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La jurisprudence et l'escroquerie au jugement.

Publié par Sabine HADDAD le 14/11/2010 | Lu 27316 fois | 9 réactions

Si l'action en justice est un droit, dont dispose tout justiciable, des limites sont posées à la fois dans l'abus de cette action, mais aussi par la notion de fraude. Ainsi, peuvent être sanctionnés - l'abus du droit "d'ester en Justice" fautif, par le biais d'une amende civile et des dommages et intérêts contre le demandeur - La duperie et la tromperie des juges provoquées par des manoeuvres. Il s'agira du délit pénal d'escroquerie au jugement, dont les contours ont été fixés par la jurisprudence. Dans l'escroquerie au jugement l'auteur trompera la religion du juge dans le but d'obtenir un titre qui portera nécessairement atteinte à la fortune de la personne condamnée.Duper la religion d'un tribunal et tromper ses juges avec des manoeuvres déterminantes ne seront pas sans conséquences.

L’article 313-1 du Code pénal dispose :

« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »

La peine et l'amende pourront être majorées dans certaines circonstances agravantes  visées par l'article L 313-2 du Code pénal (ex bande organisée...) , étant rappelé que la tentative est punie des même peines que l'action aboutie.

Le principe posé,il faut rappeler que: Si toute action en justice est un droit, des limites sont posés à la fois dans l’abus de l'action, mais aussi dans sa fraude. Ainsi

- -  L’abus de droit "d’ester en Justice", fautif peut  être sanctionné par une amende civile et des dommages et intérêt contre le demandeur; (Il s'agit ici d'une action judiciaire, intentée de mauvaise foi, sachant qu'elle est vouée à l'échec ou pour nuire à l'adversaire. De la même façon en cas de plainte avec constitution de partie civile, d'appel ou de pourvoi en cassation jugés dilatoires ou abusifs)

- -  La duperie et  la tromperie des juges provoquées par des manœuvres  déterminantes constitueront le délit pénal d’escroquerie au jugement.

Toute production d’une pièce fausse, destinée à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui, ou l’omission dans une déclaration pourront être prises en compte.

"L’escroquerie au jugement"  tient dans le fait de tromper la religion du juge dans le but d’obtenir un titre avec lequel le demandeur pourra porter atteinte à la fortune de la personne condamnée, de vouloir obtenir en fraude  des droits  d'autrui une décision de Justice

La Cour de cassation a précisé les contours de la notion d’élément matériel.

A partir du moment où une  action en justice n’est que l’exercice d’un droit, il  ne suffira pas pour que ce délit  soit constitué, que le plaideur formule des allégations mensongères, mêmes répétitives. Il faudra qu'il  les accompagne d’éléments extérieurs.

 I- La définition de l’élément matériel affinée par les Tribunaux

 A) rappel de principe: l’usage de manœuvres

Les tribunaux considèrent que le jugement est un titre exécutoire qui crée  obligation ou décharge.

Pour la jurisprudence , le fait de tromper sciemment un juge pour en obtenir une décision favorable à ses prétentions, soit par la production de faux documents, soit à l’aide de faux témoignages.

Ce principe a été posé il y a plus d’un siècle.

Crim 23 janvier 1919, (Bull. n° 21) « Le délit de tentative d’escroquerie au jugement est caractérisé par des manœuvres frauduleuses visant à tromper le juge dans l’exercice de sa fonction,.. »

Crim  8 novembre 1962, (Bull. crim, no 312 ).

Crim 7 janvier 1970(Bull.crim. n°14 p.30) : Si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, sa mise en œuvre peut constituer une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie.

B) Les moyens utilisés

Crim 24 juin 1970(Bull.crim. n° 213 p.516) : « On ne saurait voir une manœuvre frauduleuse, … dans la production, à l’appui d’une action en justice, d’une pièce dont le juge civil a précisément pour mission de déterminer le sens exact et la valeur probante »

Crim 26 mars 1998 (GP 1998 II Chr.crim. 121 ) « Constitue une tentative d’escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n’est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l’adversaire. »

voir aussi Crim. 14 mars 1972 (GP 1972 II 738)

Des déclarations mensongères, même répétitives, ne suffiront pas pour constituer le délit d’escroquerie lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un fait extérieur ou d’un agissement quelconque destiné à y faire ajouter foi.

Les éléments extérieurs (manœuvres, fausse qualité, faux document, mise en scène…)devront être provoqués de mauvaise foi, par l’intervention et l'utilisation de l’appareil judiciaire dans l'obtention d'une  décision  en vue de la spoliation de l'adversaire.

Crim 20 avril 2005, n° de pourvoi: 04-84828

Crim 7 avril 1992a condamné un époux qui, sans présenter de faux documents, avait produit des pièces qui donnaient une image inexacte de sa situation réelle …

Les circonstances de fait seront appréciées souverainement. Il faudra démontrer la fausseté des documents allégués par exemple.

N’oublions pas les dispositions de l’article 272 du code civil qui prévoit que « Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie....  »

Une fausse attestation obligatoire aux débats, sera un élément à considérer, si elle a emporté ou faussé la conviction du juge.

Crim 22 février 1996, pourvoi n° 95-81.627. La déclaration d'un sinistre à une compagnie d'assurance, accompagnée d'un certificat de dépôt de plainte pour vol, destiné à donner force et crédit à la réalité de ce vol, caractérise le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie.

II Elément moral et mise en œuvre de l’action

A) L'élément moral : L'intention frauduleuse

L’intention coupable, sans laquelle n’y a pas infraction, tient dans le fait que le l’une des parties,  en parfaite connaissance de cause, a commis les manœuvres frauduleuses dans le dessein de tromper les magistrats,laquelle aura parfaitement fonctionnée.C'est la mauvaise foi, la malhonnêteté, l'intention de nuire...

B) La mise en œuvre de l’action pénale

Une plainte devra être adressée par RAR au procureur de la république près le tribunal de grande instance compétent, ou déposée au commissariat pour escroquerie en demandant réparation du préjudice qui a été causé. la victime pourra se constituer partie civile jusqu'à l'audience pénale afin de formuler une demande de  dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier et du préjudice moral causé.

La Cour de cassation considère que l'escroquerie au jugement sera consommée au jour où la décision obtenue frauduleusement est devenue exécutoire. C'est donc à cette date que doit être fixé le point de départ du délai de prescription de 3 ans, s'agissant d'un délit. Crim 30 juin 2004 (Bull. n° 178).

Parfois elle sera ajoutée à d'autres délits: faux et usage de faux document, et/ou faux témoignage.

Ainsi, entre les plaintes pour faux et usages de faux documents, faux témoignages, y compris par omission ou escroquerie au jugement, les risques d'amendes civiles liées aux abus judiciaires, les justiciables feront bien de respecter  des conseils de prudence, puisqu'au delà du risque, il y a la sanction...

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions

Maître HADDAD  Sabine

Avocat au barreau de Paris


Les derniers commentaires (9)
archinard a écrit le 05/05/2011 à 13:45:44
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Bonjour, suite à la lecture de votre article, je me pose la question de savoir si le fait de faire une fausse déclaration aux impots, ayant une incidence sur les revenus et par la même une prestation compensatoire et pension alimentaire, peut être qualifiée d'escroquerie au jugement. Cette pièce étant fournie au tribunal dans le dossier.
Je vous remercie de votre réponse.
XAVIER a écrit le 12/05/2012 à 17:22:54
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Que se passe t il contre l'avocat qui a fourni des attestations de témoignages qui savaient fausses, dans un procès pour tromper les juges, reconnu fausses par le juge en appel d'un jugement prud'hommes, les avocats demandent beaucoup à leurs clients des attestations de collègues contre le salarié, est que l avocat peut être condamné
andrea a écrit le 21/08/2012 à 19:13:09
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Bonjour,que se passe-t-il, quand trois experts, ne mentionne pas la gravité de l'accident du plaignant qui a eu un grave accident du travail,que sera les conséquence pour de ces trois experts désignée par la caisse du plaignant, ces experts ont porté une fausse déclaration au tribunal,sur la gravité de cette personne qui a été opéré cette fois, le tribunal peut condamner ces trois experts pour faux en écriture,
anselme moise a écrit le 12/07/2013 à 10:35:50
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bonjour
j'ai été condamne en 2004 en appel a régler plus de 200000€ de divers dommages immobilier parmi le Detail des sommes réclamées figure environs 35000@ de réclamations non du et non soulevée par mon avocat de l'époque je me suis rendu compte de cette escroquerie au jugement que décembre 2009 lors de l'assignation en paiement de mon adversaire je dépose plainte en janvier 2011 sans constitution de partie civil et ma plainte et rejeter pour prescription peut on déposer plainte actuellement mais avec constitution de partie civil cette fois???
dan a écrit le 19/10/2015 à 08:05:21
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mon assureur a affirmé en jugement de proximité qu'il était agent général articule 511 1 du code des assurance la compagnie était responsable la compagnie quand a elle m'avait écrit qu'il était courtier donc responsable le juge a tranché je suis débouté au vu de l’article 511 que faire
âpres le jugement la compagnie m(envoie un courrier m'indiquant qu'elle a commis une erreur et que cet assureur est agent non exclusif puis porter plainte contre la compagnie et contre l’assureur pour escroquerie au jugement
llenoble a écrit le 06/04/2016 à 10:37:05
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Le jugement de divorce vient d'être rendu, me donnant la garde de notre fils.
Pour le calcul de la pension alimentaire, mon ex-femme et son avocat ont allégué une adresse en province et en conséquence, des frais de transports lourds, pour l'exercice du droit de visite. Se basant sur ce mensonge,le juge a donc fixé un montant de pension ridicule de 50 €. La réalité est que ma femme réside à 1 h de métro de l'ex-domicile familial où mon fils et moi résidons toujours. Comment me défendre sans être obligé de faire appel du jugement de divorce et de refaire une procédure longue et coûteuse? (je viens de finir de payer la procédure de divorce. Je suis financièrement exsangue).
Hervé a écrit le 01/02/2017 à 16:02:59
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Bonjour Maître
L'escroquerie au jugement porté à son extrême, un cas d'école sur justicedefrance.com
Les conséquences sur la profession et Marianne sont incommensurables, un discrédit total de la Justice que personne n'ose analyser...
Merci pour en parler à plusieurs reprises.
Cordiales et respectueuses salutations
MERABATIR a écrit le 06/02/2018 à 21:05:46
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Bonsoir,
Pour dénaturer le déplacement de ma barrière avec permis de travaux et procédure dans les règles et me condamner, j'ai été domicilié sur une voie communale par les avocats et les voisins alors qu'une telle domiciliation est incontestablement impossible, comme cela a été signalé sans vouloir m'entendre. L'avocat d'appel rémunéré pour sa prestation est réputé n'avoir rien fait par le jugement et refuse de s'en expliquer. Tout le réseau administratif pris à témoin en a été complice. Vive la France.
Bonne nuit
elya a écrit le 28/12/2018 à 19:18:20
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le juge a rendu son jugement en accusant une des partie sur la base d'un document falsifié malgré que j'ai informé ce juge à mainte reprise par courrier sur la falsification de ce document! le juge n'a pas pris la peine de vérifier l'authenticité de ce document! ce qui me chagrine. a t il le droit de ne pas vérifier? ou de baser son jugement sur un document sans vérifié malgré qu'il a eu l'information sur l'inexactitude des donnés portés sur ce documents?

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