement souscrit et de certaines limitations conventionnelles qui ont pu être introduites à la demande de la caution.

 2 - Droit pour la caution d'invoquer le non-respect par le créancier de son obligation d'information

Les obligations d'information imposées au créancier sont aujourd'hui nombreuses : 

  • La caution doit être informée chaque année de la portée de son engagement et de sa faculté d'y mettre fin.

L’article L. 313-22 du Code monétaire et financier impose une obligation annuelle d'information à tout établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou morale.

L’article L. 341-6 du Code de la consommation prévoit que le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.

Si cet engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Ce texte n'est pas applicable aux situations consommées avant cette date (Cass. com., 13 févr. 2007).

Ces dispositions étant d'ordre public, il est interdit au créancier de faire renoncer la caution à son droit à l'information.

Il a été affirmé que les cautions "dirigeants" comme les cautions "profanes" pouvaient se prévaloir du non-respect de l'obligation d'information.

L'article 2293, alinéa 2, du Code civil énonce aussi que lorsque le cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l'évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

  • La caution doit également être informée des incidents de paiements intervenus.

En application de l'article L. 341-1 du Code de la consommation, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

En application de l'article L. 313-9 du Code de la consommation, toute personne physique qui s'est portée caution d'une opération de crédit à la consommation doit être informée par l'établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d'inscription au fichier à l'article L. 333-4. La loi n'est applicable que si le premier incident de paiement est intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi (Cass. com., 13 févr. 2007).

En application de l'article 47, II, de la loi du 11 février 1994, le créancier de la dette professionnelle d'un entrepreneur individuel ou d'une entreprise constituée sous forme sociétaire cautionnée par une personne physique est désormais tenu d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

La loi prévoit une sanction : la déchéance pour le créancier du droit aux intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la communication de la nouvelle information.

Seuls les intérêts conventionnels sont supprimés mais non les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, après mise en demeure.

3 - Non-respect par le créancier du principe de proportionnalité

Depuis la réforme réalisée par la loi Dutreil et l'introduction du nouvel article L. 341-4, du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

L'article L. 341-4 bénéficie à toute caution personne physique envers un créancier professionnel, de sorte que les dirigeants cautions sont protéger par le principe de proportionnalité pour mettre en cause la responsabilité de leur créancier (CA Rennes, 3 nov. 2005 – CA Douai, 17 janv. 2006 – CA Paris, 16 mars 2006 – CA Rennes, 14 avr. 2006 – CA Rouen, 12 sept. 2006) ;

L'exigence de proportionnalité instituée par l'article L. 341-4 du Code de la consommation vaut ainsi pour le gérant caution se sa société (CA Paris, 1er juin 2007 – CA Orléans, 16 oct. 2008 – CA Rennes, 16 janv. et 30 avr. 2009)

Par un arrêt du 3 février 2009, la cour de cassation précise que le caractère disproportionné de l'engagement au regard des revenus et du patrimoine de la caution s'apprécie à la date de la souscription et non à celui des poursuites.

Le 22 juin 2010, la cour de cassation a jugé que:

"selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement ; qu'il en résulte que cette sanction, qui n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice, ne s'apprécie pas à la mesure de la disproportion ; qu'ayant retenu que l'engagement de la caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la cour d'appel a, à bon droit, rejeté la demande de la caisse" (Cass. Com., 22 juin 2010, n° 09-67.814)

4 - Non-respect par le banquier dispensateur de crédit de son obligation de conseil ou de devoir de mise en garde

La caution peut invoquer la faute du créancier qui a manqué à son devoir de mise en garde en accordant un crédit excessif.

Le crédit peut avoir été consenti à un particulier ou à une entreprise.

Cependant, les juges considèrent que seuls les profanes bénéficient d'un tel devoir de mise en garde. L'emprunteur comme la caution avertie doivent démontrer que l'établissement de crédit avait des informations sur leur situation qu'eux-mêmes étaient en droit d'ignorer (Cass. com., 28 nov. 2006).

Lorsque la faute du créancier est établie, la caution a le droit à des dommages et intérêts qui peuvent se compenser avec les sommes dues au titre du cautionnement.

En matière de cautionnement d’entreprise, aucune obligation de conseil ou de devoir de mise en garde n'existe au profit du dirigeant caution cependant si la caution est profane ou non avertie elle va pouvoir bénéficier de cette protection particulière.

Pour cela, la Cour de cassation exige des juridictions du fond qu'elles s'assurent que la caution n'avait eu aucun rôle dans la gestion de l'entreprise (Cass. com., 31 mai 2005) ou dans la présentation du dossier de prêt (Cass. com., 1er juill. 2003).

La caution profane est celle qui ne bénéficie d'aucune formation comptable ou juridique sérieuse, qui n'est pas un opérateur économique averti (CA Nîmes, 17 nov. 2005).

Les dirigeants cautions sont le plus souvent considérés comme informés (Cass. com., 8 janv. 2008).

Cependant, un dirigeant non effectif peut être considéré comme non averti ou peut établir qu'il est profane alors même qu'il est véritablement un dirigeant s’il est néophyte ou incapable de mesurer le risque pris (CA Amiens, 11 oct. 2007 – CA Douai, 3 mai 2007 - CA Aix-en-Provence, 29 nov. 2007 – CA Toulouse, 23 janv. 2007).

Par un arrêt du 19 novembre 2009 (N°: 07-21382), la première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé l'obligation de mise en garde des établissements de crédit envers les cautions : http://legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/devoir-mise-garde-etablissements-credit-1380.htm

5 - Décharge de la caution par le jeu du bénéfice de subrogation

En application de l'article 2314 du Code civil, “La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution”.

Cette prérogative, reconnue à la caution, de se prévaloir de la faute du créancier est connue sous le nom de bénéfice de subrogation, est d'ordre public et bénéficie à l'ensemble des cautions sans que l'on ne puisse la remttre en cause contractuellement.

Comme l'a énoncé la Cour de cassation dans un arrêt de principe, il s'agit de tout droit préférentiel ou exclusif conférant un avantage particulier au créancier (Cass. com., 3 mai 2006).

La caution qui ne peut se prévaloir de la perte d'un droit préférentiel peut seulement engager la responsabilité civile du créancier (Cass. 1re civ., 17 mars 1998), c’est le cas lorsque le créancier a fait perdre à la caution le bénéfice de :

  • une cession de créance à titre de garantie (Cass. 1re civ., 30 sept. 1997),
  • une réserve de propriété (Cass. com., 27 févr. 1996),
  • un droit de propriété résultant d'un contrat de crédit-bail (Cass. com., 14 févr. 1995),
  • un droit de rétention (Cass. com., 25 nov. 1997).

Ainsi, la caution peut toujours se défendre afin de tenter de limiter ou d’anéantir son engagement.

Compte tenu de l'importance des sommes en jeu, l’assistance d’un avocat spécialisé est souvent indispensable afin que vos droits soient protégés et vos intérêts bien défendus.

Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire ou action.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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