La sulfureuse campagne anti-tabac

Publié par Documentissime le 19/04/2010 | Lu 6407 fois | 0 réaction

La nouvelle campagne anti-tabac fait fureur. Si elle est loin de faire l'unanimité, elle a su susciter le débat. Ce qui est, incontestablement, son but premier ; remettre sur le devant de la scène les problèmes du tabagisme, en particulier chez les jeunes. Ses affiches publicitaires sont sans équivoque. Elle compare l'addiction à la cigarette à une contrainte sexuelle. Des personnes juvéniles, semble-t-il à genoux, devant un homme, dont on devine le costume, porte à leur bouche une cigarette. La lourde main de l'homme, posé sur la tête de l'adolescent souligne le geste. Dans leur regard, une résignation à l'acte.

La carte de la provocation

Associations familiales et féministes crient au scandale. La nouvelle campagne des Droits des non-fumeurs (DNF) exaspère. Simuler une fellation contrainte, en remplaçant le sexe par une cigarette, choque. La comparaison a le mérite de marquer les esprits.

Les publicitaires de l’agence BDDP & Fils avoue que leur but est de choquer. Sur ce point, aucune objection. Par ces affiches le message se veut clair : Le tabac est une soumission. D’ailleurs le slogan s’aligne sur cet état d’esprit : « Fumer, c’est être l’esclave du tabac. »

Gérard Audureau, le président de DNF justifie la comparaison ; selon ses mots, « la cigarette ne fait plus peur aux jeunes. Utiliser le sexe, c’est une manière d’attirer leur attention. Et s’il faut choquer, choquons ! »

La comparaison scandalise

Si la cause semble juste, beaucoup ne sont pas séduits par la comparaison.

En effet, un déluge de réactions hostiles s’en est suivi.

La présidente d’Enfance et Partage, Christiane Ruel, monte au créneau : « C’est cruel et déplacé : a-t-on pensé à la réaction d’une victime de sévices sexuels face à cette affiche ? ».

Les associations féministes reprochent, quant à elles, cette perversion du sexe. La cofondatrice du Mouvement de libération de la femme, Antoinette Fouque, qui apprécie peu cette assimilation, déclare  « à ma connaissance, pratiquer une fellation ne provoque pas de cancer ».

Beaucoup craignent que seuls les adultes soient choqués, sans que cela ne fasse peur aux adolescents. Car rappelons-le, ils sont les principales cibles de cette campagne. En effet, selon les dernières enquêtes, leur consommation de tabac ne cesse d’augmenter.

A ces critiques, l’agence de publicité se défend ; la société a évolué, les jeunes fument de plus en plus tôt et le discours traditionnel qui consistait à dire que « le tabac c’est mal » n’a plus d’impact.

Une campagne justifiée : la consommation de tabac repart à la hausse

Les études prouvent que la consommation de tabac en France repart à la hausse. En 2009, on note une augmentation du tabagisme de 2,6% par rapport à 2008, soit 54,9 milliards de cigarettes fumées.

Ces chiffres s’alignent sur ceux de 2007 ; c'est-à-dire ceux d’avant le décret anti-tabac. Pour rappel, il est interdit, depuis le 1er janvier 2008 de fumer dans les lieux dits de « convivialité ».

Cette augmentation est également marquée chez les jeunes. Si leur consommation a baissé en 2008, l’année 2009 démontre une augmentation de 4 points de pourcentage.

Si, face à ces chiffres, tous s’accordent sur la nécessité d’une lutte anti-tabac active, pour beaucoup la fin ne justifie pas les moyens.

Une demande de retrait de la campagne publicitaire

Plusieurs associations, ainsi que le gouvernement par le truchement de la secrétaire d'Etat à la famille, Nadine Morano, et de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, ont demandé l'arrêt de la campagne. La requête a été adressée à l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), communément appelée le gendarme de la publicité. Si cette dernière n’a pas de pouvoir répressif, ses avis sont souvent suivis.

Apres étude, l’Autorité a adressé a la DNF ainsi qu’à l’agence BDDP & Fils, une demande de suspension de la campagne. Selon elle, les affiches enfreignent le code de déontologie de la profession. La publicité violerait l'interdiction de propager une image dégradante ou humiliante de la personne humaine, ainsi que celle d'illustrer une situation de domination ou d'exploitation.

En réaction, l’association Droits des non-fumeurs (DNF) a annoncée que la diffusion des visuels serait limitée aux actions très ponctuelles déjà lancées.

En effet, leur but, clairement déclaré, de remettre la question du tabagisme des jeunes sur le tapis est atteint. Les objectifs en termes de visibilité auraient même été dépassés.