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Le travail dissimulé : conditions et répression

Publié par Sarah GARCIA le 28/02/2014 - Dans le thème :

Entreprise et association

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Le travail dissimulé ou familièrement appelé "travail au noir" est lourde de conséquences pour l'employeur. En raison des implications, et de ses conséquences, toute action en justice doit être faite sur la base d'éléments objectifs et matériellement constatés. Il importe donc de voir les situations dans lesquelles il y a travail dissimulé et la répression en la matière.

Le législateur a progressivement renforcé la lutte contre le travail illégal. Le travail illégal vise les cas de travail dissimulé, le prêt illicite de main-d'oeuvre, le cumul irrégulier d’emplois, l’emploi irrégulier des travailleurs étrangers et la fausse déclaration en vue d’obtenir des revenus de remplacement.

Depuis la loi du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal, le terme de travail clandestin a été remplacé par celui de travail dissimulé afin d’éviter la confusion entre la situation des ressortissants étrangers ne disposant pas de titre régulier pour travailler ou de séjour et celle des travailleurs non déclarés par l’employeur.

Le dispositif de lutte contre le travail illégal a été renforcé par la loi du 16 juin 2011. Le travail dissimulé est défini et interdit par les articles L8221-1, L8221-2, L8221-3 et L8221-5 du Code du travail.

Le Code du travail vise deux types de situations. En cas de travail dissimulé, le contrevenant s’expose à des sanctions financières, pénales et administratives. Le salarié, victime dispose en outre de plusieurs voies pour faire reconnaître son préjudice.

I- CHAMP D’APPLICATION DU TRAVAIL DISSIMULE

La loi détermine les situations dans lesquelles il y a travail dissimulé.

Le Code du travail renvoie à deux hypothèses.

-          Le travail dissimulé par dissimulation d’activité (Article L8221-3 du Code du travail)

-          Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié (Article L. article L8221-5 du code du travail)

A-Le travail dissimulé par dissimulation d’activité

Quelles sont ces situations et les activités spécifiques visées ?

1-Les cas incriminés

Cette hypothèse a cours en cas de création de société ou d’entreprise.

L’article L8221-3 du Code du travail définit la dissimulation d’activité :

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. »

L'infraction est donc constituée par l'exercice d'une activité professionnelle sans l'accomplissement des formalités d'immatriculation au répertoire des métiers, au registre du commerce et des sociétés ou au registre des entreprises .

Lorsque l'immatriculation n'est pas obligatoire, c'est l'absence des déclarations obligatoires qui est sanctionnée. Ainsi, pour les professions libérales, agricoles et similaires, le délit de travail dissimulé est constitué par le défaut de déclarations obligatoires auprès des organismes fiscaux et de protection sociale.

La dissimulation d’activité est également constitué lorsque toute personne qui exerce une activité à but lucratif ne procède pas aux déclarations qui doivent être faites auprès des organismes de protection sociale de l'administration fiscale.

Est également constitutif du délit de travail dissimulé :

  • La poursuite d’activité à la suite d’une liquidation judiciaire ou après un refus d’immatriculation, ou encore après la radiation d’un registre professionnel,
  • L’absence d’immatriculation d’un établissement secondaire,
  • L’exercice d’une activité différente de celle pour laquelle l’immatriculation a été requise.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugée à propos du défaut d’inscription modificative au répertoire des métiers : « [] la demande d'inscription modificative audit répertoire étant une formalité obligatoire, son omission volontaire doit être assimilée au défaut d'immatriculation prévu à l'article L324-10. 1o du Code du travail » (Cass. crim. 23-5-1995 n° 93-85.460).

2-Les activités visées

L’article L8221-3 du Code du travail  énonce qu’il s’agit de « l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations ».

L’URSSAF précise qu’il s’agit de toutes activités des secteurs économiques de l’industrie et des services, les activités de commerce et de vente. En règle générale, il s’agit de toutes les activités lucratives qu’elles soient exercées par des travailleurs indépendants, des professions libérales, des sociétés ou tout autre personne morale.

B-Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié

Dans cette situation, c’est l’employeur qui est visé et non pas dans la création d’activité comme dans l’hypothèse précédente.

1-Les situations incriminées

L’article L8221-5 du Code du travail définit la situation de dissimulation d’emploi salarié.

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie. »

Ainsi, l’employeur qui ne déclare pas ses salariés et ne déclare pas la rémunération exacte commet un délit de travail dissimulé. De ce fait, la remise d’un bulletin de paie ne mentionnant qu’une partie de la rémunération versée est constitutive de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

L’employeur est susceptible d’être poursuivi pour infraction de travail illégal mais aussi une infraction fiscale ou infraction relative à la protection sociale.

  • La situation de travail dissimulé peut être déterminée lorsque l’employeur soutient que le travail est bénévole se caractérisant par une absence de contrat de travail et soutenant que les travailleurs sont des travailleurs indépendants, artisans, ou des professions libérales. Le juge a ainsi requalifié la relation en contrat de travail.

Ainsi le juge a décidé que : « sous le couvert de contrats de sous-traitance fictifs, le prévenu avait en connaissance de cause employé des salariés dissimulés » Cass. crim. 22 février 2000, n°99-84643.

Pour une entreprise commerciale, le bénévolat, de par son but non lucratif, ne peut constituer le moyen de pourvoir des postes nécessaires à la réalisation de l’objet social.

  • La jurisprudence a caractérisé la situation de travail dissimulé en cas d'emploi irrégulier de salariés, même à titre occasionnel« qu'il n'importe que le recours à ces pratiques ait été occasionnel, l'article L324-10 du Code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, ne faisant pas du caractère habituel une condition de l'infraction » Cass. crim. 30 juin 1995, n°94-82375.
  • Le travail dissimulé est aussi caractérisé en cas d’emploi d’un faux stagiaire« le statut dérogatoire de stage suppose que l'objectif de celui-ci soit en relation avec la formation de l'étudiant et qu'il y ait une convention avec l'établissement qui assure la formation, les tâches confiées à Ana-Maria Y... et Anna Z... n'étaient pas en rapport avec leurs études et l'organisme signataire de la convention de stage n'assurait aucune formation ; que les juges en déduisent que le délit de fourniture illégale de main-d'oeuvre à but lucratif est constitué à l'encontre de la société Actions langues qui savait que les emplois qu'elle proposait ne rentraient pas dans le cadre d'une convention de stage » ; Cass. crim 26 mai 2010, n°09-86095
  • Le travail dissimulé est aussi caractérisé par le fait de désigner des personnes comme étant cogérants alors qu’en réalité ces dernières étaient des salariés. Dans cette espèce,  les cogérants étaient en réalité des salariés de la SARL, élevés à ces fonctions pour dissimuler le montage juridique réalisé (Cass. crim. 21 juin 1999, n°98-88103).
  • Les travailleurs indépendants : Lorsqu’il est établi qu’un faux travailleur indépendant ou un faux auto-entrepreneur doit être requalifié en salarié, le donneur d’ordre qui a eu recours à ce dernier est considéré comme l’employeur de ce salarié dissimulé. Ainsi, nombre de "prestations de services" de faux indépendants sont requalifiées en contrats de travail.
  • Le cas du forfait jour : Le salarié titulaire d’un forfait jours voit son temps de travail décompté en jours et non plus en heures. Ainsi, sur le bulletin de paie, le nombre d’heures n’est pas mentionné. Dans une espèce, l’employeur a été condamné à verser une indemnité de six mois de salaire au titre du travail dissimulé : « Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait appliqué au salarié le système du forfait en jours sans qu'ait été conclue une convention de forfait en jours et relevé que ce cadre travaillait régulièrement plus de dix heures par jour, a fait ressortir le caractère intentionnel de l'absence de la mention, sur les bulletins de salaire, de toutes les heures accomplies au delà de la durée légale ».

Si le salarié démontre la volonté de l'employeur d'échapper à la déclaration de ces heures, il peut être considéré dans une situation de travail dissimulé puisque le bulletin de paie ne fait pas apparaître la réalité des heures effectivement travaillées et payées. Une fois encore, le travail dissimulé suppose que soit concrétisé le caractère intentionnel de la démarche de l'employeur.

Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, la sous-évaluation, pendant plusieurs années, d'un bulletin de paie caractérise le travail dissimulé : « Mais attendu que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L8221-5 du code du travail est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que les juges du fond apprécient souverainement l’existence d’une telle intention » Cass. soc. 20-6-2013, n°10-20507.

En cas de convention ou d’accord d’annualisation du temps de travail, il n’y a pas de délit de sous-évaluation du bulletin de paie (Cass. crim. 16-4-2013 n° 12-81.767).

2-      Les activités visées

L’URSSAF précise que toutes les activités, quelle qu’en soit la nature, pour laquelle il y a emploi de personnel salariés est concerné. 

Sont cependant exclues les travaux d’urgence dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir les accidents imminents ou organiser les mesures de sauvetage.

En ce qui concerne la dissimulation d’emploi salarié, la volonté de dissimuler doit être réelle.

La chambre criminelle de la Cour de cassation précise régulièrement que cette attitude doit être intentionnelle :   « Mais attendu que la dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L324-10 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué » (Cass. crim. 29 octobre 2003, n°01-44940).

II- La répression du travail illégal

Le législateur a organisé une protection du salarié en cas de travail dissimulé, la jurisprudence en précise les contours. Par ailleurs, le législateur organise un système de répression en cas de travail dissimulé.

A- Au regard de la situation du salarié

Le salarié a un droit d’information sur sa situation. En cas de travail dissimulé établi, il peut obtenir le rétablissement des droits.

1-Droits d’information du salarié

Selon l’article L8223-1 du Code du travail, « Le salarié obtient des agents de contrôle mentionnés à l'article L8271-7, dans des conditions définies par décret, les informations relatives à l'accomplissement par son employeur de la déclaration préalable à l'embauche le concernant ».

Il s’agit des services de la police judiciaire, de la direction générale des impôts, de la direction générale des douanes, des organismes de Sécurité sociale, des caisses de mutualité agricole, de l'inspection du travail, des affaires maritimes, de l'aviation civile ou des transports terrestres.

Par exemple, un salarié qui a des doutes sur la régularité de sa situation peut demander au service de  l’URSSAF s’il a été régulièrement déclaré.

Le salarié obtient les informations relatives à l'accomplissement par l'employeur de la déclaration préalable à l’embauche le concernant sur demande écrite.

La réponse par les services concernés doit être adressée au salarié dans les trente jours qui suivent la réception de sa demande.

Par ailleurs, il convient de préciser que la situation de travail dissimulé justifie la prise d'acte de la rupture.

2-Une indemnité forfaitaire de  six mois de salaire

Le salarié peut, au moment de la rupture de son contrat de travail, formuler une demande d'indemnisation pour travail dissimulé devant le Conseil de prud'hommes. S’il est établi une situation de travail dissimulé, le salarié a droit à une indemnité de six mois de salaire.

La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’indemnité forfaitaire peut se cumuler avec les indemnités de toute nature avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail ( Cass. soc. 06 fév. 2013, n°11-23738).

Cette indemnité peut donc se cumuler avec :

-l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

-l'indemnité de requalification d'un CDD en CDI

-les dommages et intérêts pour violation de l'ordre des licenciements

- l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés

- l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (Cass. soc., 20 mai 2009, no 07-42.199 ; Cass. soc., 6 févr. 2013, no 11-23.738)

3- Dommages et intérêts du préjudice résultant de la dissimulation

Le salarié a la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts pour faire réparer le préjudice causé par la dissimulation de son emploi.

Ce préjudice peut découler de la difficulté à trouver un logement ou à obtenir un crédit faute de bulletins de paie

4-      Responsabilité civile

Le salarié qui a été en situation de travail dissimulé doit régulariser sa situation fiscale et sociale.

Si la volonté de frauder du salarié est établie, il peut à titre de sanction se voir priver du bénéfice de certaines prestations sociales.

- Tout ou partie des indemnités journalières dues par le salarié peut être retenue par les organismes de maladie

- Les ASSEDIC peuvent supprimer le revenu de remplacement et sanctionner pénalement le travailleur pour fraude aux allocations.

B- Sanctions pénales et administrative

L’employeur qui a été reconnu coupable de travail dissimulé encourt des sanctions pénales mais aussi des sanctions administratives.

De même, peut être reconnu coupable de l'infraction de travail illégal le client qui conclut des contrats avec une société dont il n'a pas vérifié si elle s'était acquittée de l'accomplissement des formalités obligatoires (Article L8222-2 du Code du travail).

1- Sanctions pénales

Toute infraction à l’interdiction du travail dissimulé est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 ( 225 000 pour les personnes morales), et de peine complémentaire notamment d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle (Article L8224-1 du Code de Commerce).

L'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000  d'amende.

2- Sanctions administratives

Aux sanctions pénales, s'ajoutent des sanctions administratives.

Il s’agit notamment de  :

- La dissolution si la personne morale a été créée pour commettre les faits.

- L’interdiction d’exercer l’activité pendant cinq ans au plus directement ou par personne interposée.

- La fermeture de l’établissement jusqu'à trois mois sur simple transmission du procès-verbal au préfet

- Le remboursement des aides publiques octroyées au cours des 12 mois précédant l’établissement du procès verbal.

- Le refus des aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle (pour une durée maximale de cinq ans) aux personnes physiques et morales ayant été verbalisées pour une infraction de travail dissimulé

- L’exclusion des marchés publics (jusqu’à cinq ans)

Il ressort en définitive que la situation de travail dissimulé est assez complexe et tient compte de situation d’espèce, l’intention de frauder devant être réelle. L’employeur devra éviter toute situation ambiguë pouvant conduire à le faire condamner pour délit de travail dissimulé. La dénonciation du salarié pour travail dissimulé est suffisamment grave pour l’employeur, il devra obtenir de manière objective tous les éléments indispensables avant toute action judiciaire.

Par Maître Sarah GARCIA
Notre blog en droit du travail

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