La maladie ne dispense pas le salarié de son obligation de loyauté

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 06/12/2010 | Lu 7692 fois | 0 réaction

L'exécution du contrat de travail est suspendue durant l'arrêt maladie du salarié. Cette suspension cesse au dernier jour d'arrêt ou à la date de la visite médicale lorsque celle-ci s'impose à l'employeur. Les obligations qui s'imposent au salarié durant l'exécution du contrat subissent-elles toutes la suspension et le salarié se retrouve donc t-il pleinement et entièrement libéré à ce titre ?

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi". Cette obligation de bonne foi qui s'impose au contrat de travail et qui est reprise par le code du travail n'est pas une spécificité de ce contrat. En effet, depuis longtemps la jurisprudence estime qu'une obligation de bonne foi s'impose au salarié et à l'employeur comme pour toute partie à un contrat quel qu'il soit (le code civil prévoit en effet l'exécution de bonne foi de tout contrat).

Pendant l'exécution du contrat de travail

La bonne foi, bien qu'étant une notion a priori subjective, dispose d'un socle commun de compréhension objectif pour lequel tous s'entendent et en première ligne la jurisprudence : exécuter de bonne foi le contrat de travail signifie pour le salarié ne pas nuire aux intérêts légitimes de son employeur. Ainsi, le salarié qui exercerait une activité concurrente de celle de son employeur porterait nécessairement préjudice aux intérêts légitimes de la structure pour laquelle il travaille et ferait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de son contrat de travail.

La bonne foi dans l'exécution du contrat de travail impose finalement une obligation générale de loyauté au salarié. C'est d'ailleurs pour cette raison que lorsque l'on évoque les clauses de non-concurrence, on parle de la période post-contractuelle, époque où le salarié n'est plus qu'un ancien salarié, libéré du joug du contrat de travail, libre de travailler pour la concurrence ou d'entreprendre une activité concurrente en l'absence de ladite clause de non-concurrence (toute proportion étant gardée dans la mesure du respect du droit de la concurrence et de la concurrence déloyale, la loyauté étant finalement un principe qui transcende les relations au-delà de l'existence d'un lien contractuel).

Il n'est pas nécessaire pour l'employeur de prévoir une clause qui interdirait la concurrence de son salarié le temps de l'existence du contrat de travail. En effet, l'obligation d'exécution de bonne foi se suffit à elle-même pour permettre à l'employeur de sanctionner tout manquement du salarié à son obligation de loyauté.

Pendant la suspension du contrat de travail

Quid de la suspension du contrat de travail ? L'article L. 1222-1 du Code du travail parle de bonne foi et d'exécution du travail, mais lorsque le contrat ne peut pas être exécuté du fait de sa suspension, le salarié peut-il faire l'économie de cette obligation le temps de la suspension ?

Le contrat n'est certes pas exécuté, le salarié n'est certes pas présent dans son poste mais le contrat existe toujours et la bonne foi s'impose malgré tout. Le 23 novembre dernier, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué sur une affaire mettant en cause une salariée licenciée pour faute grave à qui l'employeur reprochait d'avoir porté atteinte à ses intérêts alors qu'elle était en arrêt maladie. En effet, la salariée a sollicité des clients de son employeur pendant son arrêt maladie pour le compte du fonds de commerce de taxi de son mari. La Cour de cassation a maintenu l'employeur dans ses droits pour l'avoir licencié pour faute grave puisque "la salariée avait manqué à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur".

L'obligation de loyauté qui découle de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail n'est donc pas suspendu pendant l'arrêt maladie ou toute autre cause de suspension du contrat de travail.

Cass. soc. 23 novembre 2010, n°09-67249.